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Nouveau portrait du jour Sophie Muffat

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Sophie Muffat

Bienvenue Sophie sur le très discret et prisé Culture et justice.

C'est notre amie Valérie Valeix, l'abeille criminelle préférée de Culture et justice  qui réalise l'interwiew de Sophie.

Sophie Muffat est spécialiste de la marine du Directoire et de l’Empire. Les grands capitaines n’ont pas de secret pour elle, de Decrès à Ganteaume en passant par Bougainville et Coëtnempren de Kersaint, elle mène sa frégate avec aisance, navigant entre conférences et reconstitutions. Sophie nous en parle pour Culture et Justice.

Bonjour Sophie, comment êtes-vous tombée dans la « marinade » impériale ?

C’est une histoire assez ancienne… Mon mythe personnel s’appelle Robert Sténuit. C’est un archéologue et plongeur qui a entre autres, découvert une épave exceptionnelle dans les années 60, la Girona, une galéasse de l’Invincible Armada qui a coulé en 1588 au moment d’une invasion de l’Angleterre ratée (encore une !) par l’Espagne. Il en a tiré un ouvrage assez imposant que j’ai dévoré à l’âge de huit ans. Je le relis régulièrement, je le redécouvre à chaque fois avec un autre regard. Il y a eu le moment où je l’ai lu pour comprendre la démarche historique du chercheur qui fouille en bibliothèque et remplit des classeurs de cotes archives. L’histoire navale est entrée en moi à ce moment-là je crois.

Ca a pris des années pour mûrir, car ensuite elle s’est rappelée à moi vers 2005, quand j’ai trouvé dans une brocante un vieux texte de loi de l’époque révolutionnaire sur la guerre de course. Je l’ai acheté une bouchée de pain et je l’ai longuement étudié. Et puis la curiosité aidant, j’ai fait d’autres recherches, déniché et acheté d’autres textes de lois navales de l’époque révolutionnaire, puis Directoire et Empire et j’ai commencé à écrire, à prendre des notes. J’ai découvert que la législation navale est un millefeuille administratif kafkaïen. Et que la guerre de course n’est pas seulement une histoire de combats de corsaires contre les Anglais pour de l’or et des cargaisons mais surtout une accumulation de paperasse !

En fait, la « marinade » impériale m’est un peu tombée dessus par hasard, mais quand la monographie du bateau canonnier a été distinguée par une médaille de l’Académie de Marine, ça m’a encouragée à continuer. Car ce qui ne devait être qu’un unique projet n’a été en fait que le premier. C’est là que j’ai découvert les joies de la recherche en archives, à Vincennes et ailleurs, et commencé à écrire quelque chose de plus long que les quelques pages prévues initialement… en fait la monographie complète fait plus de deux cent pages plus les plans… On a fini par la publier en 2012. Entretemps j’avais publié en 2008 un article assez long et technique sur la législation de la guerre de course, qui a été ma première vraie publication scientifique, qui a été référencée par le CNRS. Pendant ces cinq années j’ai souvent pensé à Robert Sténuit et à sa Girona, quand on travaillait sur le bateau canonnier n°256. Et je me suis mise à dénicher et collectionner aussi d’autres textes, surtout les textes de lois et les règlements. Je me suis découvert une passion un peu étrange pour la législation navale ; les textes sont parfois très austères et arides mais surtout, ils sont très parlants pour découvrir la marine de l’intérieur, écrite par des gens qui n’étaient pas tous des marins. On y trouve donc quelques perles, mais aussi des absurdités réglementaires comme les textes qui régissent l’ameublement de la grande chambre, qui représente les quartiers de l’officier commandant du vaisseau ; il faut croire que le bois des chaises, la provenance des tapisseries et la couleur des rideaux, c’est très important ! J’ai souri en découvrant aussi que quand l’officier commandant change de vaisseau, il embarque tout le mobilier dans le déménagement… son successeur arrive et amène avec lui son propre mobilier à bord …

Mais ça a pris du temps pour être un peu connue, sans même parler d’être reconnue. Une femme qui étudie l’histoire militaire c’est déjà un peu exotique, mais l’histoire navale, c’est carrément incongru. Surtout l’histoire navale napoléonienne, qui reste avec la réputation d’un échec impérial, et surtout qui reste trop méconnue dans ses aspects techniques et humains.

