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194 bis – Portrait du jour : Diego Arrabal, universitaire et écrivain, auteur de “N’y voyez rien de personnel”

Le Carnet de l’histoire de la justice, des crimes et des …développe la rubrique Portrait du jour – Criminocorpus  et ouvre ses pages aux fidèles lecteurs du site.

Pour son 194ème bis  Portrait du jour – Criminocorpus  nous recevons avec infiniment de plaisir Diego Arrabal, universitaire et écrivain. ll vit aujourd’hui à Tarbes. A propos du polar, il dit lui-même que cette forme de récit lui permet de traiter des questions sociétales importantes, qu’il trouve une grande similitude entre le chercheur qu’il est et celle du policier : « dans les deux cas, il s’agit de résoudre une question inconnue en utilisant une démarche rigoureuse. Dans l’un et l’autre du cas, il est nécessaire de poser des hypothèses plus intuitives, moins évidentes. Enfin il s’agit d’une travail d’équipe où chacun a son importance ». Après « L’Énigme de la rue des Brice », il signe ce quatrième volume des aventures du commissaire Ney avec tous ses ingrédients, plus l’Espagne qui vient montrer sa corne et ses blessures encore vivaces. Jours de Colère

 Diego nous a transmis un entretien réalisé par Sylvie Etche à l’intention des lecteurs de criminocorpus à propos de son livre “N’y voyez rien de personnel”

Que du bonheur sur le carnet! A notre prochaine rencontre dans le Sud Ouest de la France Diego. Ph.P.

 

  • Votre dernier roman, N’y voyez rien de personnel, a la particularité de ne pas être une enquête de votre commissaire fétiche : pourquoi cette envie ?

C’est exact, dans ce roman je fais une entorse à ma fidélité au commissaire Ney et à la ville de Nancy. J’avais envie de me confronter à un autre genre que le récit d’enquête pur, je voulais tester ma capacité à construire une intrigue de thriller qui tienne le lecteur en haleine du début jusqu’à la fin. Certes, dans les enquêtes de Ney, les lecteurs sont invités à émettre eux aussi des hypothèses sur l’identité du meurtrier mais le personnage principal tout au long du récit c’est le policier (et son groupe d’enquêteurs) et le lecteur va s’identifier plus ou moins à lui. Mon double défi pour « N’y voyez rien de personnel » était de plonger le lecteur dans deux récits indépendants sans pour autant le perdre et de créer une connivence ambiguë avec les deux protagonistes : Monsieur René un tueur à gages et le commissaire divisionnaire Gouarec qui se lance à sa poursuite. Il y a une exaltation à construire une intrigue où le lecteur suit pas à pas le tueur à gages sans pour autant parvenir à le démasquer et n’en sait donc pas davantage que le policier-chasseur. Mais « N’y voyez rien de personnel » est plus qu’un simple jeu de cache-cache entre policier et tueur, j’ai voulu aussi m’introduire dans l’esprit de Monsieur René et dévoiler ce qui l’amène à cette situation très insolite de gagner sa vie en détruisant celle d’un autre. En ce sens ce roman est aussi une réflexion sur la vie, la mort et en filigrane sur le pouvoir. En effet l’action se déroule entre le printemps et la fin de l’été 1986, c’est-à-dire au moment de la première cohabitation et du retour aux affaires (et au Ministère de l’intérieur) d’un personnage haut en couleurs, à l’accent pagnolesque et spécialiste des coups tordus que les plus de cinquante ans identifieront sans peine. Et le récit ne manquera pas de pièges tendus à Monsieur René au mépris de la vie de malheureux bouc-émissaires, appâts à sacrifier sans état d’âme au nom de la Raison d’état.

  • Comment se documente-t-on sur un tueur à gage, puisque précisément on ne sait rien d’eux ?

