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Portrait du jour - Emilie Riger Collins, diététicienne, naturopathe, historienne de l’art et écrivaine

"Culture et Justice" reçoit avec infiniment de plaisir Emilie Riger Collins.

Émilie Riger est diététicienne, naturopathe, historienne de l’art et écrivaine.

Elle écrit des nouvelles sous son vrai nom mais également des romances sous un nom d’emprunt : Émilie Collins.

Après dix ans d’études d’histoire de l’art à l’École du Louvre, sa passion dévorante pour les plantes l’amène à exercer la profession de diététicienne.

Mais c’est dans l’écriture qu’elle donne sa pleine mesure, avec sa façon de faire danser les mots et de mitonner des histoires à ne jamais dormir debout.

En 2011, elle décide de s’y consacrer plus intensément. Très vite, textes et nouvelles signés Émilie Riger, paraissent dans diverses revues et sur différentes plateformes littéraires que propose le net. C’est via l’une d’entre elles qu’elle aborde le roman érotique.

Son coup d’essai, « L’autre chemin » (2016), son premier roman, a rejoint le catalogue de la collection &Moi | 100 % Romance, 100 % Plaisir.

En 2018 est sortie sa cinquième romance, intitulée « Cœur à corps ».

Émilie Riger a remporté le concours de nouvelles de Quai du Polar 2018 avec « Maux comptent triple « .

Elle est également lauréat du Prix du roman Feel Good 2018 de Femme Actuelle pour « Le temps de faire sécher un cœur »…

C’est son amie Delphine Meneau qui assure l’interview pour le compte du carnet Criminocorpus.

Bienvenue mesdames sur le très prisé et discret "Culture et Justice".

 

Q : Je m’appelle Delphine, je suis serial lectrice. Je vais aller voir ce qui se cache derrière les couvertures, et comme j’ai parcouru tous les romans de la suspecte du jour, je saurai tout de suite si elle escamote la vérité ! J’appelle à la barre Emilie Riger, témoin dans l’affaire des Assiettes cassées. Veuillez décliner nom, prénom, date de naissance et profession.

R : Je jure de dire toute la vérité telle qu’elle me plaît ! Nom Emilie Riger, née en 1978, profession : multiple.

Q : Sois plus précise. Que veut dire « multiple » ?

R : J’énumère : historienne de l’art, diététicienne, conférencière, autrice, animatrice d’ateliers d’écriture, écrivain biographe et maman. Donc, c’est bien multiple.

Q : Quel est le point commun entre toutes ces professions ?

R : Apprendre, écouter, et redonner aux autres ce qu’on a reçu.

Q : Depuis quand écris-tu ?

R : Depuis le CP maîtresse ! … Bon, d’accord, je reste sérieuse. J’ai commencé par des poèmes enfant, un premier roman à l’adolescence. Après, des années de silence avant de reprendre l’écriture en 2015.

Q : Le déclic pour cette reprise ?

R : Je m’ennuyais.

Après avoir travaillé comme une brute pendant 6 ans dans un hôtel restaurant, 7 jours/7, je me suis retrouvée dans une grande baraque vidée de son équipe et de ses clients, avec rien à faire pendant que les lutins allaient à l’école. La nature a horreur du vide. Une histoire a pointé le bout de son nez.

Q : Pourquoi avoir choisi d’écrire sous deux noms, Emilie Riger et Emilie Collins ?

R : Ces deux noms correspondent à deux facettes de mon écriture, littérature générale d’un côté, plus romantique de l’autre.

Q : Ne trouves-tu pas que les deux facettes se rejoignent de plus en plus au fil des romans ?

R : Si, tout à fait. Tu m’en as fait la remarque dans L’Oiseau rare. Tous les premiers retours sur Top to bottom soulignent que c’est un roman très engagé. C’est davantage la facette Riger qui prend le dessus. Cela correspond certainement à une évolution de ma perception de ce qui est romantique.

