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Une rubrique animée par Fatima de Castro  pour Culture et justice

Idée : Un doute raisonnable ?

Argumentaire : présenter mensuellement un fait-divers criminel ancien qui a laissé les contemporains dubitatifs. Soit que l’affaire n’ait jamais abouti ; soit qu’elle ait connu des remises en question tout au long de son déroulement ; soit qu’elle présente des étrangetés permettant par exemple d’opter pour l’accident ou la mort volontaire. Dans tous les cas, le doute doit nimber l’affaire.

But : donner les éléments à l’internaute pour qu’il se fasse sa propre idée et intervienne en donnant son point de vue s’il le souhaite.

 

Hello, lecteur assidu de faits-divers sombres et sanglants. Voici mon article du mois pour le blog. La bise littéraire au petit goût de whisky écossais. Fatima de Castro

« Le tueur du Haut-Var », « le tueur de bergers », « le tueur au calibre 16 », « le démon du maquis »… La presse ne manque pas d’imagination pour baptiser le personnage de Giuseppe Sasia, Italien de 49 ans décrit comme sauvage et incapable d’émotion par Henriette Pélissier, médecin-chef de l’asile de Pierrefeu-du-Var. Pire, cet isolement l’aurait même porté à assimiler l’homme à l’animal, rendant l’un aussi chassable que l’autre, sans état d’âme, sans émotion, tant que l’assassinat rapporte.

C’est en effet son arme, un fusil qu’il portait en bandoulière, qui attira l’attention de deux gendarmes en ce 6 décembre 1934. Lors d’une patrouille le long de la voie ferrée reliant Vidauban à Arcs, ils trouvent en effet étrange cet homme qui s’y promène et ressemble fort au signalement diffusé après plusieurs assassinats commis dans le Var. Le lien entre ces crimes : un tir de chevrotine calibre 16, l’utilisation de munitions identiques, un positionnement à quelques mètres de la victime.

Arrêté, Sasia avoue ; puis se rétracte. Il en aurait tué quatre ; puis deux. Un mobile vieux comme le monde : obtenir de l’argent pour régler ses amendes pour… port d’arme sans permis. Dix mois d’enquête permettent d’établir des liens entre cinq victimes, tuées et dépouillées.

En mars 1934, Adrien Vassal, septuagénaire, est retrouvé mort dans la soirée, tué alors qu’il faisait sa sieste dans son jardin. Le tueur lui vole 50 francs et une montre. En août de la même année, dans un chemin menant au hameau de Villard gît Ferdinand Troin, octogénaire. L’enquête démontre que l’assassin l’attendait : tout près du corps, un affût a été fait dans les buissons, avec fenêtre de tir, et des restes de chiques ont été retrouvés à côté. Le criminel repart avec 10 francs et la provision de pain hebdomadaire de la victime. En octobre, c’est Félicien Rouvier qu’un ami découvre mort dans sa bergerie. Dès cet instant, les portes se fermèrent le soir dans les campagnes et là-haut, sur les sommets, les bergers s’enfermèrent dans les bergeries, relate Le Var du 3 novembre 1935.

Et ils font bien. Encouragé par l’incapacité de la police à mettre la main sur le responsable, l’assassin prend de l’aisance. En novembre, c’est au tour d’un jeune chauffeur routier de 26 ans, Gianni Galliano, de succomber, au préalable piégé. L’argent et ses gants sont emportés par le tueur au fusil. La « signature » du tueur, comme l’on dirait aujourd’hui, fait remonter un dossier vieux de quatre ans : l’assassinat de Joseph Roumo, tué sur le seuil de sa boutique en 1930.

Conscient qu’il risque la peine de mort, Giuseppe Sasia revient sur ses affirmations, comme nous l’avons vu, ne reconnaissant que les assassinats de Rouvier et Galliano. Cependant, les perquisitions menées dans son antre permettent de retrouver différents objets – montres, porte-monnaie, gants - ayant appartenu à six victimes au moins. Face à ces évidences et à l’analyse psychiatrique, le tribunal proclame la peine de mort en novembre 1935. Giuseppe Sasia est exécuté devant la prison de Draguignan le 17 février 1936 à 6h du matin, malgré tous les efforts qu’il fera pour atténuer ce qui lui est reproché. En vain.

Cependant, la question peut se poser. Sasia a reconnu deux des meurtres, pas les autres. Parole d’assassin voulant minimiser sa peine, me direz-vous. Pourquoi pas ? Certes, des objets volés furent retrouvés chez lui, mais la région était alors soumise à quantité de vols, non accompagnés de meurtres pour autant. Nous pouvons imaginer que certains objets provenaient de ces menus larcins favorisés par l’absence d’un propriétaire et une maison facile d’accès. Et que faire du témoignage d’Héloïse André, postière qui effectuait sa tournée au moment de l’assassinat de Troin, sans doute trop vite balayé par un procès voulant mettre un terme à cette mauvaise presse ? Témoin direct du crime, Héloïse ne reconnaît pas Sasia lorsqu’il lui est présenté…

Fatima DE CASTRO

Mars 2023

Sources : Jacques Tefmoulet, « Le tueur du Haut-Var », Police magazine, n°212, 16 décembre 1934 ; Raoul Bérenguier, « Sasia, le dernier brigand du Var », Le Var, 3 novembre 1935 ; article Wikipédia consacré à Giuseppe Sasia.

 

Culture et justice rassemble des informations relatives à l’actualité culturelle sur les questions de justice. Histoires, romans, portraits du jour, salon de livres... Page indépendante sans but lucratif administrée par Philippe Poisson et Camille Lazare, membres de l'association Criminocorpus.

A propos du site : Musée - Histoire de la justice, des crimes et des peines | Criminocorpus propose le premier musée nativement numérique dédié à l’histoire de la justice, des crimes et des peines. Ce musée produit ou accueille des expositions thématiques et des visites de lieux de justice. Ses collections rassemblent une sélection de documents et d’objets constituant des sources particulièrement rares ou peu accessibles pour l’histoire de la justice."

Relecture et mise en page  Ph.P

Tag(s) : #Coup de coeur du jour, #Fait-divers criminel ancien
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