Les Japonais s'emparent de Nankin, capitale provisoire de la République chinoise, gouvernée par Tchang Kaï-chek. La chute de la ville est suivie par de gigantesques massacres de civils (plus de 100.000 victimes)... En savoir plus
Document 2007 - L’invasion de la Chine par le Japon en 1937 est
méconnue en Occident. Pourtant, ce conflit d’une violence équivalant largement aux pires horreurs de la guerre à venir en Europe n’en finit pas d’empoisonner les relations diplomatiques entre
Pékin et Tokyo. Au cœur de cette mêlée, le tristement célèbre « sac de Nankin » : s’emparant de la capitale de la Chine nationaliste en décembre 1937, l’armée du Soleil levant s’y
est livrée six semaines durant à une effroyable orgie de meurtres, de viols et de pillage. Au total elle exécutera 90.000 personnes, selon les bilans les plus fiables, sans parler des
innombrables agressions sexuelles, et du traumatisme psychologique qui ravagera les survivants. Un crime si abominable que l’extrême-droite nippone le niera en bloc, par tous les moyens, des
pseudo-ouvrages scientifiques aux mangas, de l’intimidation des chercheurs et des témoins à la manipulation du gouvernement.
Michaël Prazan, co-auteur avec Adrien Minard d’une remarquable biographie de l’escroc négationniste Roger Garaudy, est allé enquêter en Chine et au Japon sur les circonstances de ce massacre, et la trace qu’il a laissée dans la mémoire nationale de ces deux pays. Il expose tout d’abord le contexte diplomatique et militaire dans lequel interviennent les atrocités nippones, avant de disséquer ces dernières, citant d’abondants et saisissants témoignages tant des bourreaux que des victimes.
Il est vrai qu’à tous points de vue, comme le démontre la troisième partie de l’ouvrage, le dossier reste explosif. En Chine, le sujet a longtemps été rejeté aux oubliettes, d’abord par volonté du régime communiste de se rapprocher du Japon dans les années cinquante, ensuite du fait des troubles sociaux du « Grand Bond en Avant » et de la « Révolution culturelle », enfin pour cause d’accent mis par Pékin sur le nécessaire redressement économique du pays. Nankin, à ce titre, ne devient une arme de propagande qu’à partir des années 80, contre ce Japon redevenu si dangereux sur l’échiquier politique et économique de l’Asie. L’archipel nippon, pour sa part, est déchiré entre volonté d’affronter son passé et désir de fermer les yeux.
Le livre tient à la fois du livre d’Histoire et de l’investigation journalistique de haut niveau. Sans complaisance, Michaël Prazan ne nous décrit rien moins que l’affrontement de deux mémoires antagonistes d’un événement clef de l’histoire asiatique.
Nicolas Bernard
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Titre : Le massacre de
Nankin. Entre mémoire, oubli et négation
Auteur : Michaël Prazan
Éditeur : Editions Denoël
Collection : Médiations
Nombre de pages : 304
Publication : octobre 2007
Document 2007 - Soixante-dix ans après l’atroce massacre de Nankin, qui selon les estimations les plus
récentes aboutira à la mort d’une centaine de milliers de personnes, les éditeurs français semblent avoir cherché à commémorer l’événement, l’une des tragédies fondatrices du XXe siècle. A la
suite de la parution de L’armée de l’Empereur, de Jean-Louis Margolin, chez Armand Colin, et de Le massacre de Nankin, de Michael Prazan (éditions Denoël), c’est au tour de
Payot d’avoir l’heureuse idée de traduire en français le travail pionnier d’Iris Chang, Le viol de Nankin, dix ans après sa publication aux États-Unis.
Cette jeune journaliste américaine a 29 ans lorsqu’elle achève enfin cette vaste enquête qui la conduira en Chine, au Japon et en Allemagne, à la recherche des témoignages et des pièces documentaires nécessaires à sa volonté de comprendre ce qu’avait pu représenter pour les Chinois, dont elle était issue, ce véritable « viol collectif » : viol des femmes, par milliers, mais aussi viol de la Chine elle-même, puisque Nankin était sa capitale de l’époque, l’une des villes les plus peuplées, prospères et esthétiques du pays, et n’en sera pas moins mise à sac par les troupes de l’Empire du Soleil levant au cours de six semaines d’horreurs.
L’ouvrage a toutes les qualités du journalisme d’investigation : style narratif dynamique mais dépourvu d’effet romanesque, utilisation pertinente des sources les plus variées, autant d’éléments propres à captiver le lecteur sur un sujet longtemps oublié en Occident. Elle ramène à la surface la figure méconnue du « bon nazi de Nankin », John Rabe, membre du N.S.D.A.P. de la communauté allemande locale mais qui s’acharnera à vouloir sauver de nombreux Chinois de l’extermination.
Certes, quelques affirmations d’Iris Chang ont pu prêter à discussion. D’une part, son bilan mortuaire a été depuis révisé - mais il est vrai qu’elle se basait alors sur les seules pièces accessibles, et la recherche historique a, depuis, progressé. D’autre part, elle a accusé à tort le Japon de nier en bloc le massacre, car en vérité plusieurs historiens nippons avaient eu l’occasion, dès les années soixante-dix, d’étudier la question - mais il est non moins établi que le négationnisme demeure vivace dans l’archipel, et s’avère plus ou moins entretenu par le gouvernement. Enfin, il a été reproche à Iris Chang de qualifier le crime de génocide, faisant ainsi un usage immodéré du concept, mais le grief est infondé. Son ambition est de raconter six semaines de meurtres et de viols, pas de sombrer dans la polémique.
Hormis ces lacunes - dont la portée doit être relativisée, n’en déplaise aux critiques les plus sévères d’Iris Chang - le livre constitue à n’en pas douter un passage obligé pour mieux connaître cette page sanglante de l’Histoire chinoise, cet Oradour à l’échelle d’une capitale assassinée, souillée. De quoi mieux comprendre, plus que jamais, l’actuelle animosité mémorielle sino-nippone. De quoi rendre hommage à Iris Chang, morte prématurément à 36 ans, en 2004, après avoir accompli son propre devoir de mémoire.
Nicolas Bernard
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Titre : Le viol de Nankin. 1937 : un des plus grands
massacres du XXe siècle
Auteur : Iris Chang
Éditeur : Editions Payot
Nombre de pages : 384
Publication : octobre 2007
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