Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

Le grand prix de littérature policière est un prix littéraire fondé en 1948 par le critique et romancier Maurice-Bernard Endrèbe et destiné à récompenser les meilleurs romans policiers français et étrangers publiés dans l'année1. Le jury est composé de dix personnalités du monde des lettres.

 

 

Sandrine Cohen est comédienne, scénariste, réalisatrice. Elle a écrit et réalisé de nombreux courts-métrages, documentaires et un téléfilm pour France 3, le Goût du partage. Elle écrit comme elle respire et tout est prétexte à raconter des histoires. Rosine est son premier roman publié aux éditions du Caïman. Le premier roman d’une série : Un criminel ordinaire, les enquêtes de Clélia. Elle écrit également un livre témoignage avec Priscille Deborah, la première femme bionique de France, qui sera publié chez Albin Michel. Parallèlement, elle continue ses activités d’images.

www.sandrinecohen.com

 

Comme un bonheur n'arrive jamais seul, et , pour son 347ème Portrait du jour – Criminocorpus  le carnet reçoit Sandrine Cohen.

Sandrine Cohen est comédienne, scénariste, réalisatrice. Elle a écrit et réalisé de nombreux courts-métrages, documentaires et un téléfilm pour France 3, le Goût du partage . Elle écrit comme elle respire et tout est prétexte à raconter des histoires. Rosine est son premier roman publié aux éditions du Caïman. Parallèlement, elle continue ses activités d’images. www.sandrinecohen.com

C’est notre ami  Yves Carchon, “le romancier séducteur du Lauragais” qui a procédé à l’interview de Sandrine  pour le blog Criminocorpus.

Bienvenue Sandrine sur le blog  des “aficionados du crime”. Ph. P

Portrait de Sandrine Cohen par  Olivier Allard.

Dernière modification le 22 mai 2020 à 18 heures 30'

Yes Carchon, auteur de polars publiés aux éditions CAIRN https://criminocorpus.hypotheses.org/tag/yves-carchon[/caption]

"Bonjour Sandrine Cohen ! Je suis ravi de vous accueillir sur Criminocorpus et vous remercie d’avoir accepté mon invitation.

Avec plaisir, c’est moi qui vous remercie.

Pour commencer, pouvez-vous, si vous le voulez bien, nous parler brièvement de votre parcours ?

J’ai un parcours atypique, j’ai fait une école de commerce, pour faire plaisir à mes parents, et puis un DESS de management culturel. J’ai ensuite été assistante d’exposition dans l’art contemporain, à la Galerie Nationale du Jeu de Paume et puis, la création m’a rattrapée, mon désir d’être comédienne. Je suis devenue comédienne. Je me suis mise à écrire. L’écriture m’a emmenée à la réalisation de fiction, un ami m’a proposé de faire du documentaire. J’ai écrit des séries qui ne se sont pas faites et je suis passée au roman. Mais en fait j’ai toujours écrit, des poèmes, des formes courtes, des scénarios, des nouvelles, et maintenant des romans, j’écris comme je respire.

Comment devient-on comédienne ?

Pour ma part c’était un rêve d’enfants non réalisé, mais ma sœur qui est réalisatrice et surtout metteuse en scène maintenant s’en souvenait. Elle m’a proposé de jouer dans son premier court métrage. Ça a été un déclic. J’ai pris des cours et je me suis lancée.

Y-a-t-il un lien entre votre travail de réalisatrice de fiction et le travail littéraire, notamment avec le genre polar ?

En fait, il y a d’abord un lien avec la réalisation de documentaire. J’ai réalisé trois documentaires sur des « criminels ordinaires », je les ai appelés comme ça, des plongées en apnée dans la psyché de ces criminels et le monde de la justice. J’ai découvert qu’en France, il y a un métier qui s’appelle enquêteur de personnalité. Ce sont des gens, diligentés par le juge d’instruction, qui font une enquête dite de personnalité. Ils font ce que les avocats dans le droit anglo-saxon font très bien, de la criminologie et de la victimologie puisqu’ils doivent non pas prouver l’innocence ou la culpabilité de leur client mais infléchir le verdict. En France, il y a la présomption d’innocence, et donc on cherche les preuves. La fonction de l’enquêteur de personnalité est sous employée. Alors que juger c’est comprendre. J’ai eu envie de créer une série de fictions, un criminel ordinaire, dont l’héroïne, Clélia est enquêtrice de personnalité et qui enquête non pas sur le qui mais sur le pourquoi. Pourquoi, un homme, une femme ordinaire bascule un jour dans le crime et devient un criminel ordinaire. Il faut savoir que 85% des crimes sont des crimes de proximité, des crimes de faits divers, vous, votre voisin. Un criminel ordinaire parle de ça. 

Avant de parler de Rosine, une criminelle ordinaire, pourriez-vous nous dire comment un ou une criminelle peut être ordinaire ?

Ce que j’appelle un ou une criminel ordinaire, ce sont donc des hommes et des femmes comme tout le monde, comme vous et moi qui à un moment donné basculent et commettent un crime. Ils n’en commettront pas deux, ils en commettent un. En général quelqu’un qu’ils connaissent. Ils sont donc « ordinaire » c’est leur geste qui ne l’est pas. J’essaye de comprendre comment ils ont pu en arriver là. Qu’est-ce qui fait qu’un jour, le passage à l’acte est possible. Car qui n’a pas un jour rêvé de tuer quelqu’un ? Simplement la plupart d’entre nous, heureusement ne le fait pas.

Je pense que la frontière est mince entre « eux » et nous. C’est pour ça que je les appelle des criminels ordinaires aussi.

Venons-en à votre polar. Dans Rosine,une criminelle ordinaire , le monde est vraiment très noir. D’où vous vient cette inspiration ?

Je ne me rends pas compte que c’est noir à ce point. Je dois être spéciale. Pourtant dans la vie, je ne suis pas très noire.

En tout cas l’inspiration de Rosine est multiple évidemment mais la genèse de la genèse est très ancienne.

J’avais neuf ans, j’étais en CM2 et mon institutrice, je m’en souviens Mademoiselle Maillard, nous faisait faire un atelier peinture. Elle avait recouvert les pupitres de papiers journaux. Comme à l’époque je lisais tout ce qui me passait sous les yeux, je suis avant tout une grande lectrice, j’ai lu un article, quelques lignes qui racontaient comment une femme avait tué ses deux filles dans son bain, elle leur avait donné des somnifères. C’était donc prémédité, contrairement à Rosine. Je me souviens, ça m’avait tellement marquée. Je m’étais dit : « Alors on n’est jamais à l’abri nulle part ? Même pas à la maison. »

Quand j’ai pensé à écrire un criminel ordinaire, Rosine qui tue donc ses deux filles, elle les noie, dans un acte pulsionnel, une décharge, s’est imposé comme ma première criminelle ordinaire comme si j’avais voulu comprendre cette femme du journal.

Toute la partie de la justice est inspirée, mais de manière très réaliste je l’espère, de mes documentaires et notamment de Meurtre devant un club échangiste  qui est un film de justice. Pierre Denier, l’avocat général de cette affaire m’a dit cette phrase qui m’a marquée à vie et que Clélia, mon porte-parole en quelque sorte défend : « Juger, c’est comprendre. »

J’en profite pour remercier mon ami Fabrice Gardel qui m’a permis de réaliser ses films et qui sans le savoir a été à la base de cette aventure et de mon premier roman.

