Sculptrice avant-gardiste dont la créativité a ébranlé les normes, Camille Claudel évoque l'image mythifiée d'une artiste au destin tragique qu'il convient d'interroger au regard d'une histoire des genres.
En 1886, Camille Claudel a vingt-deux ans. Cette année-là, le 16 juillet, le Courrier de l’art, dans sa "Chronique des artistes", évoque la jeune sculptrice : "Mlle Camille Claudel vient de terminer pour Mme la baronne Nathaniel de Rothschild un buste en bronze d’un caractère tout florentin ; cette œuvre, d’une rare fermeté de modelé, fait grand honneur à la jeune artiste qui s’est formée à sévère école ; elle est élève de M. Auguste Rodin". Trente ans plus tard, pendant la Première Guerre mondiale, Camille Claudel est toujours présente dans la presse, mais cette fois il est question de son internement forcé, dans un asile. Quelle place pour les femmes artistes dans des sociétés misogynes ? Quelle place pour Camille Claude dans l’histoire de l’art ?
Une femme d'exception
Toute jeune, Camille Claudel se découvre une passion pour le modelage. Sa rencontre avec le sculpteur Alfred Boucher est décisive : il l’encourage à rejoindre Paris pour s’inscrire à l’Académie Colarossi, où il enseigne. "Camille Claudel s'inscrit dès le départ, dans le choix de son art, dans une rupture avec les normes de la différence des sexes" note l'historienne Yannick Ripa. En effet, elle explique qu'il y a une division, qu'on appellerait aujourd'hui genrée, dans l'autorisation que la société donne aux artistes, selon leur sexe, pour créer. Alors que le corps masculin et la virilité sont reliés aux matières nobles comme la glaise ou le feu, le corps des femmes est associé aux fluides qui évoquent les menstruations, le liquide amniotique, le lait ; des matières qui renvoient à leur fécondité et maternité potentielle. Les femmes sont donc tirée du côté de la reproduction - plutôt que la création - et du côté de l'eau, comme faire de l'aquarelle.
En 1884, âgée de vingt ans, Camille Claudel intègre ensuite l’atelier d’Auguste Rodin en tant que praticienne, c’est-à-dire qu’elle est chargée d’ébaucher les sculptures que le maître achève. Rodin est déjà un artiste de renom ; Claudel devient sa maîtresse, mais aussi sa muse. Leurs œuvres sont marquées par une émulation créatrice. Cécile Bertran, historienne de l’art et conservatrice du musée Camille Claudel, insiste sur l'influence mutuelle des deux artistes : "Camille Claudel apprend beaucoup dans l'atelier de Rodin en le regardant travailler et en échangeant avec lui, mais Auguste Rodin évolue aussi au contact de Camille Claudel. D'abord parce qu'ils vont travailler ensemble, mais aussi parce qu'on a la sensation qu'il trouve le regard qui va lui permettre d'avoir un retour sur son œuvre et d'évoluer..."
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Camille Claudel, de l'atelier à l'asile - Ép. 2/4 - Histoires de femmes artistes, lutter pour créer
Sculptrice avant-gardiste dont la créativité a ébranlé les normes, Camille Claudel évoque l'image mythifiée d'une artiste au destin tragique qu'il convient d'interroger au regard d'une histoi...
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