C'est au gouvernement de Vichy que l'on doit l'étatisation des polices municipales et la constitution d'une police moderne. Tout à leur souci de construire un État fort, les artisans de la Révolution nationale s'efforcèrent de rationaliser l'appareil policier. Mais, pris dans l'engrenage de la Collaboration, Vichy dut impliquer activement sa police dans les rafles de Juifs commencées à l'été 1942.
Comment s'assurer le concours d'une police efficace ? Tout régime se pose la question — a fortiori un régime autoritaire comme celui que la France connut entre juillet 1940 et août 1944.
Aux nouveaux maîtres du pouvoir installé à Vichy, il apparut assez vite que l'épuration des têtes de la hiérarchie policière léguée par la IIIe République ne suffirait pas à répondre au besoin d'ordre et de répression exprimé par le régime. C'était une véritable réorganisation qu'il fallait conduire, en procédant à l'étatisation de polices jusque-là municipales* — à peu d' [...]
Vichy ou l'heure de la réforme
La guerre des polices - 01/02/2000 par Marc Olivier Baruch dans mensuel n°240 à la page 52 | Payant
" Le maintien de l'ordre public, indispensable à la vie de la nation, doit être assuré par des mains françaises, des bras français, des têtes françaises ", déclarait en janvier 1942, devant la police parisienne réunie pour prêter serment de fidélité au maréchal Pétain, le ministre de l'Intérieur Pucheu. Mais revendiquer ainsi une pleine souveraineté _ grâce à laquelle Vichy entendait construire, sur les ruines de la République, la France autoritaire, corporatiste et xénophobe de la Révolution nationale _ était illusoire, dans un pays occupé aux trois cinquièmes et dont tous les actes étaient contrôlés étroitement par les Allemands.
A partir d'une analyse minutieuse des rouages de l'Etat français, Marc Olivier Baruch démontre à quel point la revendication de servir face à l'ennemi dont se firent gloire les hauts fonctionnaires de Vichy revint trop souvent à servir l'ennemi. Pour n'avoir pas su, ou pas voulu, dépasser l'obligation d'obéissance formelle et réfléchir à la portée de ses actes, la plus grande part de la fonction publique française se trouva engagée, parfois à son corps défendant, dans la collaboration avec l'occupant nazi - jusque dans ses aspects les plus sombres, quand vint le temps de la répression et des rafles.
Quelques rares fonctionnaires cependant sauvèrent l'honneur en s'engageant dans une action résistante, parfois au prix de leur vie; on ne saurait pour autant voir dans la masse, pour l'essentiel attentiste et au mieux résistante de la onzième heure, des serviteurs fidèles de Vichy autre chose qu'une bureaucratie d'abord soucieuse de préserver sa place dans l'Etat. Ancien élève de l'Ecole polytechnique et de l'Ecole nationale d'administration, Marc Olivier Baruch est administrateur civil au ministère de la Culture.
Docteur en histoire, il est actuellement chercheur au CNRS (Institut d'histoire du temps présent).
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