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Portrait du jour : Jean-Marc Berlière, « un grand monsieur de l’Histoire de la police française »

 

Reprise du portrait du jour criminocorpus - En attendant de publier ce portrait du jour dans la nouvelle version "Culture et Justice" de l'association Criminocorpus, nous mettons en ligne celui de Jean-Marc Berlière sur mon blog personnel

C’est « un grand monsieur de l’Histoire de la police française » que reçoit aujourd’hui  la rédaction du blog d’informations du site Criminocorpus : il s’agit de Jean-Marc Berlière, Professeur émérite d’histoire contemporaine (université de Bourgogne)…

A l’occasion de la sortie de son dernier livre Polices des temps noirs – France 1939-1945 » Jean-Marc a bien voulu rédiger un Portrait du jour pour nos lecteurs et nous sommes particulièrement sensibles à cette démarche, nous les humbles de "Culture et Justice" …

A titre personnel, j’ai rencontré Jean-Marc dans les années 1980 alors qu’il était professeur à Montargis…

Jean-Marc Berlière c’est aussi un des pères fondateurs du  Hot-Club-du-Gatinais qui produit du jazz régulièrement programmé, depuis plus de 30 ans à Montargis… Blues, Jazz, Jazz Manouche, Boogie Woogie, New Orleans Jazz, Gospel.

Par jazz, nous entendons, une musique qui swingue, qui donne envie de danser à Mr et Mme Tout Le Monde.

Et nous à "Culture et Justice" on aime quand le swingue envahit les pages du site…

Bienvenue au club Jean-Marc ! Ph.P.

https://www.facebook.com/jmarc.berliere.5

 

« C’est à l’occasion de recherches entreprises pour son mémoire de maîtrise consacré aux grèves de 1919-1920 que Jean-Marc Berlière a découvert cet interlocuteur privilégié de l’historien qu’est le policier et les archives essentielles et d’une richesse infinie qu’il produit.

Soucieux comme tout historien de comprendre qui écrit, pourquoi, pour qui, questions essentielles pour la critique des sources, il découvre alors avec surprise le vide historiographique qui caractérise une institution dont l’étude et la connaissance sont pourtant indispensables pour qui veut étudier l’État, le politique et la société. Tout semble se passer comme si, pour les historiens qui utilisent ces sources, les policiers étaient transparents…

La cause de cette absence, comme il ne tarda pas à le découvrir, est double : d’un côté un monde universitaire victime de solides préjugés idéologiques (Cf. « police fasciste » de Sartre, les « CRS/SS »,…) et qui ne daigne pas s’intéresser à un objet « moralement illégitime » (le sociologue D. Monjardet qui connut les mêmes réticences évoquait un objet « sale » à propos de la police) qu’il assimile à la « répression », au chenil du capital, etc… ; de l’autre, une institution qui ne craint rien plus que la lumière. Car comme se plaisait à le répéter Fouché : la force de la police c’est qu’on ignore ses faiblesses.

C’est pour éclairer cet angle mort que Jean-Marc Berlière, alors professeur de lycée, s’est lancé, au début des années 1980, dans une thèse pionnière qui lui demandera 10 ans de recherches.

Consacrée à la police de la IIIe République (jusqu’en 1914 : accès limité aux archives oblige), il y aborde une masse de sujets jusqu’alors totalement méconnus ou encombrés de fantasmes et de tabous : la police judiciaire, la police technique et scientifique, le maintien de l’ordre, la police de souveraineté (RG)… Il y démontre qu’en dépit de bavures et de ratés, mais aussi d’accusations fantasmatiques aux origines d’une image épouvantable (lire les pamphlets de Léon Daudet ou les articles de la presse communiste de l’époque de la bolchevisation du parti communiste), la IIIe république a, plutôt bien que mal, précisé le concept et mis en œuvre la réalisation d’une « police républicaine » : entendre par là une police loyale à la démocratie, respectueuse des libertés, acculturée aux alternances démocratiques, soucieuse de ne pas être (trop) en contradiction avec cette » loi des lois » que constituait la Déclaration des droits de l’homme : en d’autres termes, défendre la liberté contre ses propres excès, ce qui, tout bien considéré, n’était pas une mince affaire quand on veut bien considérer l’outil et le personnel dont la république avait hérité des régimes autoritaires – et notamment des deux empires – qui l’avaient précédée. Il suffit d’ailleurs de voir avec quelle violence les ennemis de la « démocrassouille » (extrême droite et Action française) et de la « démocratie bourgeoise » (PCF) dénonçaient cette police « fasciste », ce « rempart de boue et de sang de la gueuse » pour comprendre qu’elle a bel et bien constitué un rempart d’une démocratie menacée (février 1934, complot de la Cagoule, etc).

Mais la question qui obsédait notre auteur depuis le début de ses recherches était de savoir comment, pourquoi, dans quelles conditions, jusqu’à quel point cette police était (ou pas ?) passée au service de l’État français qui liquida la république et s’empressa de réformer un outil qui ne répondait pas à ses attentes.

Pour cela il fallait accéder à des archives qu’on prétendait détruites, inexistantes, volées, en tout cas et à coup sûr qui étaient inaccessibles. C’est en 1994, à l’occasion du colloque organisé à Bayeux par la FNSP et l’Institut Charles de Gaulle, pour le 50e anniversaire de la Libération que le verrou a cédé et qu’il a pu accéder au saint graal dont il a immédiatement fait bénéficier lecteurs, curieux et chercheurs intéressés notamment dans un livre essentiel et pionnier, édité en 2001 (Policiers français sous l’Occupation. Paris, Perrin) et sans cesse réédité (collection Tempus, 2009) dans lequel il donne à voir, à travers des centaines de cas concrets, une réalité contrastée et complexe qu’il a développée et précisée dans de nombreux documentaires télévisés.

Ce « projet de connaître », cet accès à la connaissance fut l’objet d’un long et délicat travail de persuasion, de démarches obstinées à deux niveaux : auprès de l’administration pour qu’elle verse ses archives et accepte leur communication et auprès d’une communauté historienne très suspicieuse : un historien de la police ne pouvait être au mieux qu’un naïf manipulé, au pire, un malade obsédé par les « poubelles de l’histoire » et prêt à payer ce « privilège » de toutes les compromissions et arrangements avec la vérité.

Aujourd’hui les choses ont bien changé : de nombreux jeunes chercheurs, « libérés » des pesanteurs idéologiques de leurs aînés, ont embrassé à bras le corps un sujet passionnant. Les recherches — scandées par des colloques et des publications qui se succèdent depuis la 2e moitié des années 1990 — sont aujourd’hui florissantes (notamment sur « la police » de l’Ancien Régime, la gendarmerie, le « colonial policing ») »

Pouvoirs et polices au XXe siècle (Europe, USA, Japon) (direction avec D. Peschanski). Bruxelles : Complexe, 1997)

La Police française entre bouleversements et permanences : années trente-années cinquante (direction avec Denis Peschanski). Paris : La Documentation Française, 2000)

Le Témoin, le sociologue et l’historien : quand des policiers se mettent à table (avec R. Lévy), Paris, Nouveau Monde éditions, 2010)

Métiers de police : Être policier en Europe, XVIIIe-XXe siècles (dir. avec C. Denys, D. Kalifa et V. Milliot). Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.

Les chercheurs (surtout amateurs, les professionnels n’aiment pas remettre en cause leurs erreurs !) exploitent avec bonheur des archives totalement accessibles, mais qui nécessitent une extrême prudence dans leur utilisation.

« L’impossible pérennité d’une police républicaine sous Vichy ? », XXe Siècle-Revue d’Histoire, n° 94, avril-juin 2007, p. 183-198.

« Entre pages blanches et légendes : un corps sans mémoire ? », Pouvoirs, n° 102, septembre 2002, p. 5-15.

http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=POUV_102_0005

« Archives de police / historiens policés ? » Revue d’Histoire moderne et contemporaine, n° 48-4bis, 2002, p. 57-68. .(en ligne

http://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2001-5-page-57.htm)

« Des archives pour quoi faire ? », Le Débat, n° 115, mai-août 2001, p. 118-124. . (en ligne http://www.cairn.info/revue-le-debat-2001-3-p-118.htm).

 

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... 

Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

https://www.facebook.com/pageculturejustice

A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.

Relecture et mise en page Ph. P et S.P.

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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