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Portrait du jour : Jean-Christophe Dubuisson, enseignant et écrivain

NOUVEAU portrait du jour : Jean-Christophe Dubuisson

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Jean-Christophe Dubuisson.

Bienvenue Jean-Christophe sur le très discret et prisé Culture et justice.

L'interwiew est réalisée par notre amie Valérie Valeix.

Il pratique « le plus beau métier du monde » selon le titre de la comédie de Gérard Lauzier. Jean-Christophe Dubuisson est professeur d’Histoire et de Français, passionné de petite histoire dans la grande, auteur de « Decoster, le dernier guide de Napoléon ». Il va nous raconter sa « double vie » celle de prof et celle d’écrivain.

Bonjour Jean-Christophe, qu’est-ce qui a guidé vos pas vers l’enseignement de l’Histoire plutôt que la philo ou les sciences ?

J’ai toujours aimé raconter et entendre des histoires. Découvrir la vie de nos ancêtres, le quotidien de ces hommes et de ces femmes qui nous ont précédés, n’est-ce pas pas là une aventure pleine de rebondissements ?

Quelles époques enseignez-vous ? Comment l’Histoire est-elle perçue par les jeunes ?

J’enseigne l’époque contemporaine, celle qui s’étale depuis le début du 19ème siècle jusqu’à nos jours. Généralement, les jeunes semblent intéressés par l’Histoire moderne. Du moins, c’est mon impression. Il faut dire que, lorsqu’on ne traverse pas une crise sanitaire, ce cours offre la possibilité d’organiser de nombreuses sorties culturelles. Nos jeunes comprennent que les grands événements des deux siècles précédents ont une influence directe sur leur vie de tous les jours. L’Histoire est une branche vivante, fondatrice de ce que nous sommes.

Vous êtes Belge. Vous avez publié un premier ouvrage « Une famille belge dans la tourmente de l’Histoire » aux éditions Jourdan. La Belgique on le sait, n’a pas été épargnée par les guerres mondiales, ni la première, ni la seconde. C’est l’histoire de vos grands-parents à travers le second conflit que vous relatez. Qui étaient-ils ?

La seconde guerre mondiale a eu un impact très important sur la vie de mes grands-parents.

La famille de ma grand-mère est venue en aide à de jeunes Juifs recherchés par la Gestapo. A partir de l’été 1943, elle a pris la responsabilité d’en cacher un au sein de son domicile et sur le lieu de travail de mon arrière-grand-père.

Mon grand-père, lui, a connu l’exode du mois de mai 1940. C’est lors de la débâcle anglaise, à Dunkerque, qu’il a découvert les horreurs de la guerre. Sa famille et lui ont finalement trouvé refuge dans le Midi de la France. Durant le trajet du retour vers la Belgique, au mois d’août, son père, un soldat qui avait déjà combattu dans les Flandres en 14-18, fut arrêté et déporté vers un Stalag de Poméranie. Sa mère revint à Bruxelles sans époux, avec trois enfants à nourrir. Plus tard, mon grand-père reçut une convocation pour le Service de Travail Obligatoire en Allemagne. Il refusa de s’y rendre et s’engagea dans l’Armée secrète belge. Il connut l’existence tourmentée du résistant. Enfin, peu après le débarquement de Normandie, lors des folles journées qui suivirent la Libération, il fut incorporé dans l’armée américaine avec laquelle il participa à la bataille des Ardennes et à la Campagne d’Allemagne. Cette expérience lui permit de rencontrer des personnages hors du commun, comme Churchill et Montgomery. On peut dire que son destin fut bouleversé par l’Histoire !

Pourquoi ce besoin de coucher sur le papier leur histoire à ce moment précis ?

Peu après la naissance de mes enfants, j’ai demandé à mon grand-père de me raconter son histoire. Nous étions très proches. Quand il parlait, je l’enregistrais. Puis après, j’ai mis le fruit de nos conversations sur papier. J’y ai inséré des photographies, des extraits des cahiers intimes de son père où étaient relatés son expérience de la guerre des tranchées et celle de la déportation, ainsi que des passages du carnet de mon grand-père. En fait, tout cela s’est fait assez naturellement. Quand le texte fut achevé, nous l’avons proposé à une Maison d’édition spécialisée dans les livres d’Histoire, laquelle nous a rapidement proposé un contrat en vue de le publier.

Cette passion pour l’Histoire est-elle partagée par vos proches ?

Généralement, oui. Plusieurs de mes proches m’ont apporté une aide lors de la rédaction de mes livres. De plus, je ne compte plus les ouvrages historiques et biographiques qui parsèment les bibliothèques familiales.

