Le blog Criminocorpus est ouvert à un large public au-delà de la seule communauté des chercheurs. Cette rubrique « Portrait du jour » permet de faire connaître d’autres activités croisant l’histoire de la justice à travers le parcours de personne ayant accepté de présenter leur trajectoire professionnelle. On trouvera donc ici des parcours d’historiens, de romanciers , de sociologues, cinéastes, professionnels de la sécurité, etc. Cette rubrique est animée par Philippe Poisson , membre correspondant du CLAMOR et ancien formateur des personnels à l’ENAP. et l’A.P. La publication du portrait du jour est liée aux bonnes volontés de chacun, nous invitons donc les volontaires à prendre contact avec philippepoisson@hotmail.com – Marc Renneville, directeur du Clamor et de Criminocorpus.
A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.
Les repères et les outils proposent des données et des instruments d’exploration complémentaires visant à faciliter les études et les recherches.
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Pour son 133ème portrait du jour, , la rédaction du carnet criminocorpus reçoit André Blanc, auteurs de plusieurs polars dont Violences d’Etat.
Docteur en chirurgie dentaire, André Blanc est également auteur de roman policier.
Scolarisé au lycée Ampère, il rejoint ensuite la fac dentaire, et sert dans la marine en tant qu’officier lors de son service militaire. Il a fait de fréquents séjours en Allemagne et ses études à Berlin.
Parallèlement, André Blanc est un passionné d’archéologie, il s’est spécialisé dans le Vème siècle, le paléochrétien, le Moyen Âge, et a été l’auteur d’une thèse sur les nécropoles mérovingiennes de Lyon.
Il a été, à la fin des années 80, adjoint au contrôle budgétaire et contrôle de gestion au maire de Lyon, Michel Noir.
Pour les lecteurs du carnet criminocorpus, André Blanc nous offre l’ Interview qui suit :
« … J’avais choisi le roman policier, qui n’est pas un genre pour moi, mais une atmosphère, où l’enquête sert de prétexte, de fil rouge et où la mièvrerie n’a pas sa place. Je voulais raconter des histoires, comme ces mythes et légendes qui hantent notre inconscient collectif, l’histoire d’un groupe d’hommes aux idéaux indéfectibles, pour certains surannés, et surtout l’histoire d’un homme cabossé, dans le désordre de sa vie… Je voulais y exprimer un vécu, destructeur et cruel, mais aussi bienveillant, si rarement aimant, en l’enluminant parfois pour le rendre acceptable et faire vivre tout cela par des personnages, sans importance collective, ni individuelle comme disait Céline, juste ordinaires, un peu nous-mêmes, un peu autres aussi. Tous ces personnages, sont souvent le jouet de forces qu’ils ne comprennent pas. En fait, la malédiction qui pèse sur eux n’est pas le destin de la tragédie grecque, c’est plus profond, elle les habite, les enferme, les détruit… »
Interview André BLANC
« Vous avez toujours écrit ?
Je n’écris que depuis quelques années, intimement persuadé jusqu’à aujourd’hui que mon « talent » (oui je sais, ça se discute !) résidait dans la caricature à l’encre de Chine, le piano ou la pêche à la mouche. C’est un peu réducteur j’en conviens, mais c’est ce que je pensais alors… J’avais appris la caricature à l’école de Saul Steinberg, comprenant à longueur de pages blanches gribouillées qu’il fallait épurer l’esquisse à l’extrême, pour ne laisser que le point, le trait, une seule courbe, voire deux. L’émotion devant s’exprimer dans cette ultime et sublime simplification. Aujourd’hui, cette même exigence me guide dans l’écriture de mes textes qui doivent jouer avec l’imaginaire du lecteur, car la finalité est là et là seulement. Et puis, un soir au bord de la mer Egée, alors que le Mojito coulait à flot, j’ai décidé, sur un pari fou avec mon épouse, lassée de mes éternelles critiques, d’écrire un livre et même, une trilogie. Rien moins. Le pari d’un homme un peu fêlé je crois (grande certitude), très impliqué dans la vie sociale et surtout politique mais qui ne supportait plus ce monde ou l’ombre du prince ne donne jamais accès à la lumière, où les petites lâchetés font les inexorables défaites, dans une négligence culturelle et civile qui est un véritable poison. Et c’est ainsi que le premier opus, TORTUGA’S BANK est né, Editions JIGAL. Quel bonheur d’avoir connu Jimmy Gallier… Dans cet opus, tout était déjà présent : la nostalgie, la lâcheté, la corruption, la trahison, l’amour… La fin de cet opus est volontairement très brutale et laisse le lecteur sur le carreau. Vidé. En y repensant, c’est vrai que ce n’est pas facile d’écrire. C’est laborieux, douloureux, très. C’est un chemin d’évasion, de thérapie surtout… Je ne comprends pas d’ailleurs, comment ceux qui n’écrivent pas, peuvent échapper à leur folie. Un mystère de plus. Souhaite-t-on vraiment guérir ?
