Le Carnet de l’histoire de la justice, des crimes et des … développe la rubrique Portrait du jour – Criminocorpus et ouvre ses pages aux fidèles lecteurs du site.
Après la publication du beau portrait de Jean-François Miniac et, pour son 316ème portrait du jour – Criminocorpus le carnet reçoit avec infiniment de plaisir Christian louis
Christian Louis est peintre et sculpteur.
Professeur agrégé d’arts plastiques, il est diplômé de l’Université Paris 1 et des beaux-arts. Il enseigne les arts plastiques en lycée et en collège, et forme les professeurs à ESPE (Université Toulouse Jean Jaurès).
Il a également été consultant auprès des Services culturels de la Ville de Saint-Gaudens en 1992.
Son travail artistique l’a conduit à exposer ses oeuvres en France et à l’étranger (Portugal, Canada, Italie, Mexique, Indonésie…). Il a créé une sculpture monumentale pour Amnesty International en Ariège.
Michel Butor, Egidio Alvaro, Bernard Teulon-Noailles, Skimao on écrit sur son travail artistique.
Il a publié une soixantaine d’ouvrages, livres sur l’art, sur la théorie artistique, sur la pédagogie des arts plastiques, sur l’histoire de l’art mais aussi des publications d’ordre artistique, poétique et des romans. Prix National des Conseillers Pédagogiques pour son roman “La sentinelle des collines”. Il est reconnu par la charte des auteurs pour la jeunesse… https://www.babelio.com/auteur/-Christian-Louis/242505
Bienvenue Christian sur le très prisé et discret carnet criminocorpus. Carnet criminocorpus. Ph.P.
CRIMINOCORPUS – Philippe Poisson.
Interview de Christian Louis
Christian Louis, qui êtes vous ?
Je suis professeur agrégé d’arts plastiques, engagé dans l’enseignement (Lycée, collège, ESPE pour la formation des Master 2 titulaires du CAPES), chercheur dans le domaine de la didactique de la discipline, artiste plasticien, et auteur de nombreux ouvrages chez plusieurs éditeurs nationaux et régionaux.
Christian Louis, vous venez de publier un nouveau roman chez TDO Editions, « Balade mortelle dans les Pyrénées ». Comment êtes vous venu au roman policier ?
Pendant des années, l’essentiel de mes publications avaient un lien avec mon travail de professeur agrégé d’arts plastiques. Des textes théoriques sur la didactique et la pédagogie de cette discipline de l’enseignement artistique, ainsi que des manuels utilisables dans les classes, de la maternelle au lycée, et en formation des professeurs du secondaire. Un éditeur me suggéra d’écrire de la fiction. Mes premiers romans furent donc des productions dans le domaine de la littérature de jeunesse. J’obtins le « Prix national des Conseillers Pédagogiques » pour l’un d’entre eux « La sentinelles des collines » chez SEDRAP. A chaque fois, il s’agissait d’enquêtes. Dans « Le matin du crocrodile » chez Michalon, il s’agissait de retrouver les parents journalistes d’une jeune garçon, Amico, dans le contexte de la guerre d’indépendance du Timor, en Indonésie. Dans « Les brumes d’ébène » chez Sedrap, le prétexte était la recherche du balai de l’agent technique de l’école. Puis vinrent les romans « adultes », nés de mon désir de ne pas m’enfermer dans une case, fut elle fructueuse après la sortie de plusieurs albums illustrés. « Saloper le paradis » chez Michalon, est une enquête renversée en quelque sorte. Il s’agit d’un thriller psychologique sur fond de querelle de voisinage entre une famille calme et une famille bruyante. Le bruit destructeur est au cœur de ce drame. Nous suivons les personnages de l’intérieur. Nous comprenons le meurtre qui survient comme point d’orgue de ce conflit très actuel, mais garanti 100% sans chant du coq et sans cloches d’église. « L’assassinat de Saint-Béat » raconte un drame survenu en 1781 dans les Pyrénées. Cette histoire vraie, est celle du meurtre du seigneur de Marignac, Bertrand de Fondeville et la blessure de son fils Pierre-Clair qui deviendra, par la suite, le premier maire élu de Tarbes et le premier président de l’Assemblée Départementale des hautes Pyrénées. Mon travail d’enquête sur le terrain des Pyrénées centrales, dans les archives locales, départementales, nationales et privées, dura 6 longues années. Puis, il fallut deux ans d’écriture. « La belle Génoise » raconte l’enquête que conduit Hilaire Perrotin, soldat napoléonien, à rechercher une belle jeune femme rencontrée lors du siège de Gènes en 1800. « Balade mortelle dans les Pyrénées » conduit les deux enquêteurs Blandine Pujol, major de police, et Vincent Darbon, journaliste, à exposer les coulisses d’une petite ville du sud-ouest. Enquête toujours. Il est banal, mais vrai, que le polar est un prétexte à montrer le monde dans sa froide réalité. Il est donc parfaitement adapté au travail que je conduis également dans le champ de la création plastique de l’art contemporain.
L’enquête semble donc structurer presque tous vos romans. Comment l’expliquez-vous ?
Il me semble que, chez beaucoup d’entre-nous, deux tendances s’affrontent: le doute et la croyance. Pour certains, la foi est première, quelle soit en une religion, une idéologie ou à une simple information des réseaux sociaux. Cette croyance influence leur comportement et me semble souvent conduire à l’intolérance. La mise en cause du dogme inquiète, quelquefois jusqu’à la violence pour faire taire ce qui dérange les convictions sécurisantes. Et puis, il en est qui doutent. Non point en errant dans l’inquiétude, mais en considérant que tout doit être questionné en première instance. Qui me dit quoi, et pourquoi ? Dès lors, le maître mot est « question ». La démarche est donc l’enquête, si minime soit-elle. C’est certainement ce qui fonde mon rapport au monde. Et ce, depuis, pour l’anecdote, le jour où, enfant, je découvris en me cachant derrière un fauteuil, près du sapin décoré de guirlandes, que ce Père Noël merveilleux que je croyais bien réel, n’existait pas. Cette révélation inocula le doute en moi. Vérifier derrière le masque des apparences. Le supercherie du père Noël me conduisit sur les pas de la philosophie. Mes études d’arts plastiques à Paris I Panthéon Sorbonne, et plus particulièrement en histoire de l’art, m’offrirent le prétexte à l’enquête sur les œuvres, poussé en cela par mon professeur, le sublime Daniel Arasse. S’interroger sur le réel constaté, quel plaisir. Bâtir des fictions sur des enquêtes imaginaires, quelle aventure exaltante. L’auteur raconte une enquête et, pour cela, il enquête lui aussi. Cette mise en abîme est très ludique. Mes deux prochains romans en écriture sont deux polars, l’un se situe aujourd’hui et retrouve mes deux personnages Blandine Pujol et Vincent Darbon dans une enquête sanglante en Pyrénées centrales. Le suivant, au stade du plan, est un polar historique qui se passe avant la Révolution. Il m’oblige à faire à nouveau des enquêtes dans les archives.
Un autre point commun semble récurant: le rapport de vos histoires avec un territoire, celui des Pyrénées Centrales, entre Ariège et Hautes-Pyrénées. Pourquoi ?
Je suis Pyrénéen et citoyen du monde. Cela signifie que mon arbre généalogique plonge ses racines lointaines, dans la vallée de Luchon et dans le territoire des Frontignes, 1650 étant la référence pour l’instant la plus ancienne. Mais, tout Pyrénéen sait qu’il ne doit pas rester dans la sombre ambiance confinée du fond de vallée. Il doit grimper vers les sommets. Là, le paysage s’ouvre. Il se dévoile. Il se déploie vers les quatre points cardinaux. Il passe à la dimension universelle. Mes romans partent du local pour s’ouvrir au global. Sur le plan ludique, j’aime parcourir mes territoires d’élection à la recherche de lieux inspirants. Ici, un pylône rouillé avec de vieilles bennes de transport de minerai. Là, un petit lac coincé par une falaise. Il suffit de s’asseoir, de regarder, d’écouter et l’histoire vient à vous comme une évidence. Le matériau se ramasse, se cueille, se picore et vient nourrir le coffre au trésor qui s’ouvre quand l’écriture se met en marche. Dans mes précédents romans jeunesse, j’écrivais aussi sur des territoires connus, traversés, visités, habités. « Les brumes d’ébènes » viennent de ma vie de plusieurs années au Maroc, en tant que prof d’arts plastiques au Lycée Lyautey de Casablanca, et de mes escapades dans l’Atlas. « La sentinelle des collines » reprend des choses vues aux USA et au Canada. « Le matin du crocrodile » s’écrit à mon retour d’Indonésie, Jakarta et Bali. « La nuit de la cathédrale » se passe dans le village de Saint-Bertrand de Comminges et dans son édifice religieux médiéval peuplé de sculptures. J’aime écrire après avoir exploré. Les Pyrénées sont méconnues. Les espaces que je raconte sont peu ouverts au tourisme de masse. Une chance pour les uns. Un drame économique pour les autres. Il reste donc des territoires presque vierges, difficiles d’accès, sauf pour les ours et les écrivains curieux.
Comment trouvez-vous l’inspiration ?
Je suis comme un sismographe très sensible. Depuis l’enfance, j’ai développé une attitude de l’écoute attentive. Tout m’intéresse. A Paris, j’aime m’installer sur les terrasses des cafés, derrière les baies vitrées. J’observe les passants, leurs gestes, leurs mimiques, leurs pas. Et j’imagine leur vie, les raisons de leur course d’un point à l’autre. Peu flânent. Pourquoi s’agitent-ils ainsi ? Un récit s’élabore en moi et s’inscrit dans la mémoire. L’idée de départ peut venir de la découverte d’un objet, d’un site, une vieille pancarte effacée. « La sentinelle des collines » vient d’un panneau routier criblé de balles près de chez moi, sur mon chemin de randonnée à VTT. Tout le démarrage de « Les brumes d’ébène » vient de mon observation du balayeur de l’établissement scolaire qui avait perdu son instrument de travail indispensable pour lutter contre l’envahissement des feuilles dans la cour. Je l’ai vu aller et venir, nerveux. J’ai imaginé le reste. Quelque fois, il s’agit de trouvaille d’archive, en marge de ma recherche principale. Un plan, une lettre, un compte-rendu…
Effectuez-vous toujours un travail de recherche ?