Q : Tu écris des romans de plus en plus engagés, comme Mission Mojito. Est-ce une manière de faire passer des messages aux femmes ?

R : Oui. J’ai 42 ans (enfin, je les aurai en septembre). Je commence à avoir une petite expérience. J’ai réalisé que certaines de mes blessures venaient d’une vision erronée du monde et de ma place dans la société : j’aurais pu les éviter. Alors si je peux transmettre une partie de ce que j’ai compris… cela fera peut-être gagner du temps à d’autres. Cela me paraît d’autant plus important dans le domaine romantique, où une partie du lectorat est jeune. Certains mythes me terrifient : non, un bad boy n’est pas sexy, il fait mal à l’âme. Et non, le rôle d’une femme n’est pas de réparer un homme mais d’être à ses côtés pendant que lui fait le travail.

Q : Tes personnages féminins sont très forts psychologiquement, avec des failles mises en avant. L’amitié est très présente également. Par contre les personnages masculins sont très opposés : soit humbles, très soucieux des autres et attentionnés, soit macho.

R : Pour moi, il est important de montrer que le machisme n’a rien de viril. C’est le anti-héros, même. Dans Le temps de faire sécher un cœur, Samuel est quelqu’un de très fort, mais il utilise cette force pour se construire et soutenir les autres, pas pour les écraser. Et ça, c’est très viril à mes yeux.

Q : Tu montres souvent que la relation homme/femme ne doit pas être une relation dominant / dominé. Pourquoi l’importance de ce thème ?

R : Parce que la domination n’est pas seulement un problème homme/ femme. Un homme ou une femme qui impose la domination dans son couple trouvera normal de dominer ses enfants, ses collègues, ses amis… La domination est une façon d’être. Elle est toujours toxique, étouffante. Elle détruit une partie de la victime pour faire de la place au dominant. Elle doit être exclue de tout rapport humain.

Q : Quand tes personnages sont au fond du trou, désespérés, tu amènes toujours une lumière d’espoir avec une personne qui va venir l’aider à remonter la pente. Et ce n’est pas toujours la personne à laquelle on s’attendait, ni un proche. Pourquoi ?

R : Je crois que seule une aide extérieure peut nous permettre de sortir du trou. Comme la corde sur laquelle on tire de toutes ses forces pour escalader une montagne. Ce sont nos propres muscles qui nous font progresser, mais sans la corde, on ferait du sur-place. Parfois ce sont nos proches, mais ils ne sont pas toujours les mieux placés. Ils nous connaissent, interprètent ou anticipent nos sentiments ou nos réactions. Des étrangers nous ouvrent de nouvelles perspectives, pensent à des chemins différents qui nous permettent d’évoluer. Et comme j’ai foi en la bienveillance de l’être humain quand on lui en laisse l’occasion, je crois en des rencontres de hasard qui nous changent profondément.

Q : Tu n’as pas de personnages complètement noirs. Ils varient du gris clair au gris foncé, et quand ils commencent en gris foncé, l’histoire nous montre leur évolution vers le gris clair.

R : Les personnes absolument noires n’existent pas, ou très rarement, dans la vie. Finalement, elles ne sont pas très intéressantes. Ce sont les contrastes et les nuances qui rendent les personnages vivants. Voir même parfois les contradictions. Au début du temps de faire sécher un cœur, Raphaël est un personnage gris foncé, on peut lui « reprocher » beaucoup de choses. Et pourtant, c’est la victime. J’aime les paradoxes !

Q : Pourquoi retrouve-t-on des personnages d’un roman à l’autre ? On trouve beaucoup de suites dans tes projets d’écriture. Tes personnages te manquent après le point final ?

R : Oui, ils me manquent ! Et puis dans l’absolu, l’histoire d’un personnage ne prend fin que lorsqu’il meurt. Alors les faire apparaître d’un roman à l’autre permet d’une part de savourer le plaisir de les revoir, mais également de les faire apparaître sous d’autres facettes que dans l’histoire principale, ou de montrer de quelle façon ils ont continué à évoluer.

Q : Il existe toujours un message positif dans tes livres. Malgré les épreuves traversées par tes personnages, il en ressort toujours un message positif sur l’échec. Comme s’ils tombaient pour mieux se relever.

R : Je ne connais pas une seule histoire de vie sans souffrance, sans erreur. Elles sont inévitables. Mais c’est en apprenant de ces échecs que l’on cicatrise. De toute façon, nos blessures nous changent, on perd notre innocence, notre naïveté. A chacun de choisir comment il va être changé. Je fuis l’amertume et les regrets. Je veux rebondir vers le mieux. Et je veux partager du positif. Tu as remarqué, par exemple, qu’il n’y a jamais d’enfant dans mes histoires ? Alors que j’ai trois lutins. C’est parce que j’ai longtemps été une maman en souffrance, en difficulté. Je refusais de transmettre du mal-être, donc je n’en parlais pas. En ce moment, je travaille sur un manuscrit avec un adolescent. J’ai maintenant confiance en ma capacité à donner à mes fils les outils dont ils ont besoin pour devenir de belles personnes. Désormais je peux donc parler d’enfants. Je n’ai pas trouvé LA solution, mais une solution. Et si j’en ai trouvé une, il en existe mille. C’est cette lumière d’espoir dont tu parlais.

Q : Tu as démarré dans la romance, mais tes histoires d’amour sont de moins en moins des romances. En littérature générale, tu as écrit Les Assiettes cassées , Mission mojito, Le temps de faire sécher un cœur… Quel style de roman pour l’avenir ? Quels thèmes ?

Les enfants, comme dit tout à l’heure. Et peut-être plus globalement le rapport que l’on peut avoir à l’expérience et la sagesse acquis au fil des années. J’aime prendre de l’âge en fait, je me sens plus solide, plus mature, plus lucide, plus efficace. J’ai envie de redorer cette image du vieillissement, parce qu’il nous apporte tant. Apprendre à relativiser, retrouver une certaine insouciance ou gaieté perdues lors de l’entrée dans l’âge adulte, quand toutes les responsabilités nous dégringolent dessus. C’est aussi lié au fait que je m’intéresse à la transmission, à ce que l’on peut apprendre des autres.

Q : Est-ce que la littérature jeunesse est un secteur qui t’attire ? En tant que maman, tu pourrais avoir envie de créer pour les enfants.

R : J’ai écrit deux livres pour mes lutins quand ils étaient petits. Ils m’ont demandé de les éditer. Alors oui, je vais écouter leur demande. Pour écrire de nouvelles histoires, je n’ai pas de projet en cours. Mais je me rends compte que le regard que je porte sur les enfants et sur leurs besoins évolue avec le temps. Peut-être que, quand je serai grand-mère à mon tour, j’aurai envie de m’adresser à mes petits-enfants. Toujours cette idée de transmission.

Q : Pourquoi ce thème récurrent ?

R : J’ai eu la chance de recevoir beaucoup. De l’amour, des conseils, de l’écoute. Des histoires de vie aussi, car j’aime écouter. Mais j’ai aussi eu la chance d’acquérir beaucoup de savoir par mes études successives à l’École du Louvre, mon BTS de diététique, ma formation en plantes médicinales. C’est un privilège et aussi une certaine responsabilité, celle de transmettre ce que j’ai reçu à d’autres. Et je ne me gêne pas pour absorber le savoir des autres ! Le savoir et la compréhension des choses sont pour moi une richesse qui se nourrit de circuler. Quand ils restent enfermés en nous, ils se dessèchent et s’oublient.

Q : Tu parles de l’École du Louvre. L’art est très présent dans tes romans. Le mur des Je t’aime, Top to bottom, et surtout Cœur à corps et Mille mots pour une photo avec Ergé… Pourquoi ce goût de mélanger les arts ?

R : J’appelle cela de la créativité contagieuse, le bonheur de travailler à plusieurs, de rebondir sur l’œuvre de l’un avant de servir à son tour de point de départ à la création d’un autre. Le premier travail d’un auteur est de lire. Plus on lit, plus on apprend à écrire. Quand on s’ouvre à d’autres arts, on enrichit notre écriture. La peinture, la photo apportent une autre sensibilité. Dans une image, beaucoup d’émotions sont exprimées avec une force qui touche sans que l’on puisse poser des mots dessus. Écrire sur les photos d’Ergé me pousse dans mes retranchements, m’oblige à trouver des mots et imaginer d’autres façons pour exprimer « l’indicible ». C’est presque une vision humaniste au sens employé à la Renaissance : le besoin de se nourrir de tout pour arriver à devenir la meilleure version possible de nous-mêmes.

Q : Tu parles de collaboration. Qu’en est-il de celle qui a donné naissance à Quelques mots à vous dire, puis récemment Un hôtel à Paris, deux recueils de nouvelles écrits avec Dominique van Cotthem, Rosalie Lowie et Frank Leduc ?

R : Ah, ça, c’est deux morceaux de bonheur ! Notre collaboration est partie d’une idée, et cela a forgé une amitié très forte entre nous quatre. J’ai appris de chacun d’eux, et je compte bien continuer. Tous les trois, ils ont apporté une nuance à ma façon de travailler. J’aime ce qu’ils écrivent, et j’aime les personnes qu’ils sont. Alors leur influence sur mon travail ajoute des choses que j’aime à ce que je suis. Et comble du bonheur, nos couvertures sont l’œuvre d’Ergé. Pour Un hôtel à Paris, nous avons même réussi à le convaincre d’écrire la préface. Seule, j’aurais échoué. Ensemble, nous avons réussi. Alors nous sommes bien décidés à continuer tous les cinq. Ce recueil de nouvelles avec un thème unique autour duquel nous développons nos univers particuliers sera notre rendez-vous annuel aussi longtemps que nous le pourrons.

Q : D’après toi, quel est le rôle de l’écrivain ? Quelle image veux-tu donner de ton travail ?

R : Je crois que l’écrivain est porteur de sens. Il observe le monde et les être humains, un peu en marge. Et par ses histoires, il essaie de donner du sens à ce qui existe. Souvent aussi, d’ouvrir les yeux sur une faille qu’il a perçue. C’est un veilleur, il prend soin des êtres et de l’environnement dont il parle. C’est aussi un grand enfant qui adore quand son imagination lui chuchote « Il était une fois… » et qu’il relève le défi d’inventer un monde.

Q : Peut-on dire que c’est aussi un « éveilleur » ?

R : Oui, joli ! Le mot me plaît. Nos romans tentent d’offrir une autre vision du monde, de dépasser ce qui se livre en surface. D’aider à prendre du recul, parfois de tirer la sonnette d’alarme. Peut-être que finalement, le plus gros travail d’un écrivain, c’est de comprendre.

Q : Dernière question. Quelle est ton actualité ?

R : Tu tombes à pic, j’en ai pour mes deux facettes d’écriture ! Tout récemment, la sortie de Top to bottom, Emilie Collins. Il est en numérique pour l’instant, en papier dès que le monde de l’édition aura retrouvé son souffle après la crise. Côté Emilie Riger, après la libération d’Un hôtel à Paris qui attendait de pouvoir sortir en toute sécurité, je vais très bientôt accueillir Le temps de faire sécher un cœur en version poche, chez Pocket. Très bientôt, c’est presque tout de suite, puisqu’il sortira le 4 juin !

On arrive à la fin des questions. Je suis obligée de te libérer Émilie, malgré les nombreux romans que tu as commis.

Delphine, tu es un amour de m’avoir soumise à la question. Tu m’as fait cogiter, mais j’ai adoré ! (PS : trois heures au téléphone, si, si, promis juré craché.

 

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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