Pourquoi le polar plutôt que la poésie ?
J’avais choisi le roman policier, qui n’est pas un genre pour moi, mais une atmosphère, où l’enquête sert de prétexte, de fil rouge et où la mièvrerie n’a pas sa place. Je voulais raconter des histoires, comme ces mythes et légendes qui hantent notre inconscient collectif, l’histoire d’un groupe d’hommes aux idéaux indéfectibles, pour certains surannés, et surtout l’histoire d’un homme cabossé, dans le désordre de sa vie… Je voulais y exprimer un vécu, destructeur et cruel, mais aussi bienveillant, si rarement aimant, en l’enluminant parfois pour le rendre acceptable et faire vivre tout cela par des personnages, sans importance collective, ni individuelle comme disait Céline, juste ordinaires, un peu nous-mêmes, un peu autres aussi. Tous ces personnages, sont souvent le jouet de forces qu’ils ne comprennent pas. En fait, la malédiction qui pèse sur eux n’est pas le destin de la tragédie grecque, c’est plus profond, elle les habite, les enferme, les détruit.
Alors tout s’est emballé non ?
Un peu oui, presque trop vite. Le deuxième opus, FAREL, est un flash-back, censé se passer avant TORTUGA’S BANK. J’y ai dépeint une histoire noire de pédophilie, dans un contexte politique glauque, nauséabond. Et puis en septembre 2015 est venu VIOLENCE D’ETAT ou l’on comprend enfin la fin brutale de TORTUGA’S BANK, une sombre histoire de trafic de drogue par d’anciens officiers supérieur d’Etat Major et en février 2018, RUE DES FANTASQUE , l’histoire d’une arnaque à la taxe Carbone pars des grands commis de l’Etat.
On me demande souvent : « Ou trouvez-vous vos idées ?» Les idées je les trouve dans la vie, la presse, le web. Il suffit de tourner le bouton. Si tout est là, pourquoi vouloir réinventer la vie ? Alors je rencontre des flics, des magistrats, des psychiatres, des spécialistes d’armes…
Pourquoi des polars politiques, pourquoi la violence d’Etat ?
Pourquoi la violence d’Etat ? Parce que j’ai connu la vie derrière le Rideau de Fer, la terreur des nuits trop longues, la mort indicible des êtres aimés. La violence de l’Etat parce que nous sommes dans une surveillance totale de nos vies, de tous les instants, dans tous les domaines, dans une dérive sécuritaire malsaine et une perte de nos libertés fondamentales. C’est pour cela et cela seulement que j’ai écrit VIOLENCE D’ETAT. Parce que l’Etat menace nos libertés. Dans les cercles du pouvoir, cet autre monde où la justice appartient à celui qui la paie, où les déviations et le mépris des hommes s’y exercent avec un raffinement cynique, une extrême brutalité semble permise. On peut dès lors craindre l’abject, car n’oublions pas : « Le grand danger pour la démocratie ne vient pas de ceux qui commettent des délits, mais de la réponse que l’Etat apporte à ceux-ci. »
Aujourd’hui, nous sommes arrivés, sans retour possible, à ce point de l’Histoire. Alors, la seule question qui vaille est : « Doit-on vivre la liberté dans la souffrance ou le bonheur
sans liberté, sans avenir, sans rêves ? »
En fait vous parler de nous dans vos livres ?
Absolument. Quand dans VIOLENCE D’ETAT ou RUE des FANTASQUES, à travers mes personnages, je parle de mes craintes, des goulags pas si lointains, de l’enfance souillée,
de l’histoire toujours recommencée, de l’amour, je parle en fait de nous, de nos vies, si cruelles parfois, qui sont ce que nous n’avions pas prévu, infimes, négligeables au regard de l’univers, mais que nous devons vivre quand même, tel un forçat à son boulet. Alors, j’essaie toujours de coller totalement à la réalité, dans les détails, situations ou dialogues, pour que toi lecteur, tu entres dans le labyrinthe, vives ce récit et inquiet, tu te prennes à tourner la tête, pour regarder derrière ton épaule, car cette histoire pourrait bien être la sienne.
Je m’efforce de montrer que l’Homme n’est pas manichéen, mais porteur du noir et du blanc. J’aime opposer la foi religieuse au crime sordide ou montrer que le pire assassin peut être, sans aucun doute aussi, un bon père de famille ou un amant attentionné.
En attendant, l’Opus 5 est en préparation »