L'histoire est authentique : en 1903, Jeanne Bibesco, jeune princesse, mais également prieure du carmel d'Alger, plaide la cause de son couvent auprès d'un intraitable vieillard, Émile Combes, qui supprime les congrégations une à une. Le coup de foudre est réciproque et de leur rencontre naît un improbable amour, fort dangereux pour le président du Conseil qui continue son implacable politique anticléricale et met en route le processus de séparation des Églises et de l'État. Spécialiste internationalement reconnu de la laïcité à laquelle il a déjà consacré plusieurs ouvrages, Jean Baubérot nous raconte, dans son premier roman, cette histoire où la réalité dépasse souvent la fiction. Choc des âges, des origines sociales et des cultures, solitude contrastée du pouvoir et du cloître, jalousie et scrupules, lutte entre passion et raison, attirance des contraires et difficulté de se comprendre, la relation entre Jeanne et Émile s'avère terriblement humaine dans une Belle Époque où l'odeur du crottin voisine avec les premières automobiles. De plus, les événements politiques et religieux, parfois dramatiques, qui parsèment cette histoire posent la question toujours actuelle : qu'est-ce que la liberté ?
Jean Baubérot est professeur émérite de la chaire Histoire et sociologie de la laïcité à l'EPHE. Il a fondé le Groupe Sociétés, religions, laïcités (CNRS-EPHE), dont il est toujours membre. Ses nombreux travaux sur la laïcité font autorité et ont été traduits en quatorze langues. En 2008, il avait déjà attiré l'attention sur un travestissement de la laïcité dans son ouvrage La Laïcité expliquée à M.Sarkozy et à ceux qui écrivent ses discours (Albin Michel, 2008).
- Éditeur : Éditions de l'Aube (14 octobre 2005)
- Collection : Regards croisés
Emile Combes - Au centre de la lutte de la IIIe République contre le pouvoir catholique se dresse la figure indomptable d'Emile Combes. Ce n'est pas lui qui déclara la guerre anticléricale, mais il la conduisit avec une telle vigueur qu'elle passa pour une guerre antireligieuse même s'il ne visait qu'à réconcilier l'Eglise avec la République, réconciliation passant selon lui par une rupture de relations vieilles d'un siècle dans les textes et de mille ans dans les esprits. Cette rupture exigeait un courage politique que ses devanciers n'avaient pas eu. S'il prit le pouvoir à reculons, Combes, lui, l'exerça sans faiblesse.
Celui qu'on commençait à appeler le " Petit Père Combes " fut longtemps soit encensé, soit haï, mais sa destinée posthume est plus ambiguë. Les enfants de ses laudateurs oublièrent son bilan, et ceux de ses adversaires n'oublièrent pas les griefs de leurs pères (sans pour autant, d'ailleurs, souhaiter un retour à un quelconque concordat...).
Aussi a-t-on peu travaillé et peu écrit sur Emile Combes. Aussi connaît-on mal ce politique qui inventa l'union de la gauche, qui avait prêché la République sous l'Empire, puis, comme sénateur, combattu les " féodalités " et qui avait conçu pour les " indigènes " d'Algérie un projet d'enseignement primaire digne de Jules Ferry, cet humaniste à la carrière multiforme (séminariste thomiste, critique littéraire et journaliste politique, médecin de campagne et paléontologue), ce croyant qui était passé de la foi en Dieu à la foi au progrès. Travailleur acharné et intègre, dédaigneux des honneurs, vif et tendre, homme aux brefs éclats et à la longue mémoire, aux faiblesses rares, il avait ses jardins secrets. C'était aussi un homme de fer, stoïque devant la lassitude, les deuils et la calomnie.
Personnalité originale et complexe, destin hors norme, vie droite et digne, acte politique majeur qui, par-delà des péripéties initiales, fonda la paix religieuse d'aujourd'hui: autant de raisons de découvrir Emile Combes et réviser à la hausse son importance historique.
Professeur émérite à l'université de Paris-VII, Gabriel Merle a publié des ouvrages touchant divers domaines mais surtout celui de la biographie (son Lytton Strachey, consacré au célèbre biographe de la reine Victoria, fait autorité auprès des spécialistes anglo-saxons). Il a récemment publié les lettres inédites de la princesse Bibesco à Emile Combes (Gallimard, 1994).
Parution : 15/02/1995