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17/09/2013 - La délinquance et l'insécurité constituent des préoccupations sociales de premier plan. Pourtant leur approche politique et institutionnelle est le plus souvent irrationnelle et idéologique. Elle ignore étrangement les apports des recherches sociologiques qui, depuis près d'un siècle offrent des outils de compréhension de l'acte délinquant et de la construction des carrières criminelles, évaluent les différentes façons de concevoir la prévention du crime et la répression pénale.

Jacques Faget présente une synthèse des grandes théories qui ont marqué l'histoire de la sociocriminologie ainsi que les travaux les plus récents. Au-delà d'une simple réactualisation des données, cette troisième édition en version poche est porteuse d'une nouvelle dynamique. L'auteur a souhaité réserver une place aux théories de la domination qui ont influencé la pensée de toute une génération et développer la partie consacrée à la justice pénale en la replaçant dans le contexte des controverses scientifiques et idéologiques contemporaines.

Cet ouvrage éclaire le débat public et fournit des outils pour penser un système pénal plus efficace, moins violent et plus respectueux des citoyens, dont la mission ne serait pas focalisée sur l'exercice d'une vengeance mais sur le maintien et la production de la paix.

Jacques Faget est directeur de recherche au CNRS (centre Émile-Durkheim), enseignant à l'Institut d'études politiques de Bordeaux et dans diverses universités françaises et européennes.

  • Les courts extraits de livres : 17/09/2013

Extrait de l'introduction - Alors que les sciences exactes et les sciences de la nature, biologie, mathématiques, astronomie, physique, se sont dégagées de l'étreinte de la métaphysique, les sciences humaines restèrent longtemps bridées par le dogme catholique et la censure politique. La pensée positive qu'Auguste Comte s'efforça d'appliquer à l'analyse des faits sociaux ne fut guère pratiquée dans l'approche des questions criminelles, et l'inquiétude manifestée par la bourgeoisie face à une classe ouvrière grossissante dont elle craignait les révoltes nourrit des approches plus moralistes que scientifiques. En la matière le chemin de la rationalité a de tout temps été semé d'embûches spécifiques.

Le premier obstacle tient à l'irrationalité de l'objet. La peur et la fascination qu'inspire le crime constituent des entraves à une approche objective. Il faut dominer la peur sous toutes ses formes, peur de l'autre, de celui qui est différent, dont les traits ressemblent étrangement au portrait-robot dessiné par Lombroso, front bas, sourcils épais, pommettes saillantes, regard fuyant, stigmates anthropométriques de la lâcheté ou de l'indifférence affective. Il faut dompter la peur qu'inspirent ces hordes de marginaux, de pauvres, d'ouvriers misérables, déracinés par les grandes manoeuvres industrielles qui errent dans la promiscuité d'univers urbains anomiques. Il faut aussi maîtriser la fascination qu'inspire le crime. Parler du crime est une valeur d'échange, commerces et cafés résonnent de discours «criminologiques» de sens commun où s'expriment à la fois l'inquiétude et la jubilation. Lire et voir le crime s'inscrivent dans des logiques de marché, business lucratif du fait divers, de la littérature policière, des films ou séries télévisées qui, dans une large majorité, puisent leur source d'inspiration dans l'univers du crime et de la délinquance.

Le projet rationaliste en criminologie se heurte aussi à l'irrationalité de l'univers qu'il se propose d'analyser. La base des incriminations pénales est auréolée d'une représentation du péché. Partout les critères de définition du crime et la justification de sa répression s'inspirent clairement de la religion, les dix commandements des religions judéo-chrétiennes, les infractions had du droit musulman, le dharma de la religion hindoue... La rationalité juridique occidentale non seulement ne rompt pas avec ces racines mais s'inscrit tout entière dans un univers du mythe. La transgression doit être châtiée selon une liturgie. Les magistrats rendent la justice dans un décor souvent boisé censé attirer et leur transmettre un charisme divin. Les lieux du culte pénal présentent tous les symboles d'une église, l'austérité des palais de justice, la disposition des espaces dans les salles d'audience, les vêtements des officiants, la langue judiciaire et ses codes, jusqu'à très récemment encore la présence du Christ surplombant le bureau-autel des magistrats. Nombre de juges, d'avocats, de criminologues des pays occidentaux ont été élevés dans les principes de la foi chrétienne. La spiritualité de leur discours est souvent sensible, l'évolution de la politique pénale a été durablement marquée par des courants de pensée dont la nature confessionnelle est notoire, depuis le courant philanthropique du XIXe siècle jusqu'à celui de la défense sociale nouvelle porté par Marc Ancel qui inspira la plupart des réformes réalisées entre 1945 et 1975.

Auteur : Jacques Faget  Date de saisie : 17/09/2013  Genre : Sociologie, Société  Editeur : Erès, Toulouse, France  Collection : Erès poche

Auteur : Jacques Faget Date de saisie : 17/09/2013 Genre : Sociologie, Société Editeur : Erès, Toulouse, France Collection : Erès poche

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