J’ai donc lu les archives, les historiens, et surtout, les historiens de la marine. Et j’ai vu qu’il y en a peu, vraiment très peu. Sur la période impériale, encore moins. Il y a surtout des historiens spécialistes de la période impériale qui écrivent, parfois, sur la marine. C’est toute la nuance. Les historiens de la marine écrivent d’abord sur la marine avant de toute autre considération. Et appréhendent le sujet avec son aspect technique très précis qui peut rebuter, et pas seulement son aspect militaire, les batailles, et la guerre de course avec Surcouf qui n’en finit pas de faire rêver.

Car en fait, la marine impériale pour le grand public c’est essentiellement les batailles, avec Trafalgar, parfois Boulogne, et encore. Donc n’en parlons pas… On oublie tout l’aspect des constructions navales, la vie dans les arsenaux… Les articles qui sont écrits sur le sujet sont rares et souvent très pointus. En histoire militaire, la période napoléonienne est très étudiée dans les campagnes terrestres, mais très peu dans les campagnes navales, qu’elles aient été effectives ou juste à l’état de projet. Et les biographies sérieuses et objectives des marins de l’Empire sont en très petit nombre. L’objectivité dans la chose navale impériale est très difficile à appréhender ; l’historien souffre du point de vue de l’Empereur, très orienté, que parfois il n’ose pas contredire. Quand il ose dire que l’Empereur a sa part de responsabilité il lui arrive d’être accusé de ne pas aimer Napoléon. Sauf que ça n’a rien à voir ! La marine impériale souffre non du manque de sérieux des historiens, mais du manque de considération dû à la médiatisation des échecs en oubliant les aspects positifs. Et pour toutes ces raisons, à mon avis, la marine est la grande oubliée des célébrations et publications du bicentenaire.

Vous avez écrit « Desaix en Egypte » paru aux éditions (AKFG, parrainé par la Fondation Napoléon) en collaboration avec Pascal Cyr, spécialiste québécois de l’Empire et du Consulat, comment vous est venue cette idée et pourquoi Desaix ?

Au départ c’est une idée de Pascal. J’avais relu son ouvrage sur la Campagne de France avant sa parution, au fur et à mesure de l’écriture, en lui faisant des suggestions et quelques remarques et il m’avait alors proposé de faire un ouvrage ensemble. Il connaissait mes travaux sur la marine impériale. Il avait suggéré quelque chose sur la campagne de Haute-Egypte menée par Desaix, qui n’avait pas fait l’objet d’étude scientifique sérieuse depuis le début du XXème siècle. J’ai été très enthousiaste car il faut dire que la campagne d’Egypte fait partie de ces mythes fondateurs de l’épopée : à ce moment-là Bonaparte est « seulement » un général, qui part avec 50 000 hommes, 286 navires de toutes sortes et toute une cohorte de savants divers pour conquérir un pays qui déjà, fait rêver. Il a dès le départ une chance insensée puisque son convoi n’est pas attaqué par Nelson qui accumule les erreurs, et que la météo est parfaite ! Evidemment le rêve se heurte à la réalité, la peste, la chaleur, l’eau qui manque, le désert, les Mamelouks, la marine de guerre anéantie, et surtout pas du tout adaptée à l’Egypte… On avait réparti le travail. Ce travail commun sur deux continents et en ne se rencontrant qu’une seule fois avant la parution a été passionnant.

Ma première vraie rencontre avec Desaix qui reste finalement assez méconnu, c’est à ce moment-là. Car en fait, il a fait beaucoup de choses avant de venir mourir à Marengo ! C’est un jeune général, un aristocrate auvergnat assez pauvre, qui a fait la campagne du Rhin, y a été blessé et est parti en Italie rencontrer Bonaparte, ce général victorieux. C’est une « gueule cassée », Desaix. Le tableau le plus connu qui le représente est celui d’Appiani, qui en fait une espèce de jeune premier solaire et magnifique. Sauf qu’Appiani le peint d’après son masque mortuaire et surtout il gomme les moustaches et les cicatrices du visage qu’elles cachaient, celles de la balle qui lui avait traversé les deux joues en cassant des dents au passage et laissé des marques qui allaient du nez jusqu’au menton…

De retour d’Italie il mène une mission diplomatique, rentre en France, inspecte les côtes. Il prépare en secret et en quarante jours tout le convoi qui est parti de Civitavecchia le 26 mai 1798, conquiert en huit mois et avec deux canons, moins de deux mille hommes et une petite flottille, toute la Haute-Egypte, apprend l’arabe pour se faire comprendre des autochtones, pacifie toute la région, et revient en France pour se faire tuer en pleine jeunesse lors d’une bataille qui n’était pas gagnée d’avance. Et tout ça à moins de 32 ans ! Il méritait bien un ouvrage qui relate le passage le moins connu de sa carrière militaire.

Envisagez-vous d’autres écrits ?

Oh oui… trois sont terminés et en attente de publication pour cette année. Il y a un numéro spécial Marine de la revue Napoléon 1er qui devrait sortir à l’automne, que j’ai écrit en grande partie. Pascal a participé pour deux articles et Jean-François Brun pour un autre. Jean-François Brun est un historien discret et très pointu que j’apprécie beaucoup et qui m’avait demandé comme une faveur l’autorisation d’écrire un article pour le numéro spécial. Il me fait l’honneur d’apprécier mon travail.

Il y a aussi un autre article assez long sur l’organisation du ministère de la Marine, pour la Revue de l’Institut Napoléon, mais je ne connais pas encore la date de parution.

Et enfin, un ouvrage sur lequel je travaille seule depuis quatre ans, sur la vie des marins sous le Consulat et le Premier Empire. C’est un travail ambitieux qui m’a demandé un temps fou en recherches. Car finalement la vie des hommes de la marine est très peu connue et relatée ; comme je l’ai déjà dit, on ne parle d’eux que lors des batailles. Et il y a encore beaucoup trop d’idées reçues sur leur vie à bord. Alors que la marine c’est avant tout des hommes. La vie des marins a énormément évolué entre les écrits de Jean Boudriot sur le vaisseau de 74 canons et la fin du Premier Empire. Boudriot s’est arrêté avant les réformes navales de 1786, mais c’est le moment que j’ai choisi pour le début de l’étude des réformes qui ont grandement impacté l’existence des marins de l’Empire.

J’ai eu la chance insigne de bénéficier d’un préfacier exceptionnel, Rémi Monaque, qui est au fil de nos discussions téléphoniques et épistolaires devenu un ami. Mon livre les Marins de l’Empereur devrait sortir à la rentrée de septembre, aux éditions SOTECA. C’est à ma connaissance, le seul sur la marine à être publié pour le bicentenaire. J’y bats en brèche beaucoup d’idées reçues.

Vous êtes également conférencière, quels sont vos thèmes ?

J’aime beaucoup évoquer les événements un peu méconnus de l’histoire navale, ou les marins de l’Empire sous un angle un peu inhabituel. Je me souviens d’avoir fait une conférence sur un officier de marine peu connu du grand public, le chevalier de Fréminville, dont la carrière sous le Consulat et l’Empire est celle d’un officier comme tant d’autres mais dont la vie par la suite est carrément unique ; à ma connaissance, c’était le seul officier de marine à s’habiller en femme, en public, dans les années 1830… ça créait un certain émoi à Brest… J’avais donné une conférence sur les funérailles de Lord Nelson, qui avaient atteint un summum dans le grandiose, et une autre sur la mort mystérieuse de l’amiral Villeneuve. Pour Villeneuve, j’ai enquêté pendant deux ans. Ca a été une enquête policière personnelle assez complexe. Dans le genre complexe ET grandiose, on a aussi la mort spectaculaire du ministre de la marine Denis Decrès qui explose dans son lit. Et ce n’est pas une figure de style : il y avait une bombe. Là encore, enquête !

Une des dernières conférences que j’ai préparées concernait la bataille d’Aboukir, que j’ai traitée en étudiant les témoignages de ceux qui l’avaient vécue, mais aussi les raisons pour lesquelles c’était une défaite prévisible. Et l’actualité archéologique des fouilles sur le site. Je fais rarement des incursions dans les thématiques terrestres, sauf en ce qui concerne Desaix. Une communication lors d’un colloque concernait la flottille du Nil, sujet totalement inédit qui n’avait jamais été traité, ni en conférence, ni par la moindre publication. J’avais travaillé exclusivement avec les archives pour cette conférence.

