03/06/2014 - Dès qu'il est reconnu chef des Français Libres par le gouvernement britannique, le 28 juin 1940, le général de Gaulle confie au capitaine Dewavrin (alias colonel Passy), le soin d'organiser ce qui deviendra le Bureau central de renseignements et d'action (BCRA). À la Libération, 270 réseaux du BCRA sont reconnus en tant qu'unités des Forces Françaises Combattantes.
Ajax était de ceux-là. Réseau d'action et de renseignement créé au printemps 1943, dirigé jusqu'à la Libération par le commissaire de police Achille Peretti, sa spécificité résidait en ce que l'essentiel de ses effectifs (près de 1 200 hommes et femmes) était constitué de policiers. Situés au coeur même des rouages de l'administration en charge de l'application de la répression vichyste - fonctionnaires félons aux yeux de Vichy qui n'a jamais cessé de les traquer -, les membres d'Ajax ont représenté pour Londres une source inestimable d'information.
L'armée britannique évoque le rôle d'Achille Peretti et l'importance du réseau Ajax dans la citation qui accompagnait l'attribution du Distinguished Service Order : «... Au cours de l'exécution de cette mission, il créa un système couvrant toute la France [...] que le War Office considère en qualité comme la meilleure de ses sources d'origine française.»
Yves Mathieu, commissaire divisionnaire honoraire et ancien directeur départemental de la Sécurité publique, s'est appuyé sur une abondante documentation - travaux universitaires, témoignages, archives publiques et privées - pour mener à bien l'écriture de ce premier livre consacré à l'histoire du réseau Ajax.
- Les courts extraits de livres : 03/06/2014
Extrait de l'avant-propos
La poignée de Français qui se trouvait à Londres au début de l'été 1940 ou qui tentait de rejoindre le général de Gaulle après son appel du 18 juin constitua l'élément précurseur d'une organisation exilée de résistance appelée à une glorieuse postérité : la France Libre.
Résolument décidée à continuer la lutte contre l'occupant nazi et le régime de Vichy, l'un et l'autre accablant le pays défait, la France Libre se trouvait outre-Manche en situation d'isolement et de dénuement. Il en était tout particulièrement ainsi dans le domaine du renseignement qui, en période de conflit, revêt une importance de tout premier ordre.
Soldat averti, le général de Gaulle perçut l'urgence qu'il y avait à mettre sur pied un service spécialisé capable de lui fournir des informations régulières sur l'évolution de la situation militaire, politique, économique et sociale de son pays. Doté d'un sens politique aigu et se faisant une haute idée de la nation française, il ne pouvait, s'agissant d'un domaine aussi sensible, accepter l'idée de se placer sous la dépendance des Alliés qui, de leur côté, n'avaient pas attendu pour actionner sur le territoire occupé leurs propres réseaux, souvent d'ailleurs en utilisant les compétences françaises présentes sur le sol anglais : Intelligence Service (IS) et Special Operations Executive (SOE) pour les Britanniques, Office of Stratégie Services (OSS) chez les Américains. Si ces derniers ne s'installèrent à Londres qu'au début 1942, ils n'en furent pas moins très impliqués dans le renseignement bien avant cette date, par l'entremise d'agents actionnés depuis la Suisse, l'Espagne et même la France.
Le renseignement est l'un des nerfs de la guerre. Aussi, dès qu'il fut reconnu chef des Français Libres par le gouvernement de Sa Majesté, le 28 juin 1940, le général de Gaulle s'attacha à disposer de services secrets. Une de ses toutes premières décisions fut de confier au capitaine du génie André Dewavrin - qui entrera dans la postérité sous le pseudonyme de colonel Passy -, le soin de créer, d'organiser et de mettre en place des services spéciaux. Sous des appellations différentes s'adaptant aux évolutions de la guerre qui façonnèrent leurs structures, ces services spéciaux devinrent le très célèbre Bureau Central de Renseignement et d'Action (BCRA).
C'est sous la conduite du BCRA que les réseaux clandestins établirent d'inestimables ponts entre la France Libre et le pays occupé. À la Libération, ils furent quelque deux cent soixante-dix à être reconnus en tant qu'unités combattantes des Forces Françaises Libres, et homologués au titre des Forces Françaises Combattantes.
Ajax est de ceux-là.
Réseau d'action et de renseignement créé en juin 1943 par le commissaire de police Achille Peretti, sa spécificité réside en ce que ses effectifs furent en majorité des policiers bien décidés à contrecarrer l'action du gouvernement de Vichy par tous les moyens que leur profession mettait à leur disposition. Avec Ajax, une partie de l'appareil policier se mit discrètement au service de la Résistance et s'engagea résolument dans la voie de l'honneur par la désobéissance. Or, la fonction policière n'est pas une fonction comme les autres dans la mesure où elle occupe une place centrale au sein de la société. Investie de missions de souveraineté nationale, elle amène ceux qui la pratiquent à des contacts étroits avec l'ensemble des rouages administratifs, économiques, politiques, sociaux et militaires du pays. Placés au coeur de la vie politique et de la répression vichystes, les policiers qui s'affranchissaient de leurs devoirs en se mettant au service du réseau Ajax étaient, au regard de Londres, une inestimable manne d'informations et de renseignements du plus grand intérêt, dont beaucoup portaient le sceau du secret. De fait, par sa capacité de nuisance, Ajax contribua à saboter insidieusement et gravement l'action du gouvernement du maréchal Pétain. Pour celui-ci, il en allait tout autrement : les policiers d'Ajax étaient des fonctionnaires félons, mettant en péril l'État de Vichy. Il convenait de les pourchasser et de les éliminer.
Auteur : Yves Mathieu
Date de saisie : 03/06/2014
Genre : Documents Essais d'actualité
Editeur : Loubatières, Portet-sur-Garonne, France