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385 – Marine Baron, l’auteure du roman d’espionnage : « La couverture »

Le Carnet de l’histoire de la justice, des crimes et des peines  développe la rubrique Portrait du jour – Criminocorpus  et ouvre ses pages aux fidèles lecteurs du site.

Pour notre 385ème portrait du jour, nous accueillons avec infiniment de plaisir Marine Baron

Hypokâgne, khâgne, Sciences Po… et l’armée. Engagée à 22 ans, reçue à Saint-Cyr, Marine Baron a démissionné deux ans plus tard, révoltée par le machisme ordinaire des militaires.

Marine Baron a été élève de l’École du Louvre, du CELSA et de Saint-Cyr.

Marine  est Docteur en philosophie. Elle a travaillé dans l’industrie pharmaceutique, le recrutement et le secteur bancaire. Elle est l’auteur d’articles, de chroniques, de reportages pour divers journaux ainsi que de deux essais, Lieutenante, être femme dans l’armée française (Denoël, 2009) et Ingrid Bergman, le feu sous la glace (Les Belles Lettres, 2015).

Bienvenue Marine sur  le très prisé et discret carnet Criminocorpus. Ph. P

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1. Marine Baron, vous avez écrit en 2009 un récit autobiographique sur votre parcours d’officier dans l’armée. En 2015, vous avez publié une biographie de l’actrice suédoise Ingrid Bergman. À présent, vous sortez un roman d’espionnage. Quel lien y a-t-il entre ces trois livres ?

Le lien entre mon récit militaire et ce roman d’espionnage est le plus évident. Si l’on observe les auteurs de ce type de fictions, on constate que les anciens militaires y sont surreprésentés. Pour ma part, je n’ai pas exercé dans la marine des fonctions opérationnelles, mais j’ai quand même ressenti un changement après mon départ de l’armée : il est curieux de se servir d’une arme, de faire cinquante activités différentes, de prendre l’hélicoptère comme on prend le bus, de parler vite, fort, d’entendre crier, puis de se retrouver du jour au lendemain dans le décor feutré du monde civil. Je crois qu’il y a, pour les anciens militaires écrivant des romans d’espionnage, une recherche littéraire d’un frisson disparu. En ce qui concerne ma biographie de l’actrice Ingrid Bergman, le lien avec mon dernier roman est moins flagrant mais il est réel, parce que cette femme a vécu plusieurs vies en une, la sienne ayant été très mouvementée. L’espion, c’est un acteur ; c’est aussi celui qui a la puissance de vivre plusieurs vies à la fois. 

La couverture : Éditeur : BALLAND (20/08/2020) –

https://criminocorpus.hypotheses.org/132674

2. Votre roman se passe dans les années 1990. Pourquoi avoir choisi cette période-là et non l’époque actuelle, par exemple ?

Les années 90 ont été celles de mon enfance et de mon adolescence. Je n’ai aucun regret de ma vie à cette époque mais j’ai une certaine nostalgie de ce temps culturel et politique, peut-être. De cette période où le 11 septembre n’était pas envisageable et où les peurs avaient quelque chose de rationnel, où l’imagination pouvait s’exprimer sans cynisme. Je me souviens des dizaines de films époustouflants et créatifs, populaires ou non, qui sont sortis alors : La Maison aux Esprits, La Leçon de Piano, La Crise, Les Visiteurs, L’Année Juliette, Talons Aiguilles… Des livres comme Pastorale américaine, Tous les matins du monde, Hygiène de l’Assassin, Les hommes n’en sauront rien ou Le Chasseur Zéro. Et puis, politiquement, c’était une période d’oppositions fécondes, de cohabitations entre la droite et la gauche, voire, en 1993, entre « la droite et la droite ».

3. Votre roman se situe justement dans le milieu politique. Votre personnage principal est un homme politique engagé à droite. Pourquoi avoir choisi d’en faire votre héros ? 

J’ai grandi dans un milieu de gauche. Brassens, Télérama, les films en V.O., Dolto, la bonne conscience, les colonies de vacances publiques, les breaks Peugeot et les plages naturistes ont été les lisières de ma jeune vie. Dans ma famille, une victoire de la droite aux élections était un cataclysme et les gens qui votaient pour elle appartenaient à une planète obscure. Mais c’est précisément pour cela que la droite m’a toujours beaucoup plus intéressée que la gauche. J’y ai respiré quelque chose de complexe : pour moi, l’expression « droite décomplexée » est une contradiction dans les termes. La droite est toujours complexée parce que, contrairement à la gauche, elle a toujours un fond de mauvaise conscience. Celle du réalisme, d’un pessimisme profond et inconsolable ; cette noirceur m’intrigue davantage que la fureur solaire des idéalismes. C’est pour cela, peut-être, que j’ai choisi un homme politique de droite comme personnage principal.

4. Ce personnage est-il un être révolu, pour vous ? Marque-t-il la fin d’une époque ?

À terme, je ne le crois pas. Mais l’intervalle macroniste dans lequel nous vivons fait parfois regretter cette dichotomie propre entre droite et gauche, même si elle avait aussi ses défauts. Il n’y a plus de limites culturelles aussi nettes à franchir, il ne reste d’elles qu’une forme de nostalgie. L’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron a fait de l’homme politique de droite un personnage littéraire romantique. En 2019, la droite avait même pour figure de proue un jeune homme aux allures de Rimbaud paradoxal antimoderne, au patronyme évoquant Maupassant, qui écrivait de belles déclarations d’amour à Saint-Exupéry dans son deuxième livre, avec une mélancolie rappelant Dominique de Fromentin ou l’esthétique du désespoir. Mon personnage est très éloigné de cette figure-là mais il lit des auteurs démodés, il est toujours en retard à ses rendez-vous, il est en perpétuel décalage avec l’animation du monde. Dans la culture qui est la sienne, on pourrait mettre, en vrac, le fait de prendre sa voiture et pas le métro, de lire certains vieux écrivains d’extrême-droite en pensant s’encanailler plus fort que dans un présent qu’il juge fade, d’être allergique à la mode et fâché avec l’évolution de ce qui l’entoure. C’est une concentration d’observations que j’ai pu faire à partir de plusieurs personnalités politiques qui m’ont inspirée.

5. Dans votre livre, enfin, l’exercice de l’espionnage est inséparable de la politique, mais aussi et surtout de la séduction, que vous décrivez avec force détails. Pourquoi lui donnez-vous une telle importance ?

Mes deux personnages principaux, un homme et une femme, sont deux séducteurs expérimentés. Ils doivent se séduire, au sens large du terme, pour se vaincre et obtenir les renseignements dont ils ont besoin Ils sont forts tous les deux. En temps normal, leur instinct leur dirait de fuir ou de provoquer la fuite de l’autre avant même que leur histoire ne commence. Mais ils n’ont pas le choix. Ils doivent donc être subtils. S’acharner sans insister. Attendre sans renoncer. Tout est une question de moment, de temps ; c’est comme l’écriture d’un verbe qui s’accorde toujours avec le sujet. Au fond, je crois qu’il n’y a jamais tant d’intelligence que dans le désir : dans ce doute, dans cette expression égoïste et impérieuse de soi qui doit s’adapter pour s’accomplir, aussi vrai que l’orthographe est tout sauf la science des ânes. Et c’est pour cette raison, principalement, que j’ai aimé travailler à ce livre : j’avais l’impression d’être toujours en train de jouer à cache-cache. Comme occupation, il y a pire.

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Philippe Poisson, gestionnaire du carnet criminocorpus, anime la rubrique « Portrait du jour ».

Le carnet criminocorpus est ouvert à un large public au-delà de la seule communauté des chercheurs. Cette rubrique «portrait du jour» permet  de faire connaître d’autres activités croisant l’histoire de la justice à travers le parcours de personne ayant accepté de présenter leur trajectoire professionnelle. On trouvera donc ici des parcours d’historiens, de romanciers , de sociologues, cinéastes, professionnels de la sécurité, etc.  Cette rubrique est animée par Philippe Poisson, membre correspondant du CLAMOR et ancien formateur des personnels à l’ENAP et l’A.P. La publication du portrait du jour est liée aux bonnes volontés de chacun, nous invitons donc les volontaires à prendre contact avec philippepoisson@hotmail.com – Marc Renneville, directeur du CLAMOR et de Criminocorpus.

Directeur du CLAMOR, Marc Renneville est historien des sciences spécialisé sur les savoirs du crime et du criminel, directeur de recherche au CNRS.

A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.

Les repères et les outils proposent des données et des instruments d’exploration complémentaires visant à faciliter les études et les recherches.

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Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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