Nouveau portrait du jour Serena Davis
Culture et justice développe la rubrique Portrait du jour, ouvre ses pages aux fidèles lecteurs de la page et reçoit avec infiniment de plaisir Serena Davis
Née en 1985 à Dole (39), Serena Davis a déjà publié cinq romans et quinze nouvelles en deux ans. Les prix littéraires qu’elle a obtenus pour ses nouvelles (6 en moins d’un an) sont venus s’ajouter à ses nombreuses distinctions professionnelles et à ses dizaines de médailles sportives, prouvant toute la force de sa différence, une personnalité multiple qui transparaît dans l’éclectisme de ses œuvres, comme des parties d’elle-même. Elle s’apprête à publier trois nouveaux romans : Chat échaudé craint l’eau froide, la suite de la série Les Chats, Les confessions du vagin, une série de sketchs féministes sans tabous et Carnets Intimes des femmes de l’ombre, un recueil de nouvelles sur les « femmes de l’ombre » illustré par un dessinateur de l’étrange.
Bienvenue Serena sur le très discret et prisé Culture et justice
Mary White & Serena Davis : portrait de deux femmes extraordinaires
Par Frédéric Mémin
En plein scandale Orpéa, on ne s’attendait vraiment pas à ça
La vague Alerte à l’Ehpad déferle sur les réseaux.
Instagram, Facebook, LinkedIn, la mère et la fille ont conquis un lectorat qu’elles sont allées chercher elles-mêmes, sur la toile. Le reste du chemin, ce sont les lecteurs qui le font, en publiant leurs chroniques sur les réseaux.
Leurs deux romans écrits à quatre mains sont, pour leurs lecteurs, de véritables « coups de cœur ».
Résumé : À Auxonne, dans le petite Ehpad où travaille Anissa, aide-soignante, les résidents coulent des jours heureux. Mais les comptes sont dans le rouge. Le groupe qui gère l’établissement envoie Alexane, directrice, pour redresser la situation.
Pourtant, pas question pour les papis et mamies de lâcher leur train de vie. Menés par une vieille dame acariâtre et survoltée, ils vont organiser la résistance.
La « guerre des petits vieux » commence.
Dans un récit plein de rebondissements, les auteures livrent, avec beaucoup d’humour, le combat de deux femmes face aux contradictions de notre société.
Ne vous fiez pas aux apparences de légèreté : derrière cette comédie feel-good, a priori, se cache une terrible tragédie familiale, digne d’une lignée d’Atrée.
Pour Frédéric Mémin, auteur du roman policier ADN, succès de la Société des Ecrivains, cette rencontre fut aussi, un véritable « coup de cœur » et une épopée sentimentale digne d’un bon roman.
Après être tombé sur un article parlant de Serena, l’écrivain a mené son enquête pour découvrir l’histoire de cette auteure multifacette, qu’il révèle dans une interview aussi fascinante que terrifiante.
Frédéric : Vous venez de sortir, aux Editions Sudarènes, une comédie bien d’actualité. Est-ce le livre de Victor Castanet qui vous a inspiré l’idée ?
Serena : À vrai dire, pas du tout. Nous ne savions même pas que Les Fossoyeurs allait paraître, ni que ce sujet ferait la Une des médias. Ma coauteure, ou ma maman si vous me l’accordez, est auxiliaire auprès des personnes âgées et je suis responsable du secteur médico-social dans une banque. J’ai même conçu, en 2021, une formation sur les Ehpad. Alors les problématiques de ces Établissements, on les connait quand même un peu ! Lors d’un repas de famille, ma sœur, qui est aide-soignante, nous a raconté quelques anecdotes sur des situations vécues à l’hôpital d’Auxonne. Ma mère et moi avons explosé de rire. C’est là que je me suis dit : ça ne peut pas rester là, il y a des problèmes, certes, mais il se passe aussi de drôles de choses aussi en Ehpad, il y a de la vie et il faut qu’on en parle. Alerte à l’Ehpad est né entre le dessert et le café.
Frédéric : Ce n’est pas le premier livre que vous écrivez avec votre maman, n’est-ce pas ?
Serena : Non, c’est le second.
Frédéric : Quand avez-vous commencé à écrire ?