Conférencière en costume, pourriez-vous dire que les gens sont plus réceptifs quand vous êtes en costume plutôt qu’en civil ?

Ah les conférences en costume ! C’est une sorte de signature pour moi. Tout ça est né d’une discussion avec l’administrateur du musée de la Marine de Rochefort en 2017. Quand je lui avais proposé pour plaisanter une conférence sur Fréminville, l’officier de marine qui s’habillait en femme, il avait été très intéressé. Cette année-là, il y avait au musée une exposition qui était par coïncidence en lien avec ma conférence puisqu’elle s’intitulait « l’habit refait l’histoire » et présentait un certain nombre d’uniformes. Je lui avais dit pour rire que je ferais ma prestation en costume. Et il l’avait annoncé !

C’était assez amusant d’ailleurs ; les auditeurs présents avaient été très surpris de me voir en robe 1837 au mois de juillet. On mourait de chaleur et je portais un jupon matelassé, des manches à gigot et une coiffe. Naturellement impossible de m’habiller seule, mais ça avait beaucoup plu. Une de mes amies m’avait servi d’habilleuse et une des salles du musée était devenue ma loge d’un jour.

Naturellement je m’adapte au lieu et à l’organisation ; je propose de faire la conférence en costume, mais c’est ensuite au choix de l’organisateur ; il m’arrive de les faire en civil aussi, selon l’endroit et l’occasion. Ce n’est pas systématique. J’adore faire participer les auditeurs, je m’adresse à eux directement.

Alors oui, le public est plus réceptif et sans doute plus attentif. Et je bouge beaucoup aussi, même avec un corset ! Mais ça ne serait pas arrivé sans cette discussion amicale avec Denis Roland. C’était le complice de mes conférences du musée de Rochefort ; il a depuis quitté ses fonctions au musée, mais il me servait de cadavre-témoin quand je traitais des funérailles de Nelson ou de la mort de Villeneuve. Je me sers de tout ce qui me permet d’accessoiriser, de théâtraliser un peu mes conférences, pour les rendre vivantes et dynamiques. Ca plaît bien et ça évite les communications trop scolaires qui peuvent devenir ennuyeuses. Je ne me prends pas au sérieux. Je traite mon sujet sérieusement, mais je m’amuse ! Le jour où je ne m’amuserai plus, j’arrêterai.

Question mode féminine, vous préférez : le Directoire, le Consulat ou de l’Empire ?

La mode a relativement peu évolué entre, disons 1797 et 1805. Les chapeaux et les coiffures ont eu énormément de changement mais il y en a peu eu dans les robes et les accessoires ; ça se voit surtout dans les détails, la façon de porter le châle, la forme des manches, avec ou sans chérusque, la couleur… la cocarde ! La mode Directoire est très sensuelle et pleine de codes ésotériques. On évite la robe blanche (dite à la victime) et les cheveux courts : ça rappelle trop les chemises et les cheveux coupés des femmes condamnées à la guillotine. Et puis le blanc est une couleur politique. La façon de s’habiller sous le Directoire est codifiée et même réglementée ; il ne faut pas oublier que la mode est un artifice politique. En fait s’habiller sous le Directoire c’est souvent avoir une opinion et l’afficher.

Finalement il est plus simple de s’habiller sous l’Empire. Même si Napoléon n’aimait pas les robes blanches ! On en voit beaucoup sur les tableaux parce que le tissu blanc était très cher et que ça donnait une idée du statut social ; mais les couleurs sont partout, les broderies foisonnent sur les robes, mais pas n’importe comment … pas de broderie anglaise, c’est interdit par décret ! Pas d’indienne, c’est interdit aussi… La mode Consulat, puis Empire est avant tout confortable et pratique : on bouge très bien dans les robes à taille haute même avec un corset dessous.

J’aime bien les deux époques mais je préfère tout de même la mode Empire. D’ailleurs les accessoires se retrouvent aux deux époques : les éventails, les châles, les bijoux… Il faut faire attention à ne pas choisir un dessin ou un motif anachronique. Je suis très attentive aux détails. Ne serait-ce que les dentelles, certaines ne se portent pas du tout sous l’Empire. C’est une amie qui me fait mes robes sur mesure avec le tissu que je lui fournis, et je chine mes accessoires dans des brocantes. Le souci est parfois de trouver la couleur assortie à la robe. J’ai brodé moi-même une de mes robes, avec des paillettes argentées et du fil de soie bleu, avec les motifs de feuille de laurier. Les éventails sont aussi brodés de paillette mais sont authentiques. Pour les bijoux, c’est assez facile, mais il ne faut pas trop en mettre. A vrai dire le plus long reste de lacer le corset. Quant à mes chapeaux je les fais moi-même ! Selon des modèles trouvés d’après les tableaux. C’est long et minutieux…

Je choisis aussi la robe que je vais porter selon la conférence : elle se passe sous le Directoire, je mets une robe Directoire. Sous le Consulat et l’Empire, c’est une robe Empire. Il me faut environ une demi-heure pour me préparer avec une habilleuse complice, mais ça me permet aussi de me préparer mentalement pour la conférence. En général les gens arrivent pendant que je me prépare, la tension monte un peu, mais dès que le chapeau est mis et le châle ajusté, je suis prête.

Comment choisissez-vous les lieux de vos conférences ? Ont-ils tous un lien avec l’époque que vous mettez en scène ?

C’est très variable. Parfois c’est dans le cadre d’un colloque, donc je ne décide rien. Avant le premier confinement j’en donnais régulièrement au musée de la Marine de Rochefort ou à l’ancienne Ecole de médecine navale. Le cadre est superbe. Le lancement du Desaix en Egypte a été fait au château de Fontainebleau il y a tout juste deux ans, lors d’un salon du livre d’art et d’histoire. Comme le Desaix avait été sélectionné par les organisateurs pour concourir pour un prix, à ma grande surprise, on m’avait invitée à donner une conférence au château. Là forcément… j’y étais en costume. Deux mois plus tard j’en donnais une dans le manoir de Veygoux où il avait vécu avant la campagne du Rhin. Le confinement a tout arrêté, j’en ai profité pour avancer mes travaux d’écriture, mais les affaires reprennent comme on dit.

Mes deux dernières conférences ont été données dans un cadre privé, sur réservation uniquement, à cause des contraintes sanitaires, et je dois remercier à la fois les organisateurs de la Société Napoléonienne de Marseille qui m’avaient invitée et Arnaud de Villeneuve qui m’a reçue chez lui au château de Calas pour les conférences. Maintenant les conférences dans les châteaux, je ne vous cache pas que c’est exceptionnel. Et pourtant ! Je vais en redonner une autre au manoir de Veygoux chez Desaix le 20 juin prochain, et une autre le 18 juillet au château de Rimaucourt, qui était la propriété du ministre de la Marine Denis Decrès ; pour cette dernière conférence, j’ai été contactée sur recommandation, les organisateurs de l’événement cherchant quelqu’un pour parler de marine impériale au château de Rimaucourt, dans le cadre des festivités locales organisées pour le bicentenaire. Je suis enchantée de toucher du doigt les lieux où le ministre a vécu.

Le plus souvent les lieux de mes conférences sont chargés d’histoire ; ça donne une ambiance particulière, ça me permet de me plonger dans l’histoire et d’y plonger mes auditeurs. Par exemple, à Strasbourg il y a l’Ancienne Douane qui est un des plus anciens bâtiments de la ville ; il y a les musées de la marine qui ont une place à part avec les anecdotes vécues. Il y a eu le jour où un auditeur a failli en venir aux mains avec un autre parce qu’il me posait une question sur la responsabilité de l’Empereur dans la mort de Villeneuve. Mais mon souvenir le plus marquant est en 2013, au musée de la marine à Paris. Pendant la conférence, une alarme, puis une seconde, puis la troisième. Alerte à la bombe, ce n’était pas un exercice ! On a dû évacuer le musée et les auditeurs présents n’ont jamais eu la conclusion ; je dédicaçais ce jour-là avec un des co-auteurs de la monographie du bateau canonnier, et quelqu’un était sorti avec son exemplaire pour nous le faire dédicacer ; il y avait les démineurs, les gendarmes, les chiens, les gens un peu partout, et nous qui dédicacions sur le capot d’une voiture !

Vous parcourez les bivouacs et autres reconstitutions, pourriez-vous nous évoquer l’ambiance ?

Je ne parcours pas vraiment les bivouacs. Je m’y suis rendue une fois, et je n’y étais pas en costume. On trouve de tout ; des reconstitueurs qui parlent volontiers de leur passion avec les gens qu’ils croisent et d’autres qui n’aiment pas ça et dédaignent un peu les gens. Par contre il m’arrive de donner mes conférences dans le cadre d’événements organisés sur plusieurs jours, où la plupart des gens sont en costume. C’est en général très joyeux et festif.

Lors d’un colloque à Vittel en juillet 2019, il y avait plusieurs reconstitueurs, militaires et civils, qui étaient venus pour mettre une ambiance impériale. Ca plaît beaucoup au public en général. C’est le seul colloque auquel j’ai participé en costume d’ailleurs. Mais je me promenais dans la rue en robe Empire et chapeau, et tout le monde semblait trouver ça normal. Ca facilite les contacts avec le public qui est friand de tout ce qui peut faire appréhender l’histoire en rêvant un peu. Au château de Fontainebleau, après ma conférence, je m’étais promenée dans le château en robe Empire, avec les autres promeneurs qui visitaient l’exposition. J’ai parlé avec plusieurs personnes qui posaient des questions parfois très prosaïques sur la mode Empire et j’ai entendu une petite fille parler de « la princeeeeesssse » à sa mère. C’est toujours enrichissant.

Vous faites partie de la Sabretache et du Souvenir Napoléonien, quel est votre rôle exactement ?

Je ne fais plus partie de la Sabretache depuis environ un an. J’y écrivais des articles, ce que je fais aussi pour le Souvenir napoléonien. Je m’attache en général à faire connaître des aspects ou des personnages moins connus de l’épopée. J’ai donné aussi l’une ou l’autre conférence, invitée par le délégué Alsace du Souvenir Napoléonien. Mais c’est compliqué avec certains délégués quand on n’est pas trop dans leurs petits papiers : même si on est spécialiste d’un sujet, ils vous ignorent ou ils vous invitent sans donner de date ou de précision… et rien ne se fait. Récemment je me suis présentée aux élections pour le renouvellement du Conseil d’Administration avec le projet de changer un certain nombre de choses, mais je n’ai pas été élue.

Quel est votre marin préféré et pourquoi ?

Villeneuve, le mal-aimé de l’Empereur à partir du mois d’août 1805. Il est en réalité très différent de ce que la postérité a retenu de lui. On le voit uniquement comme le vaincu de Trafalgar alors qu’il a fait en réalité beaucoup d’autres choses. Car à ce moment-là il a déjà vingt-sept ans de carrière. Napoléon en a fait un couard et un lâche, un parfait bouc émissaire pour une défaite dont lui, l’Empereur, est en grande partie responsable. Beaucoup d’historiens se sont engouffrés dans la brèche… en considérant le Mémorial et les Mémoires de l’Empereur comme des sources objectives. Si l’Empereur le dit, c’est forcément vrai. Malheur aux vaincus ! C’est un peu le symbole et oserais-je dire, le porte-parole de ces marins mal-aimés. J’ai une histoire particulière avec lui depuis que j’étudie la marine impériale. C’est l’un des premiers officiers généraux dont j’ai rencontré l’écriture en lisant son rapport sur Trafalgar au S.H.D. On l’a pris pour un défaitiste quand il n’était que lucide, mais personne n’a écouté Cassandre au moment de la guerre de Troie.

Question impératrice : plutôt Joséphine ou Marie-Louise ?

Joséphine !

Quelle valeur vous correspond le plus ?

À égalité, le courage et la loyauté. La trahison est pour moi le pire des crimes. Et pour le courage, pas seulement le courage physique, mais celui qu’il faut parfois pour surmonter une situation, des obstacles qu’on pense insurmontables. Pour se battre pour sa santé, pour surmonter la peur. Je n’ai aucune considération pour les lâches. Quand je relis les archives, je m’aperçois souvent que tous ces hommes qui ont combattu pour l’Empereur n’avaient pas peur de se battre. Ils étaient des guerriers, la mort était un risque assumé, la peur n’avait pas sa place. Pour beaucoup le déshonneur était pire. Ils marchaient debout, ils mouraient debout, et même morts, ils sont encore debout !

A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.

Nos autres sites : REVUE

Relecture et mise en page Ph.P et S.P.

 

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #Marine Nationale - Femmes - Marine marchande, #Repères Consulat et 1er Empire, #portrait du jour criminocorpus
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