C’est une question qui revient souvent tant dans les interviews que lors de séances de signatures ou de Salons. Certes individuellement les tueurs à gages font tout pour rester dans l’anonymat le plus complet, mais cela n’empêche pas qu’il existe une littérature judiciaire et criminalistique sur le sujet. En effet, la police en arrête de temps à autres et démonte donc leurs modes opératoires, par ailleurs il y a des tueurs « institutionnels » jouissant de la même invisibilité que leurs homologues « free-lance » et pratiquant à peu de choses près comme eux. Tous ont en commun des techniques de contact similaires (annonces de journaux par exemple), des réseaux de rabatteurs discrets, des réseaux d’informateurs etc. Ils déploient aussi des techniques de protection individuelle parfaitement connues, puisqu’elles sont utilisées par les agents de renseignement. Or tout cela est accessible sur internet. Pour ma part je me suis pas mal inspiré des techniques de protection des agents britanniques telles que décrites par un des leurs à la retraite John Le Carré, mais aussi des confessions de l’exécuteur personnel de Pablo Escobar, Jhon Jairo Velazquez Vasquez alias Popeye. Par ailleurs j’ai eu un gros travail de documentation sur les armes afin de faire choisir à mon personnage l’arme la plus adaptée à la mission qu’il devait réaliser, j’ai ainsi fait des découvertes étonnantes comme le révolver Nagant 1895 qui a la particularité d’être le seul révolver sur lequel on peut utiliser efficacement un silencieux. Un atout utilisé par les agents du NKVD durant la seconde guerre mondiale pour exécuter rapidement des sentinelles nazies sans laisser de douille derrière eux, et par Monsieur René pour traiter une cible très bien protégée.

  • Y a-t-il une part de vécu dans votre livre ?

Heu.. si par-là vous souhaitez savoir si j’ai déjà honoré un contrat sur quelqu’un, ma réponse est non. Plus sérieusement, la majeure partie des situations que vit le tueur, à savoir les opérations de la guerre d’Algérie ou celles au sein des mercenaires en Afrique sont documentées à travers des écrits et témoignages de contemporains. La description de la forêt équatoriale est tirée de documentaires. Pour le reste ayant vécu à Paris au début des années 1970 les décors parisiens correspondent à des lieux que j’ai eu l’occasion de fréquenter, notamment l’énorme friche des gazomètres coincée entre la porte d’Aubervilliers et celle de La Villette ou plus modestement les dizaines de petites entreprises qui fourmillaient dans les arrière-cours d’immeubles plus bourgeois formant des réseaux de communication connus des seuls habitants des îlots. Il en va de même de la ville de Lyon où j’ai passé pas mal de temps au début des années 80.

  • Avez-vous adopté une méthode de travail particulière pour ce thriller si particulier ?

Alors contrairement aux enquêtes de Ney où je rédige un synopsis de quelques paragraphes par chapitre, ici j’ai démarré avec seulement un argument d’une page qui conditionnait la structure. Paradoxalement alors que dans mes polars d’enquête j’ai défini dès l’origine l’identité du tueur et rédigé le déroulement de la scène de crime (ce qui généralement n’apparaît pas dans le roman définitif), pour « N’y voyez rien de personnel » l’identité du tueur s’est peu à peu imposée à moi et la scène finale de dévoilement n’est apparue que vers le deuxième tiers de la rédaction. Par ailleurs, alors qu’au départ j’avais pensé écrire indépendamment les deux récits, d’abord celui de Monsieur René qui confesse une partie de ses crimes et revient sur ses expériences personnelles au début de sa vie d’adulte d’une part et dans un deuxième temps celui de la traque du tueur inconnu par le commissaire divisionnaire Gouarec il m’est devenu évident que les deux récits devaient se répondre en étant écrits ensemble. J’ai ainsi commencé à écrire une sorte de double récit alternant les deux voix (un narrateur subjectif : Monsieur René et un narrateur objectif : l’auteur) en une seule trame sans rupture (pas de découpage en chapitres mais des narrateurs qui se succèdent) jusqu’à ce qu’il me semble plus logique de découper en chapitres bien distincts au début puis où les deux voix se succèdent et se répondent l’une l’autre.

  • Quelles sont d’après vous les principales qualités de votre livre ?

