En 1926, à 15 ans, Jean Genet est envoyé à Mettray, en Touraine. On appelait cette « colonie agricole », elle aussi fermée en 1937, le « bagne des enfants ».
L'État, des philanthropes ou des hommes d'Église ouvrirent au XIXe siècle des « colonies agricoles » pour mineurs délinquants, loin des miasmes des villes corruptrices. La plus célèbre est Mettray, « à l'endroit le plus beau de la belle Touraine » écrira Jean Genet qui y arrive en 1926 à « 15 ans et 17 jours », coupable de menus larcins, le dernier étant un voyage en train sans billet. Créée en 1839, Mettray accueille notamment de jeunes garçons condamnés à un enfermement de six mois à un an et, après une loi de 1912, des jeunes placés par les tribunaux. Conçue comme un phalanstère d'enfants réprouvés, la colonie accueille jusqu'à sa fermeture, en 1937, une moyenne annuelle de 500 détenus répartis en « familles », dans une organisation inspirée de la vie de caserne, de l'idéal monacal et du travail aux champs. Jean Genet y reste deux ans et demi, une expérience douloureuse dont il tire son Miracle de la rose.
En 1865, il existe 63 colonies dont 55 privées. Certaines relèvent de grands propriétaires terriens exploitant une main-d'oeuvre gratuite, d'autres de religieux où le pire côtoie le plus charitable. Au XXe siècle, la situation s'améliore peu, même si la puissance publique se fait plus présente. Après la Première Guerre mondiale, la presse populaire révèle simultanément la réalité des bagnes coloniaux ou militaires et de ces « Maisons d'éducation surveillée », selon le terme officiel, plus connues comme « bagnes d'enfants ». Louis Roubaud dans Le Quotidien de Paris en 1924 puis Alexis Danan dix ans plus tard dans Paris Soir s'indignent du sort horrible infligé aux mineurs délinquants. La presse se fait l'écho, à l'été 1934, de la révolte des jeunes à la colonie pénitentiaire de Belle-Île et de sa répression qui scandalise l'opinion publique et inspire à Jacques Prévert (dont l'oncle était passé là) son poème La Chasse à l'enfant - une prime étant promise pour chaque enfant ramené. La mort d'un détenu de 19 ans à Eysses en avril 1937 des suites de punitions inhumaines et l'émeute durement réprimée à Aniane la même année préparent à l'ordonnance du 1er septembre 1945 créant la direction de l'Éducation surveillée.
Michel Pierre
Le « bagne des enfants »
Le temps du bagne - 10/07/2014