16/11/2013 - Au milieu du XIXe siècle, les aventures d'un jeune garçon, Hippolyte Darasse, 14 ans, enfermé dans la colonie pénitentiaire de Boussaroque, dans le Cantal. Arrêté comme vagabond, il raconte les difficiles conditions de vie de ces centaines d'enfants, pas tous délinquants, vivant quasiment comme des bagnards. Un récit d'aventures façon xix* siècle, s'appuyant sur des faits réels, pour lequel l'auteur a mené une recherche documentaire. Un «Sans famille» d'aujourd'hui !
Après la mort de son père, un charron du Cantal, Hippolyte Darasse, 14 ans, est confié par sa mère à un oncle peu affectueux. Aussitôt le garçon prend la tangente à la suite d'un colporteur rencontré dans une foire, qui se révèle être un voleur de grand chemin. Arrêtés tous les deux, le garçon est alors envoyé dans une de ces colonies pénitentiaires ouvertes au XIXe siècle pour les enfants délinquants ou tout simplement orphelins ou mendiants. En 1855, cette ferme, Boussaroque, est plus un bagne qu'un lieu d'éducation. Hippolyte raconte le dur travail des champs, la famine, les maladies, le cachot, mais aussi les amitiés et les entraides. L'aventure commence vraiment lorsqu'il décide de fuguer avec un garçon qu'il a pris sous son aile, Julien. Plus tard, son amour de la liberté le mènera jusqu'au port de Cette (l'orthographe de l'époque), puis, de retour à la colonie, à lutter contre les conditions de vie et les injustices.
Ahmed Kalouaz a mené une recherche documentaire autour de ces bagnes pour enfants et s'est rendu sur les lieux où était installée cette colonie.
Voici donc Les Sauvageons, un roman d'aventures façon XIXe siècle, qui va sûrement stupéfier les ados d'aujourd'hui !
L'auteur
Né en 1952, Ahmed Kalouaz vit dans le Gard. Principalement auteur pour les adultes, dont Avec tes mains, Une étoile aux cheveux noirs et À l'ombre du jasmin publié en octobre 2012, parus dans la collection la brune, il écrit aussi pour la jeunesse et a publié Si j'avais des ailes (Actes Sud Junior, 2008), Un maquisard dans la cité (Seuil Jeunesse, 2009)... Au Rouergue, en jeunesse, il est l'auteur de Au galop sur les vagues (dacodac, 2010), La première fois on pardonne (doado, 2010), Je préfère qu'ils me croient mort (doado, 2011), Les Chiens de la presqu'île (dacodac, mars 2012), Mon coeur dans les rapides (doado, 2012) et L'Aventure est au bout du chemin (dacodac, avril 2013).
- Les courts extraits de livres : 16/11/2013
Le colporteur - Je m'appelle Hippolyte, détenu depuis deux ans déjà dans ce bagne en hautes forêts. Deux années où j'ai réussi à fuguer de nombreuses fois. Des dizaines de jours de cavale, de traque, d'abris incertains, mais surtout de liberté reprise au silence réglementaire du soir, aux privations. Fuir, c'était une idée fixe pour échapper aux poux, aux punitions, à la fatigue qui s'installe dans le corps. Nous étions des centaines à croupir dans cette ferme. La plupart des garçons venaient de la région lyonnaise, quelques-uns de Corrèze ou du Puy-de-Dôme, une poignée, comme moi, du Cantal. Quelques autres, à la peau sombre et à l'accent curieux, débarqués d'Italie ou d'Algérie.
Ce matin, j'effectue ma dernière fugue, la plus belle, car personne ne pourra me reprendre, m'obliger à trembler de froid toutes les nuits. Une nouvelle fois je cours à l'écart des chemins, je fonce le long des coteaux en évitant les villages, les hameaux, les fermes isolées, les chiens errants ou ceux des vachers. La veille au soir un gardien m'a privé de nourriture parce que je marchais trop lentement au retour de l'étang où l'on va se laver. Ce n'est pas la frustration du maigre repas envolé qui m'avait fait souffrir, mais le visage de Simon Bel. Un mort de plus depuis le mois de juillet, après Gaston, Fernand, Armand, tombés d'épuisement, affamés, malades, battus par les gardiens.
Moi, j'étais arrivé à la colonie pénitentiaire de Boussaroque au mois de mars 1855, sous un paysage de froid, dans un groupe qui comptait une dizaine de nouveaux colons. Eux débarquaient d'autres prisons, en sabots et caleçons, avaient marché des jours et des jours, dormant ici et là sur des paillasses, avant de rallier ce lieu perdu, au milieu de la campagne cantalienne, dans un vallon entouré d'arbres.
Lorsque je me suis retrouvé dans le convoi quittant Aurillac, l'hiver rôdait encore sur les montagnes et les vallées. Je croyais trouver, au bout de ce voyage, la fin d'un long chemin d'embûches, de chutes, de trahisons, sans savoir qu'un nouveau monde s'ouvrait devant moi, encore pire que ce que j'avais connu. Un monde brutal où règne l'ordre du piquet, du pain sec, de la pitance, des privations.
Mon père était charron à Condat-en-Féniers, dans le nord du département, et travaillait pour les paysans des alentours. J'allais un peu à l'école, en tout cas un peu plus que les autres garçons du village, obligés de garder les vaches ou les cochons dans les modestes prairies que louaient leurs parents. Les filles partaient très jeunes vers la ville pour travailler comme domestiques, ou se retrouvaient au couvent chez les sœurs. La vie était belle, entre la rivière où j'allais taquiner le poisson, la campagne qui me donnait l'occasion de m'ébattre, de rêver. Tout allait bien. Mais un soir, alors que j'allais vers mes treize ans, mon père est rentré de la forge en toussant. (...)