L’émotion collective qui a accompagné la grande manifestation du 11 janvier 2015 a suscité de multiples commentaires et analyses « à chaud » dans les médias. Les applaudissements et embrassades adressés aux policiers en charge de l’encadrement et de la protection de l’événement sont apparus comme un événement participant à la grande réconciliation nationale intervenue en réaction aux attentats terroristes de la semaine précédente. La France se découvrait un amour immodéré pour sa police. Ce « retournement » de l’opinion publique était d’autant plus frappant qu’à peine quelques semaines auparavant, l’affaire de Sivens – la mort d’un manifestant suite au lancer d’une grenade par les gendarmes – avait relancé le débat sur les stratégies policières et leurs méthodes de maintien de l’ordre. La mort de policiers lors de l’attaque de la rédaction du journal Charlie Hebdo, connu pour sa critique de la police, et les interventions spectaculaires du RAID et du GIGN pour neutraliser les terroristes expliqueraient ce changement d’appréciation. Pourtant, très vite, des doutes ont émergé sur la réalité de cette conversion de la société française à une position « pro‑police », en même temps que celle-ci découvrait la non-adhésion d’une partie de la population au slogan « Je suis Charlie ».