Presque toujours. Quelques fois au début, avant de prendre le toboggan de l’écriture d’un texte long. Souvent en cours de rédaction, lorsqu’il faut préciser un point qui demande une rigueur documentaire. Ce fut le cas souvent pour « L’assassinat de Saint-Beat » car il fallait, pour moi, coller au plus près de la vérité historique. La recherche porta aussi bien sur les événements que sur le langage de l’époque. J’ai donc lu et relu un très grand nombre de lettres de l’époque pour m’immerger dans une langue, dans un vocabulaire perdu. Je me suis « abouché » avec mes devancier du 18ème.
Avez-vous un procédé d’écriture, un rituel, une méthode ?
J’en ai mais j’en change. Je ne veux pas tirer ce travail vers celui, très beau, de l’artisan qui maîtrise le geste. Je reste artiste au fond de moi. D’ailleurs, ma production plastique se poursuit sans altérer l’écriture, et vice versa. Les deux se subliment dans une synergie du désir et du plaisir. « Le matin du crocrodile » (Michalon) a été écrit à la méthode Simenon. 10 jours de vacances scolaires. Tous les matins, un chapitre. Pause méridienne. Corrections l’après-midi. Après ces 10 jours, j’ai redécoupé les chapitres. « L’assassinat de Saint-Beat » s’est écrit au fil de l’enquête. J’ai donc, pendant six ans, écrit, modifié, transformé, dans une expérience d’écriture au fil de l’enquête.
J’écris que mon héros passe à cheval sur un pont précis. S’ouvre en moi une question: ce pont existait-il à la date évoquée pour cette action ? Recherche documentaire. Non, il était en construction. Donc, recherche sur la construction des ponts à l’époque. Ré-écriture du paragraphe. Le héros passe à guet et voit les ouvriers hisser des pierres et les agencer. Un bon mois de recherche pour 3 lignes Je possède plusieurs carnets de croquis, petit format de poche, couverture cartonnée noire, page à dessin planches. J’en ai toujours un sur moi. Je note mes observations, quelques idées, quelques phrases entendues. Quelquefois même, les débuts d’un récit est inspiré par ce qui se passe sous mes yeux. Je retranscris à l’ordinateur. Un ou deux feuillets peuvent ensuite s’endormir pendant des mois. Certains sont enrichis d’une suite, et de fil en aiguille, conduisent au roman. J’ai donc chez moi, beaucoup de démarrages de textes…
Vous imposez-vous des contraintes ?
Je veux que mes livres soit lisibles aussi bien par les lecteurs qui aiment la fluidité d’un récit que ceux qui attendent de la profondeur. Je tiens les deux en tension. Du moins j’essaie. Je tiens cela de mes travaux théoriques sur les arts plastiques qui devaient être compris par l’enseignant de base qui n’a aucune information sur le sujet, et qui devaient être validés par les collègues universitaires pointus sur la question.
Que pouvez-vous dire de votre nouveau roman « Balade meurtrière dans les Pyrénées ? J’espère qu’il va plaire aux nombreux lecteurs qui me suivent, livre après livre, depuis des années. Il signe ma nouvelle collaboration avec une éditeur, TDO, dont j’ai pu observer le très grand professionnalisme, la rigueur du travail, la chaleur de la relation. J’ai été attentif aux propos des libraires vantant le sérieux de cette maison, et surtout, la qualité du suivi des livres. C’est pour nous, auteur, un point essentiel. Nous aimons être lu, apporter du plaisir, embarquer les gens pour quelques heures hors de leur quotidien. Bien qu’ancrée dans les Pyrénées, l’histoire pourrait se passer dans n’importe quelle petite ville, car toutes possèdent ces coulisses masquées, faites d’intrigues, de magouilles. Des citées riches de leurs personnages atypiques. Je donne rendez-vous aux lecteurs avec Blandine Pujol, la belle policière de Saint-tarin, et Vincent Darbon, le journaliste en quête de profondeur depuis son départ de Paris et de la rédaction d’une chaîne d’info en continu.
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Le carnet criminocorpus est ouvert à un large public au-delà de la seule communauté des chercheurs. Cette rubrique «portrait du jour» permet de faire connaître d’autres activités croisant l’histoire de la justice à travers le parcours de personne ayant accepté de présenter leur trajectoire professionnelle. On trouvera donc ici des parcours d’historiens, de romanciers , de sociologues, cinéastes, professionnels de la sécurité, etc. Cette rubrique est animée par Philippe Poisson , membre correspondant du CLAMOR et ancien formateur des personnels à l’ENAP. et l’A.P. La publication du portrait du jour est liée aux bonnes volontés de chacun, nous invitons donc les volontaires à prendre contact avec philippepoisson@hotmail.com – Marc Renneville , directeur du CLAMOR et de Criminocorpus.
A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.
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