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Portrait du jour - Sophia Mavroudis, l'auteure fascinante de la série Stavros - Des romans noirs sur la Grèce

Reprise du portrait du jour criminocorpus - En attendant de publier ce portrait du jour dans la nouvelle version "Culture et Justice" de l'association Criminocorpus, nous mettons en ligne celui de Sophia MAVROUDIS sur mon blog personnel

"Culture et Justice" acueille avec infiniment de plaisir Sophia MAVROUDIS.

Sophia  gréco-française, est née à Casablanca, et a grandi en Grèce. Elle est docteur en Sciences Politiques, spécialiste de géopolitique et des conflits en Europe et à sa périphérie. Elle a travaillé dans l’enseignement supérieur, la recherche, et l’administration et, des années durant, a arpenté le terrain des zones de conflits aux lignes de front, aux côtés de civils et de militaires.

Elle a publié deux romans noirs chez JIGAL Polar, STAVROS (Sept.2018) et STAVROS CONTRE GOLIATH  qui sort en ce moment (Sept.2020).

Trois autres opus de la même série sont également prévus.

Stavros contre Goliath Crédit - Marco Noguier

Credit Lucas Noguier pour la photo

Bienvenue Sophia sur le très prisé et discret "Culture et Justice". Ph P

 

Entretien de Sophia MAVROUDIS par le jeune journaliste, Marco NOGUIER.

Sophia MAVROUDIS - Des romans noirs sur la Grèce

Pourquoi as-tu commencé à écrire ?

Depuis mon plus jeune âge, je suis une lectrice compulsive d’essais politiques, de classiques, de romans historiques ou noirs et de polars. J’y puise, au choix, l’évasion, le rêve, l’analyse critique de ce monde. Mais de là à écrire … même si j’ai des liasses d’ébauches de romans qui traînent dans mes tiroirs.

J’ai adoré mon métier, la rencontre avec l’Homme dans ce qu’il a de meilleur et de pire, des immondes lâchetés au plus pur code de l’honneur. Mais il y a un temps pour tout. Un jour, j’ai ressenti le besoin de passer de l’autre côté de l’Histoire, de la raconter à ma manière, avec mes mots et mes priorités, de me recentrer sur moi-même.

[caption id="attachment_133065" align="alignright" width="253"] Jimmy Gallier, l’éditeur qui privilégie les histoires et les émotions fortes[/caption]

La crise grecque y a été pour beaucoup. Ma famille l’a vécue de plein fouet, et n’en est pas ressortie indemne. Certains ont coulé, d’autres se sont exilés, et une minorité enrichie. En dix ans, mon pays, et mon monde personnel, ont subi des changements structurels et existentiels qui les ont transformés à jamais. C’est violent et dur à vivre. Il faut se le réapproprier et s’y habituer.

A mon modeste niveau, il m’était urgent de parler de la Grèce qui, en plein cœur de l’Europe, subissait, sous le regard et les critiques de tous - comme dans une émission de téléréalité de mauvais goût - les assauts répétés d’une politique d’austérité d’une rare violence. J’avais besoin de m’exprimer, de répondre au tir groupé de questions sur la nature de la crise, ses causes et ses conséquences, les supposés faiblesses, mensonges et indolence des grecs. Je l’ai d’abord fait par impératif personnel. Et j’ai eu la chance inouïe d’être immédiatement publiée par un éditeur indépendant de qualité, Jigal Polar, dirigé par le formidable Jimmy Gallier et son équipe efficace et soudée.

Pourquoi le roman noir ?

La Grèce actuelle, avec son lot de crise économique, de menaces géopolitiques, de violence psychologique et matérielle, donne matière au noir. De par sa dimension sociale et politique, le roman noir est le moyen d’expression le plus approprié pour dépeindre une société déstabilisée et en errance, ses clivages, ses maux, ses doutes, ses regrets. Écrire face au silence assourdissant, armée d’un langage cru et sans détours, hors des clichés et des idées réductrices, n’en déplaise au lecteur policé européen.

Car il n’est pas question de parler ici de feta, de plage et de mer bleue. Les grecs ne sont plus en vacances dans leur propre pays. Il n’est pas question non plus de refaire ce que d’autres écrivains grecs de romans noirs ont fait brillamment, mais de parler à ma façon de ma génération, celles des cinquantenaires. Ceux qui avaient vingt ans lors du « miracle » grec des années 80 et de la vache à lait européenne, celle qui a été trahie par ses aînées mais a aussi  raté un coche, celle dont les parents et grands-parents ont vécu dans leur chair l’histoire du XXe siècle grec avec guerres, dictatures, échanges de population, exil, et dont ils sont les héritiers.

Parle-nous de ton personnage principal, STAVROS, au caractère bien trempé.

Le commissaire Stavros Nikopolidis, est issu de cet état d’esprit. Athénien dans l’âme, comme moi, il est la quintessence de ma génération, de mes amis, de ma famille, avec ses joies, ses travers et ses contradictions. Il parle comme nous nous parlerions entre nous à la taverne, avec nos mots, nos soucis, nos contradictions, notre autodérision. Il n’est pas là pour plaire mais pour s’exprimer. Et comme il est en pleine crise, personnelle et nationale, il ne fait pas dans la dentelle.

La société grecque est peut-être habitée par le Filotimo et la Philoxénia dont tout le monde parle et est ravie de trouver à son arrivée chez les Hellènes, mais, elle est d’abord et surtout meurtrie, endurcie, amère et désorientée. Et ça, personne n’a envie de le voir. A cela, j’ajouterais le fait très personnel que je ne sais pas bien écrire le romantisme, les sentiments, la douceur. Par mon caractère plutôt réservé, et par mon passé professionnel, un monde très terre à terre et sans fioritures, fait de conflits, de secrets, et d’hommes.

Vas-tu écrire d’autres STAVROS ?

Oui, c’est une série de 5 romans noirs déjà esquissés dans ma tête et sur le papier. Chacun traite d’un thème qui m’est cher et que je souhaitais aborder. STAVROS parle de l’identité culturelle et collective de la Grèce d’aujourd’hui depuis la crise et les bouleversements sociaux qui la traversent. C’est pourquoi j’ai choisi le vol d’une frise du Parthénon, emblématique de son identité, l’arrivée des mafias et de l’insécurité.

Le second roman porte sur les nouvelles menaces géopolitiques auxquelles la Grèce est confrontée, les conflits à sa périphérie, notamment avec la Turquie, les flux migratoires, le terrorisme, et l’absence totale de solidarité de l’Europe à son égard. Aberrant au vu de l’ampleur des enjeux collectifs, des faibles moyens économiques de la Grèce, des prétentions politiques, militaires et morales de cette même Europe, sans parler du droit international et des Traités.

Les trois autres opus porteront eux aussi sur des thèmes spécifiques et distincts. Le troisième est d’ailleurs en cours d’écriture.

Tes personnages sont hauts en couleurs, très différents les uns des autres.

Le choix des personnages ne s’est pas fait par hasard. Je les ai choisis, ou plutôt ils m’ont choisie, ils existaient déjà dans ma tête. Ils me parlaient et m’ordonnaient de rapporter leurs propos. Ils représentent chacun une facette de la Grèce, qu’il s’agisse d’une région, d’une tranche sociale, d’un genre. Ils existent pour balayer le spectre des opinions. Ils sont là pour vider leurs doutes et leurs angoisses, s’affronter, s’aimer aussi.

Pourquoi as-tu écrit en français et pas en grec ?

Judicieuse remarque ! En réalité, j’écris Stavros en grec dans ma tête et mes doigts tapent en français sur le clavier. Cela relève de la schizophrénie mais c’est le propre des bilingues et bi-culturels de naissance, je suppose. C’est pourquoi il m’a fallu beaucoup me relire car dans la réalité, Stavros s’exprime, s’emporte, s’enivre en grec. Il me dit bien « ré gamoto » et pas « et merde ». D’où les phrases en langue « originale » parsemées régulièrement dans le texte, parce que parfois rien ne peut traduire mon ressenti. D’où aussi le fait que quand il y aura « traduction » en grec, j’en aurai la supervision.

 

 

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... 

Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

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Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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