Serena : En mars 2020, en plein confinement. Je sortais de deux événements difficiles : une lourde opération chirurgicale et une douloureuse rupture conjugale. Seule dans mon appartement parisien, invalide et confinée, j’ai commencé à déprimer. Jusque-là, je menais une vie d’hyperactive, j’étais une femme très occupée. Le travail, le sport, les associations, j’occupais chaque minute de mon temps. Lorsque j’ai mis cette vie sur pause, mes pensées, trop longtemps réprimées, ont commencé à s’exprimer, de façon bizarre ou plutôt : j’ai commencé à les écouter. Mes émotions ont souvent pris le dessus, j’étais paniquée et perdue. Mais il s’est passé quelque chose d’important : pour la première fois, je me suis arrêtée pour m’observer, et ce que j’ai découvert m’a bouleversée. J’avais deux options : mourir dans le mensonge ou vivre dans la vérité.
Frédéric : Et vous avez écrit une comédie.
Serena : (rire.) oui, je ne me suis pas suicidée. Sinon, j’aurais tué quelqu’un.
Frédéric : Lydie !
Serena : Ce n’est pas aussi simple (sourire.). Il a ensuite fallu recomposer tous mes morceaux. Je me suis appuyée sur l’écriture. Pour essayer de me comprendre, quoi de mieux que de décortiquer mes histoires amoureuses ? Les chats retombent toujours sur leurs pattes est une satire inspirée. La narratrice observe sa vie comme si elle n’y était pas. Elle est dans le décor. Elle apprend.
Frédéric : Fascinant. La suite arrive dans quelques semaines, n’est-ce pas ? Qu’est-ce qui change dans le tome suivant ?
Serena : Dans Les chats retombent toujours sur leurs pattes, on se dit que Sabrina n’a pas beaucoup de chance avec les hommes. Dans Chat Échaudé craint l’eau froide, on commence à soupçonner que peut-être, il y a un loup. Et dans Chat perché… (rire.).
Frédéric : On comprend que Sabrina est différente. Comme Alexane, dans Alerte à l’Ehpad, finalement.
Serena : Alexane a une particularité, en effet. Il n’est pas important de savoir laquelle. Dans son histoire, sa particularité est une force. Son atypisme lui donne un autre regard sur la vie et des talents que d’autres personnes n’ont pas. Quand cette différence est comprise, elle devient un atout formidable pour les entreprises. Pour rendre la société inclusive, il faut les mettre en avant, ces héros différents, et pas que dans le sport, dans la vie, partout, tout le temps.
Frédéric : Vous avez pourtant caché votre handicap pendant 20 ans.
Serena : Ne spoilez pas mon œuvre littéraire (sourire.), nous y reviendrons. La triste réalité, c’est que si je ne l’avais pas fait, je n’en serais jamais arrivée où j’en suis aujourd’hui.
Frédéric : On vous aurait collé une étiquette.
Serena : Je l’aurais fait toute seule. L’homme a besoin de modèles, de personnes auxquelles s’identifier. Connaissez-vous beaucoup de personnes différentes qui mises en lumière pour leur carrière réussie (en dehors du sport et des storytelling racontées par l’entreprise pour une question d’image bien sûr…) ?
Frédéric : (souriant.) Vous.
Serena : (rougissant.) Merci.
Frédéric : Si je peux me permettre… On comprend votre histoire, mais comment votre maman, en est-elle venue à écrire ?
Serena : Comme je vous l’ai dit, lorsque j’ai commencé Les chats, j’ai progressivement changé mon regard sur ma vie. Je suis retournée voir mon père à l’hôpital psychiatrique et j’ai repris contact avec ma mère, après des années de distance. Pour la première fois depuis longtemps, nous avons communiqué. C’est là qu’elle m’a dit : « moi aussi, j’ai besoin d’écrire, mais je n'ai pas tes capacités. J’ai trouvé cela très injuste ». L’art n’attend pas le diplôme. Ma mère est une femme fascinante. Elle lit un livre par jour, vous savez. Elle a toujours accordé une grande importance à ce que nous lisions. Chaque dimanche, elle nous emmenait à la bibliothèque.
Frédéric : Telle Livia, dans votre troisième roman.
Serena : Cette saga est inspirée de notre vie. La famille Barroso n’a rien, mais la mère leur donne ce qu’elle a, et le matériel ne fait pas tout. Dans un univers réduit, il reste de la place car l’esprit peut s’évader.
Frédéric : C’est beau !
Serena : Elle a fait ce qu’elle a pu, dans des conditions que je ne souhaite à personne de connaître, et je l’ai toujours admirée. Alors, je lui ai proposé d’écrire ensemble. Les pendules ne sont pas toujours à l’heure est un roman qui traite de la rencontre de deux femmes opposées, rapprochées par un même sujet : la maternité.
Frédéric : Puis, vous avez écrit chacune de votre côté.
Serena : Maman s’est révélée. Elle a raconté son histoire sur l’inceste, Prendre un enfant. Je l’ai corrigé. Et c’était difficile. J’ai eu un flash, un trauma que j’avais enterré a refait surface. J’ai appelé ma mère pour lui raconter, elle a hurlé. Nous nous sommes aperçues que nous vivions nos drames côte à côte, sans jamais en parler. Je sais qu’elle va écrire la suite, traiter de son histoire avec mon père, mais pas tout de suite. Elle n’est pas prête, et je ne le suis pas non plus.
Frédéric : vous faites mention dans le résumé de Psychoses. Votre recueil est vraiment fascinant. Il traite de sujets graves de façon poétique. Ces personnages, ces personnes, ont commis des crimes abominables, mais votre regard est neutre. Il n’y a aucun jugement et ce détachement rend vos personnages encore plus réalistes. On se dit que cela peut arriver à tout moment. C’est effrayant !
J’ai lu votre interview d’Elsa sur le Journal Abrasif. Elsa est votre alter, n’est-ce pas ?
Frédéric : J’ai cette chance de pouvoir dialoguer avec moi. J’ai deux livres de chevet, vous savez : Le livre de l’intranquillité, de Pessoa, et Tu ne t’aimes pas, de Nathalie Sarraute. « Ces flots incessants toujours changeants ne peuvent porter aucun nom… ». Chez moi, ils en portent. Elsa est figée. Elle dissocie beaucoup, mais elle est là. Elle se reconnecte à nous.
Frédéric : Que s’est-il passé avec votre père ?
Serena : Mon père est schizophrène paranoïde. Lorsque j’étais enfant, il était très violent. Puis, un soir de crise, il a poignardé ma mère sous me yeux, comme ça. Notre première article de presse, à ma mère et moi (sourire.).
Frédéric : Comme dans votre roman Nos vies à la dérive, lorsque Clément…
Serena : Chut ! Voyons, ne dévoilez pas l’intrigue aux lecteurs !
Frédéric : Pardon.
Serena : Mon frère et ma sœur, très jeunes, étaient là également. Mais à huit ans, on comprend. Alors, mon cerveau d’enfant a enclenché le mode survie et refusé l’intégration de mes identités. Il a créé des personnages, des rôles, qui sont devenus des personnes évoluant chacune indépendamment. Puis d’autres, à chaque nouveau trauma. L’enfant a développé cette capacité de défense incroyable. J’ai dans ma tête, tout un monde que vous ne pouvez même pas imaginer. Au début, j’en avais peur, mais quand je vois ce qu’on a accompli, je trouve ça magique. Les identités de mes super héros seront consignées plus tard, dans un autre roman. Il me manquait une pièce pour l’écrire, mais je l’ai trouvée. C’est vous qui la détenez et vous me l’avez ramenée. Ce roman, nous allons l’écrire ensemble, vous et moi.
Frédéric : Je relève le challenge !
Serena : Ce n’était pas une question, j’ai vite compris que je pouvais tout vous demander. Pendant que je vous parle, vous êtes observé, on discute (sourire.) Je ne lance pas cet appel au hasard. J’ai beaucoup aimé le héros de votre roman, Quentin Morvan. D’ailleurs, au moment où l’on parle, je pense encore à lui.
Frédéric : (déstabilisé.) Votre histoire est touchante. Je comprends mieux pourquoi vous traitez beaucoup de violence conjugale. Anissa, l’aide-soignante, passe au tribunal pour une affaire avec son ex…
Serena : Oui. Ces sujets sont toujours présents dans nos romans.
Frédéric : Vous en parlez avec humour, légèreté, poésie et détachement.
Serena : Je vous l’ai dit : j’ai choisi la vie !