Il s’agit d’abord d’un divertissement qui invite le lecteur à plonger dans un univers peu connu, qui lui propose de frémir aux situations dangereuses où s’engagent les protagonistes tout en interrogeant incidemment les grandes questions métaphysiques sur l’identité, la morale ou la mort et le pouvoir sur les vivants. Il propose aussi une trame aventureuse, aussi bien en Afrique que dans notre pays. Enfin il raconte une fabuleuse partie d’échec entre deux hommes, l’un seul (enfin presque) et l’autre soutenu par une Institution perverse, où les pièces qu’ils manipulent sont des humains et l’enjeu la survie.

  • Trois mots pour nous donner envie de le lire ?

Si vous aimez l’aventure exotique, les énigmes à tiroirs et vous émouvoir devant les pièges du destin ce livre est pour vous. Si ce n’est pas le cas… il est pour vous aussi !

  • Avez-vous l’intention de faire de nouvelles entorses aux enquêtes du Commissaire Ney ?

Au vu des retours très positifs de nombre de lecteurs, je pense que je vais renouveler l’expérience. Il ne s’agira bien entendu que d’entorses, la veine générale restant pour mon éditrice et moi les enquêtes du commissaire Ney. Mais sans trop dévoiler, après avoir achevé l’écriture de la cinquième enquête de Ney qui devrait paraître début 2020, je travaille actuellement sur un thriller rural. Mais je n’en dirai pas plus.

Pour contacter l’auteur :  diego.arrabal@free.fr.

 

Arcane 17 est une maison d’édition et d’initiatives. Créée fin 2008, en Occitanie, au cœur des Pyrénées, son choix fondateur est de faire connaître des récits et des poèmes rivés au Sud, à l’Espagne et au pourtour méditerranéen. Mais son champ de publication se nourrit également des nouveaux territoires et du nouveau Monde en train d’éclore sous nos yeux ; les solidarités qui sont en train de se tisser, les questions émergentes sur le vivre en commun, l’écologie, la démocratie.. De fait une partie de notre catalogue est dédiée aux luttes sociales, environnementales, aux droits de la personne humaine, au livre politique et à la refondation de la gauche ! Deux collections sont consacrées à ces questions : la collection Franc Tireur dévolue à des essais courts et percutants favorisant la réactivité à l’actualité, la collection Itinéraires inaugurée en mai 2016 et qui à l’inverse privilégie l’analyse de fond. Le polar est un genre que nous avons décidé d’explorer dans toute sa richesse, car directement connecté sur la société. Le roman s’est également imposé parmi nos publications des années 2015 et 2016 : là encore sous forme de récits interrogeant l’histoire ou faisant le diagnostic de sociétés en crise profonde ou en plein éclatement. Notre catalogue est éclectique mais bâti autour du même refus de banaliser les injustices, la soumission, le repli et l’entre soi. A contrario il fait la part belle au mouvement et au dialogue partagé.

http://www.edit-it.fr/editeur/-/editeur/arcane-17

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Philippe Poisson, gestionnaire du carnet criminocorpus, anime la rubrique « Portrait du jour ».

Le carnet criminocorpus est ouvert à un large public au-delà de la seule communauté des chercheurs. Cette rubrique «portrait du jour» permet  de faire connaître d’autres activités croisant l’histoire de la justice à travers le parcours de personne ayant accepté de présenter leur trajectoire professionnelle. On trouvera donc ici des parcours d’historiens, de romanciers , de sociologues, cinéastes, professionnels de la sécurité, etc.  Cette rubrique est animée par Philippe Poisson , membre correspondant du CLAMOR et ancien formateur des personnels à l’ENAP. et l’A.P. La publication du portrait du jour est liée aux bonnes volontés de chacun, nous invitons donc les volontaires à prendre contact avec philippepoisson@hotmail.com – Marc Renneville , directeur du CLAMOR et de Criminocorpus.

A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.

Les repères et les outils proposent des données et des instruments d’exploration complémentaires visant à faciliter les études et les recherches.

Nos autres sites : REVUE et le BLOG D’ACTUALITÉS

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #Romans - Essais - Polars - Thrillers, #portrait du jour criminocorpus
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