15 .
Parcours d'un condamné définitif au bagne colonial - « Nous sommes en 1928. Sous le ciel bas qui rend la mer grise comme les murailles du fort de Ré, comme les tenues de bure de la chiourme qui va embarquer, la sirène
du La Martinière mugit lugubrement à plusieurs reprises. Les chalands se pressent contre le navire ; les forçats montent maladroitement les
échelles mises en place par les marins le long de la coque, puis, sous le contrôle des surveillants militaires1, descendant dans les « bagnes2 ». Les cages
pleines, les grilles sont fermées et, après les derniers préparatifs qui paraissent interminables, le navire lève l'ancre et s'engage dans l'Atlantique.
Au début du voyage, selon un cérémonial bien réglé,
le commandant et le second du bord, accompagnés du surveillant principal3, descendant
inspecter les « bagnes ». Un matelot ouvre une cage, les bagnards sont alignés sur deux rangs au garde-à-vous. Le principal lit le règlement du bord : « Tolérance de parler
pendant le jour. La nuit, silence absolu. Tout acte d'indiscipline sera puni des fers à fond de cale. Rompez ».
Le marin referme les cages et donne les clés au surveillant principal. Les forçats se dispersent dans le « bagne », essayant de s'installer dans le maigre espace qui leur est alloué. Cette population de réprouvés, murés dans leur haine et leur égoïsme, est incapable de solidarité et de cohésion. Quand au sens moral, il y a longtemps qu'ils l'ont oublié, s'ils l'ont jamais connu. Venus de toutes les régions de France, issus de milieux sociaux différents, condamnés à des peines inégales pour des crimes ayant des mobiles encore plus différents, ils se méfient d'instinct les uns des autres, s'épient, ne dorment que d'un œil sur leur maigre bagage. Tout leur paraît hostile ; ils s'observent, ébauchent une conversation, cherchant les copains possibles, l'amant éventuel à qui on pourra peut-être se confier. Des petits groupes se forment le temps de la traversé, des couples aussi ...4 »
1 Les surveillants militaires des bagnes coloniaux
Sources

Les quais de quelques ports français résonnaient régulièrement des fers qui entravaient la marche des condamnés, et les cales du Martinière donnaient un avant-goût de l'enfer qui attendait là-bas, de l'autre côté de l'océan. Les auteurs ont retrouvé des témoins parmi le personnel navigant, et leurs récits et photos donnent un éclairage passionnant sur cette prison flottante. Parfois anecdotiques, toujours hauts en couleurs, les témoignages nous ramènent à l'époque de Papillon et de Chéri Bibi.
Franck Sénateur, enseignant et historien du système pénitentiaire français, a été le maître d'œuvre du livre. Il s'est appuyé sur de nombreux documents et témoignages ; Paul Mauro, patron pêcheur à Piriac, a 14 ans quand il est embarqué comme mousse, en 1935, sur le navire et fait de nombreux voyages de France en Guyane et dans les Antilles.
Passionné d'histoire maritime, Bernard Cognaud a été bercé dès son plus jeune âge dans le milieu maritime : un grand-père patron pêcheur, un oncle capitaine cap-hornier et un autre navigant sur le Martinière. Il raconte la vie du dernier bateau bagne jusqu'à sa fin sous le chalumeau du démolisseur.
En mars 1955, l'épave du Martinière vient s'amarrer au quai à charbon du bassin de Penhoët à Saint-Nazaire, pour y être démolie.
1981 - Quelques dizaines d'anciens bagnards vivent
encore à Cayenne. Les plus jeunes ont 75 ans. Ils ont tous été recensés par Jean-Claude Michelot, qui a recueilli leurs ultimes témoignages. Leurs récits éclairent d'une lumière dramatique ce
livre qui est aussi l'histoire de la naissance, de la décadence et de la mort d'une utopie.
Pendant près d'un siècle de conflits, d'intrigues et de " faits divers ", le bagne de Guyane, en effet, a cherché sa voie
entre les contraintes barbares du " goulag " et les nobles aspirations des théoriciens de la délinquance et de la substitution des peines. Juristes et truands y ont inextricablement mêlé leurs
itinéraires. Au moment de l'abolition de la peine de mort, cette chronique cruelle et rocambolesque est aussi un livre d'actualité.
Jean-Claude Michelot : journaliste, chef des services de FR3 Guyane, a commencé sa carrière à Radio Monte-Carlo. Pour
France Inter, puis FR3, il a été en poste à Tahiti, Djibouti, Mayotte, Wallis et Futuna. Date de Parution : 12/11/1981 -
Collection : Documents - Nombre de pages : 372
Collection privée de cartes postale de Philippe POISSON - La Rochelle - Saint-Martin-de- Ré - Embarquement de forçats - navires de transport, Le La Martinière etc.
Poisson (Philippe) | Criminocorpus. Le portail sur l'histoire de la ...
15 Parcours d'un condamné définitif au bagne colonial - Document à usage pédagogique uniquement. PP.
L'enfer du bagne exerce encore une fascination troublante. Les premières années de
l'implantation des colonies pénitentiaires en Guyane étaient encore très mal connues. Le livre comble cette lacune historiographique, en retraçant la vie quotidienne des condamnés.Les archives
révèlent un monde étrange, fait de désespoir et de brimade, mais aussi, plus surprenant, de rires et de rêves. Dreyfus, Papillon, Rousseng sont entrés dans la légende. L'histoire rappelle ici
d'autres visages au passé troublant : Gaston Lacorne, Francis Lagrange, Marie Bartête ou Charles de Rudio qui tenta d'assassiner Napoléon III. On revit avec eux l'absurdité de l'administration
pénitentiaire, la brutalité des surveillants brutaux, les sévices perpétrés par les détenus, et l'on rêve à la " belle " et à des jours meilleurs. Auteur : Marion F. Godfroy - Editeur
: Points - Collection : Points Histoire
- Date de parution : 11/02/2010 - Genre : Bagnes / Prisonniers
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