Vous avez également publié « Decoster, le dernier guide de Napoléon » toujours chez Jourdan Editions. Comment cet homme qui fut le dernier à l’avoir côtoyé du moins, en tant que guide belge, est-il perçu en Belgique ?

Pour tout vous dire, Jean-Baptiste Decoster était un peu tombé dans l’oubli. Ce constat m’a étonné, car il était un guide fort recherché durant le 19ème siècle. Nombre d’écrivains romantiques visitèrent le champ de bataille de Waterloo en sa compagnie. Victor Hugo lui a même consacré un chapitre de son célèbre roman « Les Misérables ».

Pensez-vous qu’il se soit rendu compte sur le champ de bataille qu’il assistait à quelque chose d’historique dont il était le témoin ?

Lors des combats, le principal de ses ressentis demeurait la peur. Jusqu’alors, il ne connaissait des champs de bataille que ce que lui avaient raconté les soldats de la Grande armée qui fréquentaient son cabaret. Il ne savait pas que Mont-Saint-Jean, l’endroit où il vivait, deviendrait un lieu de légende. Ce ne fut qu'après, quand des foules de touristes désirèrent faire appel à ses services, qu’il comprit combien le fait d’être resté auprès de Napoléon durant la journée du 18 juin 1815 pourrait le servir.

A vivre avec un personnage tout le temps des recherches, puis de l’écriture, on finit par avoir une certaine empathie pour celui-ci, même mort depuis longtemps. Certains auteurs ou collectionneurs que j’ai rencontrés disent même qu’ils leur parlent comme à des proches. Est-ce votre cas avec Jean-Baptiste Decoster ?

Même si son témoignage vaut de l’or, je ne peux pas affirmer être attaché à Jean-Baptiste Decoster. Ce que j’aime dans son histoire, c’est que son destin fut chamboulé par l’Histoire. Du jour au lendemain, il devint l’homme le plus en vue de Waterloo. Tous désiraient le rencontrer, depuis des dignitaires politiques comme le Tsar de Russie jusqu’à des écrivains de renom comme Walter Scott.

En fait, si la rédaction de ce livre m’a rapproché de certaines personnalités, c’est surtout des écrivains romantiques. Bien souvent, pour écrire leurs livres, ces derniers éprouvaient le besoin de se rendre à Waterloo. Rares étaient ceux sans un père, un oncle ou un grand-père qui n’avait pas combattu au sein de la Grande Armée. Ils menaient donc leur enquête, faisaient leur pèlerinage en parcourant les terres grasses où furent ensevelis des milliers d’hommes et de chevaux. Le romantisme est né à Waterloo, me semble-t-il. Tous les ingrédients, comme l’exaltation de la nature, le mystère de la mort et le besoin de bohème y étaient réunis.

Sait-on où est sa tombe et est-elle visitée ?

Malgré mes recherches, je ne suis pas parvenu à localiser sa tombe.

Avez-vous d’autres projets littéraires ?

J’aime écrire. J’aime fouiner dans le passé. D’autres projets littéraires me tiennent à cœur, mais je n’en suis qu’au stade des recherches.

Etes-vous un grand lecteur et quelles sont vos lectures préférées ?

Lire un bon livre est un vrai moment de plaisir. Mais je ne me cantonne pas à un genre bien précis. Mes lectures sont assez hétéroclites. Comme vous l'avez sans doute remarqué, dans mon ouvrage consacré au guide Decoster, je cite de nombreux auteurs pour lesquels j'éprouve une réelle admiration. Certains d'entre eux m'ont permis de plonger dans le passé avec bonheur. Chateaubriand, Tolstoï et Stefan Zweig en font partie. Des sagas familiales comme "Jean de Florette / Manon des sources" (Marcel Pagnol), "Ce que le jour doit à la nuit" (Yasmina Khadra) et "Au plaisir de Dieu" (Jean d'Ormesson) m'enchantent. Pour ce qui concerne la Belgique, je suis avec attention les écrivains du nord du pays. Il y a un vrai renouveau dans la littérature flamande, avec des auteurs comme Lize Spit, Dimitri Verhulst, Stefan Hertmans et David Van Reybrouck…

Quelle valeur est à vos yeux la plus importante ?

En cette période de crise sanitaire – qui s’accompagne, selon moi, d’une crise morale – j’ai envie de mettre à l’honneur la bienveillance et l’enthousiasme. Outre un minimum de bienveillance, n’avons-nous pas besoin d’une bonne dose d’enthousiasme pour réussir notre vie ? Comme le disait notre plus grand Belge, Jacques Brel : « Le talent, ça n’existe pas. Le talent, c’est avoir l’envie de faire quelque chose. »

Merci Jean-Christophe pour cet échange qui permettra aux Français de découvrir vos deux belles œuvres (j’ai eu la chance d’avoir accès à Decoster)

 

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... 

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Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
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