NOUVEAU portrait du jour : Jean-Michel Leboulanger
Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Jean-Michel Leboulanger.
Bienvenue Jean-Michel sur le très discret et prisé Culture et justice
QUESTIONNAIRE INTERVIEW « Culture et Justice » réalisé par notre amie Nelly Burglin Razik chargée de Communication pour les Éditions du Loir - Agent freelance
1/ Parle nous de toi. Qui es-tu ?
Ah, la tuile ! Je déteste parler de moi. J’ai groumpfeuh ans, je suis né le 26 août 1961. On va faire dans le cliché sans rentrer dans le détail. Je suis moitié Breton, moitié Normand. Le hasard a voulu que je vive depuis quelques années dans une petite maison dans la prairie, entre Bretagne et Normandie, et à quelques minutes de la mer. Quoi d’autres ? J’adore voyager, rencontrer les gens durant ces voyages. Le fait de parler plusieurs langues facilite les échanges. Dans un voyage, même si ce ne sont que quelques mots, c’est souvent la clé pour lier des contacts autres que ceux du touriste lambda. J’aime aussi m’extasier devant des paysages et des goûts nouveaux de cuisines inconnues. Parce que comme je suis (très) gourmand, les cuisines font partie intégrante du voyage. J’ai des pays de prédilection, tels que la Grèce, l’Italie, l’Irlande, et surtout le Japon depuis une douzaine d’années. C’est mon pays de cœur, celui où je me sens comme en lévitation permanente. Et je suis incapable d’expliquer réellement pourquoi. Sinon, j’ai une vie tout ce qu’il y a de plus normale, d’une banalité affligeante. En dehors de mon activité d’écrivain, je suis formateur pour adultes. C’est un métier très prenant, chronophage, mais que j’adore. Ce métier permet de transmettre, mais aussi de rencontrer des tas de gens aux parcours multiples. C’est enrichissant.
2/ Depuis combien de temps écris-tu ?
Si je dis depuis que je sais écrire, c’est très prétentieux. Mon premier « vrai » manuscrit, je l’ai écrit vers la vingtaine (un polar, bien sûr). Puis ma vie professionnelle et familiale ont mis de côté l’écriture jusqu’à ma quarantaine. Entre-temps, il y avait bien eu des tentatives de manuscrits, mais rien de vraiment sérieux qui aurait pu aboutir à un roman. Les ordinateurs et surtout les traitements de texte m’ont facilité le retour à l’écriture. Sur un clavier, mes doigts vont à la vitesse de ma pensée. J’écris plus rapidement sur un clavier qu’avec un crayon. Pourtant, toutes mes idées, mes brouillons sont écrits à la main. Sur de gros carnets bien épais, en A5. Toujours les mêmes. J’en fais une grosse consommation. Depuis quelques années, j’essaye d’avoir une routine d’écriture. Pas forcément un moment précis de la journée, même si je privilégie le matin tôt, mais par contre j’ai besoin de musique pour écrire. Un fond sonore, comme une bande son qui viendrait en contre-point de ce que j’écris. La musique ne m’inspire pas, mais elle m’accompagne.
3/ De quoi ta plume se nourrit-elle ?
De tout. J’ai quelquefois l’impression d’être un hybride entre humain et éponge. N’importe quoi peut m’inspirer un début de commencement d’embryon d’histoire. Ce peut être un lieu, une rencontre, un fait divers, mais qui crée l’étincelle. Ensuite, il y a ce qu’on met dans le roman lui-même. Des détails, des anecdotes, des choses vécues qui viennent caviarder le récit, lui donner du corps. Un roman se construit essentiellement par ce que nous sommes. Par notre vécu, nos expériences, et celles des autres aussi qu’on a pu me raconter. Quelquefois, c’est juste un bref souvenir, une image, ou bien des émotions ressenties des années auparavant et qui ressurgissent tout à coup sous les doigts. C’est quelquefois très émouvant et je me questionne souvent sur le pourquoi du comment quelque chose qu’on pensait enfoui revient à la surface brusquement sans être sollicité. C’est très bizarre, cette impression. Perturbant, même.
4/ Quel regard as-tu sur tes premiers textes ?
Quels premiers textes ? Ceux que j’ai brûlés et dont les cendres sont éparpillées au fond du jardin ? Les quelques rares textes que j’ai conservés sont rangés dans des dossiers cartonnés, au fond d’un tiroir. Je ne les regarde jamais. C’était une période d’apprentissage en écriture, que je poursuis encore. Aussi mauvais soient-ils, on va dire qu’ils étaient nécessaires parce qu’ils m’ont permis de rédiger des textes moins mauvais aujourd’hui. Du moins, il me semble…
5/ Dans une interview, récemment, tu déclarais que « l’écrivain est un démiurge qui crée des mondes ». Le monde réel te semble-t-il si laid que ça ?
C’est une question difficile, même si on a l’impression qu’on pourrait répondre de façon binaire par oui ou non. Être un démiurge ne signifie pas créer des mondes mauvais. On peut en créer des idéaux, mais ce ne serait pas crédible du tout. Le monde n’est pas laid, loin de là. Il reste encore beaucoup d’îlots de beauté. Il faut savoir les trouver et les apprécier. Je ne sais pas si c’est l’âge, mais je pense que le monde a tendance à s’enlaidir à cause du comportement des hommes. On casse tout, on pollue tout, et le carcan de notre style de vie ne nous permet pas de changer les choses rapidement. On a perdu le sens commun, surtout depuis que le diable a inventé sa plus belle arme : l’argent ! C’est l’argent qui mène la danse et pervertit tout. Je suppose que le monde est moins laid quand il passe par le filtre d’un roman. On y dit ce qu’on veut, on s’arrange avec la réalité. C’est sans doute pour ça que les gens lisent : pour s’échapper d’un monde loin d’être parfait pour vivre autre chose à travers un roman et s’identifier à des personnages. Le polar ou le thriller sont de bons supports pour parler du monde qui nous entoure tout en suivant le fil rouge d’une enquête.
6/ Un auteur est-il un lanceur d’alerte ?
Il peut. Je dirais même qu’il doit. Si c’est sa vocation, bien sûr. L’écriture, le roman, est un moyen pour faire dire aux personnages des choses qu’on ne dirait pas forcément soi-même. Pas aussi directement, je veux dire. L’auteur se cache derrière ses personnages. Pas par lâcheté, mais souvent parce que les caractères des personnages le permettent. Si l’auteur n’est pas un lanceur d’alerte, il peut évoquer des sujets de société. Dans Le Prix du Silence, je parle du nucléaire, par exemple, et des conséquences qu’un incident peut avoir des dizaines d’années plus tard. Pour le tome 2, qui paraîtra en août, j’évoque notamment les profiteurs de misère qui organisent sans scrupules des trafics en tout genre. L’appât du gain, encore et toujours, qui justifie les pires des abominations. Le roman est encore un lieu de liberté où on peut dire ce qu’on veut. Du moins, j’ai la naïveté de le croire. Le plus grand risque est l’autocensure, parce que l’air du temps vous y contraint de plus en plus. On ne peut plus dire grand-chose parce qu’aussitôt, une association ou même un particulier va se sentir visé ou offensé par ce qu’un auteur a écrit. Et alors, c’est le déclenchement de l’opprobre sur la tête de l’auteur. On est dans un monde qui tend de plus en plus vers le formatage et la pensée unique. Un monde où on n’aura plus le droit de dire quoi que ce soit, sinon au travers de la parole officielle, bien-pensante, et surtout extrêmement hypocrite. Nous allons droit vers un hybride de 1984 et du Meilleur des mondes. Un embryon de dictature. Et ça me fait peur pour les générations futures qui ne me semblent pas bien armées pour lutter contre ça.
7/ Après la sortie en février de ton nouveau roman Le prix du silence aux Editions du Loir, qu’il y a-t-il sur le feu actuellement ?
Plein de choses sur le feu, d’ailleurs ça commence à sentir le cramé. J’ai toujours des idées en tête, qui n’aboutissent pas forcément à des romans. Très peu en fait. S’il y avait un roman par idée, je remplirais une bibliothèque à moi tout seul. Une petite, toute petite… Disons qu’il y a le troisième tome de la trilogie du Prix du silence, ensuite un roman asiatique à terminer (Dragon Blanc), et puis sans doute le retour de Ian Debaeker, le héros de Salverney, paru en 2016, pour une trilogie dont chaque histoire se déroulerait dans une île. Du moins, c’est le projet. Maintenant, il faut trouver le temps pour écrire tout ça. J’ai toujours plusieurs projets en cours. Je peux passer de l’un à l’autre sans problème et me replonger aussitôt dans l’atmosphère de chaque histoire. Mais je regrette d’être très lent. Mon rêve serait d’écrire un roman tous les trois mois…
8/ Et si demain tu ne pouvais plus écrire…
Ce serait une grande frustration, mais j’ai plein d’autres passions qui, je l’espère, compenseraient. La musique, en écouter et en faire. La photo aussi. En fait, toute ma vie je me suis dispersé à essayer des tas d’activités, sans jamais vraiment me spécialiser dans aucune. Pendant longtemps, je me suis dit que j’avais gâché du temps à tenter des trucs et des machins. Maintenant, je pense que c’était une chance pour moi de m’intéresser à la musique, de savoir jouer des instruments (sans être virtuose), de faire des photos (même les flous peuvent dégager de l’émotion), dessiner… Je ne suis expert en rien, mais amateur en tout. Amateur dans le sens littéral, de celui qui aime. Mais l’écriture est quand même ce qui est le plus abouti.
9/ Petit questionnaire de Proust :
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Si tu étais un personnage de roman : Boro
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Si tu étais un livre : Le roi des Aulnes
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Si tu étais une qualité : l’indulgence
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Si tu étais un défaut : l’indulgence
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Si tu étais un morceau de musique : l’adiagetto de la 5ème symphonie de Gustav Mahler
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Si tu étais une île : Miyajima
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Si tu étais une envie : pfffffffioouuuuuu
10/ Le mot de la fin te revient…
Dire le mot de la fin est aussi difficile que de parler de moi. Je sais que je ne suis pas un grand écrivain, mais j’ai la chance d’écrire. Dès que j’ai lu mes premiers livres, c’est à dire à l’époque où je piquais les bouquins de la bibliothèque verte de ma grande sœur, j’ai eu l’envie de raconter moi aussi des histoires. Et donc, de devenir écrivain, même si je ne savais pas trop ce que c’était. Depuis quelques années, je suis en train de vivre mon rêve d’enfance. À une petite échelle, modestement. Mais je me dis que j’ai réussi à accomplir ce que certains, malheureusement, ne vivront jamais. C’est un privilège. Alors je goûte avec délectation ces périodes d’écriture, de cogitation, de corrections, (très éprouvants) et après ces moments rares d’être édité, publié. Et lu ! Chaque livre qui sort est comme une naissance avec son lot d’émotions. Tout ceci entretien le moteur de l’écriture. Et je continuerai tant que j’aurai des histoires à raconter, et des choses à dire. Ce ne sont pas les sujets qui manquent.
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