Clélia, elle, est une héroïne au sens strict, elle est un peu de moi, évidemment et beaucoup d’elle-même. J’avais envie d’un personnage féminin fort, puissant, avec ses fêlures et ses plaies béantes mais profondément attachante car entière, passionnée, engagée. Qui a une grille de lecture personnelle. Elle croit à la justice et non pas au droit, elle est capable de pardonner un crime même si le criminel se sert de son acte pour « réparer » quelque chose. Elle ne pardonne pas le calcul, la politique ou la perversion. Elle est très singulière. Elle est ambivalente. Elle a évidemment dans son histoire des choses qui pourraient la faire basculer elle aussi. Elle raconte que la frontière est ténue.

Et pour l’histoire de Rosine elle-même qui est une histoire de famille, les Atrides m’ont toujours fascinée et cela reste une source d’inspiration pour la littérature tout entière.

Pouvez-vous nous parler de Rosine ?

Rosine est une mère, une femme, une amie parfaite. Elle travaille dans une PMI. Elle aime les enfants. Elle est gaie, souriante, aidante, elle est de ceux dont on se dit que tout va bien, tout ira toujours bien. Elle est divorcée, elle a deux filles, Manon et Chloé, et un nouveau petit ami. Mais un jour, elle tue ses deux filles. Elle les noie. Elle culpabilise, elle pense qu’elle est un monstre. Elle ne sait pas pourquoi elle a fait ça. En fait elle a été « traversée », mue par autre chose. C’est cette chose que Célia va chercher.

On croirait volontiers que votre roman est inspiré d’un fait divers. Est-ce vrai ? Sinon, comment une telle histoire vous est venue ?

Effectivement donc, il a donc été inspiré par le fait divers du papier journal de mon pupitre d’écolière. Mais que le point de départ.

Après, tout le reste est tout droit sortie de mon imagination.

Je ne parle pas plus des thèmes que j’aborde et qui me passionnent pour ne rien dévoiler de l’histoire. Car même si on ne cherche pas le qui, il y a un suspens. J’espère que les lecteurs se demanderont en même temps que Clélia pourquoi ? Qu’est-ce qui s’est passé dans la vie de Rosine pour expliquer son passage à l’acte ? J’espère qu’ils voudront savoir. Jusqu’au bout. Avec un changement de suspens à la fin.

Et sinon, 85% des crimes sont des crimes de proximité et la majorité de ces crimes, bien en tête sont des infanticides. Ça fait froid dans le dos, c’est la réalité. Vous avez peut-être déjà croisé une mère infanticide sans le savoir.

Et puis, tous les parents, toutes les mères un jour ont éprouvé une violence intérieure, un désir même fugace de meurtre, parce que c’est très difficile d’être mère. Même si c’est un tabou encore aujourd’hui. C’est normal d’avoir envie de « jeter son enfant par la fenêtre » après des heures de cris et de nuits sans sommeil. Ce qui ne l’est pas c’est le passage à l’acte. La pulsion qui le permet.

Je pense aussi que ça vaut la peine de parler de ça, pour qu’il y ait moins de secret. Je crois que la parole peut empêcher le passage à l’acte. Peut-être que Rosine a aussi cette mission : faire parler du plus grand de nos tabous, l’infanticide.

Et puis, le fait divers, c’est le conte de fée pour adulte, le monstre ce n’est pas nous, c’est l’autre, ça permet de se rassurer.

Sans vouloir tout dévoiler, comment résumeriez-vous Rosine, une criminelle ordinaire ?

Je ne peux pas résumer mieux que quand je parle de Rosine elle-même. Rosine est une mère, une femme, une amie parfaite. Un jour, elle tue ses deux filles. Elle les noie. Elle culpabilise, elle dit qu’elle est un monstre. Clélia, enquêtrice de personnalité auprès des tribunaux, n’y croit pas. Il y a forcément quelque chose dans l’histoire de Rosine qui a « permis » ce crime. Avec l’aide de Rosine, Clélia va rechercher quoi ?

Qu’est ce qui explique pourquoi Rosine a pu faire ça ? C’est toute la question.

Tout le reste pour moi déflore trop le roman. Et puis, un résumé de polar où il y a le crime et le criminel, c’est déjà assez rare. Non ?

Rosine est pour moi aussi un roman à « univers ». On ne déflore pas un univers.

[caption id="attachment_130064" align="alignleft" width="300"] Sandrine Cohen, comédienne[/caption]

Quelles étaient vos lectures préférées, quand vous étiez enfant, adolescente ?

Je lisais énormément enfant et adolescente et de tout. Des romans, des contemporains, des classiques, de la poésie et des polars. Ma tante était une lectrice de polar. Elle emmenait une valise de polars pour les vacances et je piochais dedans.

Pour citer des auteurs, j’ai commencé par les Trilby dont Moineau la petite libraire, les comtesse de Ségur et surtout Georges Sand, la petite fadette, la mare au diable. Et puis Jane Eyre et Les hauts de Hurlevent. Cela explique peut-être le coté sulfureux de mon héroïne. Ensuite tous les Alice de la bibliothèque verte, donc une enquêtrice et des enquêtes.

Et puis évidemment Agatha Christie, Stephen King, James Elroy, Le dalhia noir est un livre culte. Mais j’ai aussi La grimace, d’Einrich Böhl. Cabinet portrait de Benoziglio. On achève bien les chevaux d’Horace Mac Coy. Tous les Atom Egoyan qui ont fait de magnifiques films. Et puis le prince des marées un autre genre de polar de Pat Conroy.

Un peu plus tard je suis passé aux théories autours des sérials killers.

J’ai beaucoup, beaucoup lu et de tout.

Avez-vous d'autres passions en dehors du cinéma et du métier de comédienne ? Une facette cachée ?

Ma fille.

C’est vrai, je suis dingue de ma fille que j’ai adoptée quand elle avait quatre mois et qui a maintenant deux ans et demi.

Comme quoi.

Et mon chat, Mila.

Sinon, j’aime les gens, rencontrer des gens. Raconter des histoires quelle que soit la manière. Écrire. J’ai adoré voyager seule aussi et faire des photos, des portraits, j’ai fait une exposition, mais ça, ce n’est plus pour tout de suite.

Quels sont vos derniers coups de cœur littéraires ?

Le dernier fulgurant, un roman d’autofiction écrit dans un style radical : Love me tender  de Constance Debré. Un magnifique livre sur l’amour maternel.

Comme quoi.

Un autre polar sur l’écritoire ou un autre livre à paraître ?

J’ai un livre qui va paraître chez Albin Michel mais dont je ne peux pas encore parler."

Je suis en train de finir un roman noir qui s’appelle Tant qu’il y a de l’amour. Que je ferai lire à mon éditeur.

J’en profite pour le remercier infiniment, Jean-Louis Nogaro  qui est un formidable partenaire. Et ses publications aux éditions du Caïman valent le détour. Il y a un vent de liberté qui règne dans cette maison et je suis très fière d’en faire partie. Je trouve ça super aussi qu’il ne publie que du noir, c’est un vrai choix. Après il y a cinquante nuances de noir. Je plaisante, mais mon roman n’a rien à voir avec celui de Florence Rhodes, ni avec celui d’Éric Calatraba et c’est très bien comme ça.

Il faut aller lire le roman relais du confinement d’ailleurs sur le blog Caïman contre Pangolin qui donne une idée et de la liberté et de la diversité de ses auteurs, puisque c’est un cadavre exquis.

Et puis j’ai plein d’autres histoires qui poussent derrière. Elles ne demandent qu’à être écrites. Pourquoi pas une autre aventure de Clélia qui sait ?

Parfois je me dis que je n’aurai pas assez d’une vie pour tout écrire.

Une dernière question que vous auriez aimé qu’on vous pose ?

 Est-ce que j’ai déjà pensé tué quelqu’un ? Bien sûr, je ne vous donnerai pas la réponse. -Avec un sourire.-

 Merci Sandrine Cohen d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Et longue vie à Rosine, une criminelle ordinaire !"

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #Evènements
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :