Pierre Lemaître vient de recevoir le Prix Goncourt pour son livre Au revoir là-haut (Albin Michel). Son portrait dans le dernier numéro de L'Histoire par Pierre Assouline
Quelle histoire ! Il y a quelques mois encore, seuls les amateurs de romans policiers connaissaient le nom de Pierre Lemaitre. Aujourd'hui, la France qui lit le découvre. Tout cela à cause d'un livre. Le sien bien sûr, Au revoir là-haut (Albin Michel), présent sur toutes les listes de sélection des jurys, en tête des palmarès de meilleures ventes.
Mais pour que son roman existe, il a fallu qu'un autre l'engendre. Car on l'oublie trop souvent, un livre peut engager une vie. Pour Pierre Lemaitre, né en 1951, ce ne fut pas Les Trois Mousquetaires ni Vingt ans après, bien qu'il se dise inconditionnel d'Alexandre Dumas, mais Les Croix de bois découvert à l'âge de 19 ans, suivi par Le Réveil des morts. Il a toujours conservé près de lui et en lui les romans de Roland Dorgelès. En y repensant, ce qui le frappe le plus, c'est encore la jeunesse des personnages : « Ces livres me serrent le coeur et ce sentiment ne m'a jamais abandonné. Je me disais alors que, si un jour je devenais écrivain, ce serait avec la guerre de 14-18. » Plus de quarante ans ont passé mais il en demeure hanté comme au premier jour. Ainsi est né le roman-événement de la rentrée.
A la fin de la Grande Guerre, deux jeunes démobilisés ne reconnaissent pas un pays qui ne les reconnaît pas. La France ne sait pas quoi faire de ses démobilisés cassés, abîmés, bousillés. Il n'y ont pas leur place. Des poilus se retrouvent à faire les hommes-sandwichs sur les grands boulevards. On suit les péripéties d'un trafic à haute échelle de cercueils et sépultures, ainsi qu'une arnaque aux monuments aux morts en escroquant des municipalités - il y eut bien un authentique scandale des exhumations militaires dans les années 1920. Rien n'est alors amoral comme le blasphème antipatriotique. On ne fait pas plus cynique.
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Le Goncourt 2013 attribué à Pierre Lemaître
Infos - 04/11/2013