Frédéric : Merci, Serena, je pourrais passer des heures à vous écouter, mais avec vous, je commence à perdre toute objectivité. Je vous propose de conclure par la lecture d’un extrait de votre roman, histoire de rire un peu. Qu’en dites-vous ?
Serena : Je vais choisir un passage que ma maman a écrit.
« Encore une fois, Anissa est interrompue dans ses pensées par la sonnette de garde. Elle regarde le tableau et dit :
-
Oh non, pas elle, pitié !
La lumière rouge signale un appel de la chambre de Mme Mairet. Cette dame, personne ne l’aime dans l’établissement, ni les soignants, ni les résidents. Elle ne cesse de geindre, de se plaindre, de houspiller toutes les personnes à sa portée. Elle est méchante et acariâtre. Ancienne bourgeoise, elle prend les gens de haut et critique tout le monde. Rien n’est jamais assez bien pour elle. Elle n’est pas malade pourtant, juste vieille. Malheureusement, toutes les personnes âgées ne deviennent pas sympathiques et attendrissantes en prenant de l’âge. Et celle-là est l’image même de la veille « ronchon ». Anissa la soupçonne même d’être un peu raciste.
En traînant les pieds, Anissa se dirige lentement vers la chambre de la vieille dame.
-
Pff ! Allez, courage, se dit-elle en poussant la porte de la chambre 24.
-
Ah ! Quand même, vous avez pris votre temps ! On peut mourir cent fois ici avant que quelqu’un ne vienne !
Ce sont les premiers mots de la vieille dame, pas un « bonjour », rien. Ce n’est d’ailleurs jamais un bon jour pour Mme Mairet.
Allez, qu’est ce qu’elle a cette fois ? se demande Anissa.
-
Il faut que j’aille aux toilettes, ça presse. Et vous savez bien que je ne peux pas le faire toute seule. J’ai failli m’uriner dessus, il était temps que vous arriviez.
Elle est parfaitement capable d’aller aux toilettes seule, mais comme elle n’est pas invalide, elle n’a trouvé que cette solution pour enquiquiner les aides-soignantes. »
Née en 1966 à Dijon (21), Mary White est de ces femmes qui ont « morflé ». Victime d’inceste pendant l’enfance, adolescente négligée, elle a été poignardée par son mari schizophrène à l’âge de 27 ans, échappant de justesse à la mort. Elle a élevé seule ses trois enfants, sacrifiant à sa vie de mère, sa vie de femme. Mais ça, c’était avant ! Aujourd’hui, l’écrivaine est lancée dans une aventure littéraire qui dépasse l’entendement. Elle s’apprête à publier un roman jeunesse complètement innovant : l’Utopie de Mirlitron.
Sur le rédacteur : Né en 1975 à Périgueux (24), Frédéric Mémin a embrassé une carrière dans l’armée de l’Air et de l’Espace, assouvissant une passion de combat. Musicien amateur, pêcheur de carnassiers, mais également fan de criminologie et de littérature, il s’est lancé dans l’écriture de polars, puisant son inspiration dans le Monde moderne. Après ADN, première enquête palpitante de son personnage Quentin Morvan, gendarme de l’IRCGN, l’auteur enfonce le clou avec Le fantôme d’Agathe, une suite surprenante, et surtout prenante, dans laquelle nos croyances millénaires sont remises en question.
Relecture et mise en page Ph.P et S.P.
Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.
A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."
Meurtres au lac du Der : "ADN" le premier roman de Frédéric Memin "
Le militaire Frédéric Mémin, champenois d'adoption, vient de faire paraître son premier polar : A.D.N. Une enquête qui emmène le lecteur dans le secteur du Lac du Der. Ce roman offre à la fo...
Frédéric Memin, militaire et écrivain dans l'âme à Saint-Dizier, publie son premier roman policier
Militaire à la base aérienne 113, Frédéric Mémin a réalisé son rêve de devenir un écrivain publié. Son premier roman policier intitulé " ADN " est édité à compte d'auteur.
Politique éditoriale de la page "Culture et justice" au 19 mars 2022 - Le blog de Philippe Poisson
Le carnet de recherche de Criminocorpus a été créé en 2008 sur la plateforme Hypotheses avec l'objectif de couvrir l'actualité de la recherche en histoire de la justice. Il s'est progressiveme...