Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

Nouveau portrait du jour Thierry Choffat

Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Thierry Choffat

Bienvenue Thierry sur le très discret et prisé Culture et justice.

 

C'est notre amie Valérie Valeix, l'abeille criminelle préférée de Culture et justice qui réalise l'interwiew de Thierry Choffat.

Thierry Choffat, auteur de nombreux ouvrages sur l’Empire a plus d’une corde à son arc, jugez plutôt : politologue, maître de conférences, président des Vosges Napoléoniennes. Il nous en parle pour Culture et Justice.

"Bonjour Thierry, vous ne manquez pas de fonctions, quel est leur lien ?

Il n’y a pas obligatoirement un lien entre toutes mes activités. Non pas que je sois schizophrène (quoi que, on ne sait jamais !), mais parce que j’ai plusieurs passions en parallèle, et notamment l’histoire et la science politique. Professionnellement, ce sera donc le droit et la science politique que j’enseigne à l’Université de Lorraine. Une partie de mes recherches portera donc sur ce thème, sur des analyses électorales, sur l’organisation des partis, sur la sociologie politique, sur le syndicalisme. A côté, je garde l’histoire, et notamment les épopées napoléoniennes (entre la Révolution et la fin du Second Empire) comme une passion et absolument pas comme un métier.

Par ailleurs, j’aime bien m’investir et j’ai toujours du mal à refuser les différentes sollicitations d’amis qui me demandent des conférences, des articles, ou d’assumer des fonctions associatives. Je ne suis guère attaché aux titres ; en revanche, j’aime bien agir et rendre service ou animer.

Enfin, je parviens un peu à assurer le lien entre la science politique et l’histoire napoléonienne en m’étant spécialisé dans le courant bonapartiste, l’évolution des mouvements, des idées et des parlementaires fidèles à la IVe dynastie après 1870. C’est pour cette raison pour laquelle j’ai fondé le Centre d’Études et de Recherches sur le Bonapartisme (CERB) qui encourage la recherche sur cette thématique.

Pourquoi Napoléon plutôt que Louis XV ou le méconnu Louis- Philippe ?

C’est une passion qui est venue très tôt, dès l’enfance. J’ai surtout été impressionné par l’ampleur de l’œuvre civile du Consulat et de l’Empire, le code civil, les préfets, le baccalauréat, le lycée, la Légion d‘honneur, le cadastre, le code pénal, l’université, la Cour des Comptes, le Conseil d’État… Tout cela sur une durée courte, l’équivalent de deux septennats, avec des institutions encore visibles aujourd’hui. Et puis je suis ensuite venu à l’épopée militaire, notamment par les voyages sur les sites, l’étude des campagnes militaires, et enfin le Second Empire, et en particulier ses aspects économiques, politiques et sociaux.

La passion arrive souvent « par hasard ». Elle s’entretient ensuite par la lecture, les voyages, les échanges, les associations (j’ai adhéré au Souvenir napoléonien quand je n’avais que 15 ans), la pratique de la reconstitution (je suis artilleur à pied de la garde impériale et mameluck)

Vous êtes spécialisé dans l’étude des syndicalismes et les courants d’extrême droite et d’extrême gauche, avez-vous trouvé des points communs ?

Nous sommes bien loin de Napoléon. En science politique, je me suis surtout intéressé aux « petits partis » ou à ceux qui sont « hors système » ou encore au militantisme sous toutes ses formes. J’ai ainsi fait mon mémoire de DEA (désormais le master 2) sur Lutte ouvrière, et ma thèse de doctorat sur les militants du Front national. A l’université, outre mes cours « classiques » devant des étudiants de la première année de droit au Master 2, je participe à la formation des dirigeants et des responsables syndicaux de tout le Grand Est. L’extrême gauche trotskyste ou anarchiste est parfois impliquée dans les syndicats ouvriers. C’est beaucoup plus rare au Rassemblement national, même si c’est peut-être de plus en plus le cas.

Avec Sophie Jablonski précédemment interviewée, vous avez été élu au Conseil d’administration du Souvenir Napoléonien, Quelle est la première chose que vous aimeriez changer ou améliorer ?

En fait, je suis élu au conseil d’administration du SN depuis 1998. Il y aurait beaucoup à améliorer. Mon souhait serait surtout que le SN soit plus ouvert aux jeunes, au grand public. L’association doit être un vecteur de la passion napoléonienne et doit savoir sortir de ses cadres traditionnels. On sent très bien que Napoléon reste très populaire. Je le vois bien avec mes étudiants ou avec les élèves du primaire auprès de qui nous intervenons avec les Vosges napoléoniennes. Ils sont à la recherche de connaissances vivantes sur cette période. Il faut savoir s’adapter et aller à la rencontre de tous, reconstitueurs, figurinistes, jeunes

Il faut communiquer, expliquer, participer à l’histoire vivante par le biais des bivouacs, des reconstitutions, il faut utiliser les moyens modernes, aller à la rencontre des jeunes.

Vous êtes à la tête de 12 ouvrages parmi lesquels deux biographies « Michel Ney le Brave des Braves » et « Antoine Drouot le Sage de la Grande Armée » publiées chez Vent d’Est ; envisagez-vous l’écriture d’un troisième bio consacrée à un autre personnage de cette époque ?

J’ai toujours des idées d’ouvrages ou d’articles. Là, j’achève une histoire de l’armée française avec Dimitri Casali et Eric Teyssier. Je suis chargé de la période 1643-1870. J’ai ensuite deux ouvrages en gestation, l’un avec Gérard Tissot-Robbe avec qui j’avais déjà écrit plusieurs ouvrages sur Napoléon et la Franche-Comté, l’autre avec Marin Menzin.

Quant aux biographies, j’avais commencé celle du maréchal Moncey, premier inspecteur général de la gendarmerie impériale et préparé celle du général Lasalle. Comme un livre vient de sortir sur Moncey, je range mes archives.

Qu’avez-vous pensé des polémiques au sujet du bicentenaire de Napoléon ?

On avait déjà connu de telles attaques en 2005 au moment du bicentenaire d’Austerlitz. Ces polémiques viennent d’une infime minorité. Malheureusement, beaucoup trop de responsables politiques manquent de courage et n’osent pas dénoncer ces critiques. Il est normal de s’interroger, de débattre. Il est utile d’échanger, de discuter, mais il ne faut jamais oublier d’étudier l’histoire objectivement et pas avec nos yeux de 2021. Il faut toujours se replonger dans le contexte. Il n’est pas question de légitimer l’esclavage par exemple mais Napoléon n’était pas esclavagiste. Quant au « rétablissement » de 1802, il faut en saisir les conditions. Thierry Lentz et Pierre Branda l’avaient fort bien expliqué voici quinze ans. N’oublions pas la suppression du servage par Napoléon à Malte puis en Pologne par exemple, sans oublier la suppression de la traite des Noirs lors du retour de l’Ile d’Elbe. Bref, acceptons le débat serein, mais ni les vaines polémiques, ni la dénaturation de Napoléon à des fins politiques.

Les Français sont férus des procès anachroniques, Napoléon n’y a pas échappé, qu’auriez-vous envie de répondre à quelqu’un qui lui reprocherait d’avoir fait tuer trop d’hommes durant les guerres de l’Empire ?

Je répondrai comme à la question précédente. Il faut savoir quitter notre époque et étudier sereinement l’histoire, objectivement. Bien évidemment on ne peut que déplorer la mort de jeunes gens dans une guerre, mais j’ajouterais deux remarques :

  1. Les guerres de la Révolution et de l’Empire sont essentiellement des guerres défensives pour riposter aux attaques des monarchies coalisées. Je vous surprendrai peut-être mais on peut considérer que Napoléon était un pacifiste, toujours soucieux de conclure la paix continentale.

  2. Il y a plus de morts (autour de 19 millions dans le monde et 1,7 million en France) en quatre ans de Première guerre mondiale qu’en vingt cinq années de guerres de la Révolution et de l’Empire. On critique Napoléon, qui par définition n’est pas l’initiateur de ces campagnes commençant en 1791, mais on ne blâme nullement les responsables de la guerre de 1914-1918 ou ceux de la guerre suivante.

Êtes-vous lecteur et quel est votre genre préféré ? Au passage merci de vos deux chroniques pour mes ouvrages.

Comme vous pouvez l’imaginer, je suis un lecteur assidu, et ce depuis mon adolescence. Autre évidence, je lis beaucoup de livres d’histoire, sur la Révolution et les deux Empires, mais pas seulement. Je m’intéresse par exemple à la Résistance, aux ouvrages régionaux (la Franche Comté et la Lorraine), sans oublier la science politique, le droit ou l’actualité. Je lis un peu de tout en fait, surtout des documentaires, des biographies, mais aussi des romans, pas mal de vieilles brochures ou de livres anciens

Quelle a été votre plus belle rencontre dans le milieu des historiens ?

Je ne conçois pas l’étude ou l’assouvissement d’une passion sans échanges. J’ai eu beaucoup de chances de rencontrer de multiples historiens. Établir une liste exclurait par nature trop d’amis. Ce serait donc délicat. David Chanteranne est à mon sens l’un des meilleurs historiens napoléoniens de notre temps. Écouter ses conférences est un véritable plaisir. Je pourrais aussi citer Dimitri Casali pour sa pédagogie et son envie de faire aimer l’histoire de France aux jeunes. D’autres sont prêts à assurer la relève. Je pense par exemple à Marin Menzin, secrétaire général des Vosges napoléoniennes, qui dès l’an prochain, devrait amorcer sa thèse sur le Grand maréchal Duroc. Ceci dit, mes plus belles rencontres dans le monde napoléonien ne sont peut-être pas avec ce qu’on pourrait appeler des « historiens » de formation ou de métier mais avec de multiples passionnés qui, quotidiennement recherchent, vivent et partagent. Si vous me le permettez, j’en citerai deux. Chronologiquement, Gérard Tissot-Robbe, paysan dans le Haut-Doubs qui a publié, avec moi ou avec d’autres, plusieurs ouvrages, dont le dernier sur l’armée de Bourbaki qui en 1871 passe en Suisse pour échapper aux Prussiens. Et puis ma plus belle rencontre est celle avec Simon Doillon, qui depuis 2001 organise des voyages sur les sites napoléoniens. Avec lui, j’ai eu la chance d’aller à Austerlitz, la Bérézina, Rivoli, Eylau, Iéna, Arcole, Waterloo, Essling, La Moskova, Maloïaroslavets, Vilnius, Marengo, Friedland, l’ile d’Elbe… Simon n’est peut-être pas un historien mais il permet aux passionnés d’aller sur place, de découvrir les monuments, les champs de bataille, les itinéraires impériaux… C’est indispensable. Et ceux qui ont vécu nos voyages savent que l’ambiance extraordinaire qui y règne permet de sublimer notre passion et de nouer de réels liens d’amitié.

Quelle valeur est à vos yeux la plus importante ?

J’hésiterais entre la loyauté et l’honnêteté... Mais en un sens, n’est-ce pas un peu la même chose ?

Et votre chanson favorite ?

Là, je risque de vous étonner. Je pourrais vous répondre le « Chant du départ » ou la « Chanson de l’oignon »... Et non ! J’écoute essentiellement du hard rock ou du heavy métal depuis ma jeunesse. Alors pour rester français, je vous répondrais « Antisocial » de Trust

Merci Thierry Choffat."

 

A propos du site : Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice.

Nos autres sites : REVUE

Relecture et mise en page Ph.P et S.P.

 

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #portrait du jour criminocorpus
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :