Contrairement à une idée reçue, le révolutionnaire Hébert, alias le Père Duchesne, n’usait pas d’un langage ordurier, mais
au contraire faisait preuve d’une grande culture, nourrie de Rabelais et de Montaigne. En témoigne le vaste Dictionnaire du Père Duchesne, qui replace cette langue haute en
couleur sous sa lumière historique.
Michel Biard, historien de la Révolution française, nous propose un Dictionnaire historique, autrement dit contextualisé des expressions populaires que l’on pouvait lire dans le journal le Père Duchesne d’Hébert. Il ne s’agit donc pas d’un travail de lexicographe tel qu’il est pratiqué par les chercheurs qui replacent ces expressions, et leur histoire lexicale, dans des travaux relatifs au langage populaire sur la longue durée. L’originalité de ce travail précis et minutieux consiste plutôt alors à centrer notre attention sur un corpus, le Père Duchesne d’Hébert, qui occupe une grande place dans les travaux des historiens de la Révolution française, d’Albert Mathiez à Albert Soboul. Par ailleurs c’est « l’écho sonore des sans-culottes » qui se fait entendre, – à l’égal de la voix du « peuple des groupes » disséminé dans les rues –, ce qui introduit une résonance avec les slogans des manifestations actuelles contestant la politique gouvernementale. Alors qu’un ministre de l’éducation se permet de dire devant des manifestants : « C’est encore ce peuple braillard et gavé de tout », de manière méprisante, et aussi quelque peu ordurière, le Père Duchesne est là pour attester qu’un tel « jean-foutre » se heurte à un « peuple débadaudé » et prompt à répondre à un tel mépris. Hébert est l’un des principaux dirigeants de la Commune de Paris et du club des Cordeliers ; il occupe, grâce à son Père Duchesne publié dès 1790 et interrompu par son exécution en 1794, une place singulière dans l’histoire de l’opinion publique pendant la Révolution française. L’apogée du Père Duchesne d’Hébert se situe durant l’été-automne 1793, au moment où le mouvement populaire s’épanouit, à la faveur du lien qui se noue à Paris entre les Cordeliers et le mouvement révolutionnaire impulsé par les sectionnaires jacobins radicaux, les femmes révolutionnaires et les envoyés des départements pour la fête du 10 août. Au cours de l’automne, ce journal se diffuse à près de 50 000 exemplaires, ce qui est considérable pour l’époque.
Pour en comprendre le succès, il convient d’en préciser le style. C’est ainsi que le journaliste des
Annales de la République française note au début du mois de septembre 1793 : « C’est en forgeant qu’on devient forgeron. Ce proverbe connu peut être appliqué au
Père Duchesne. Depuis qu’il a quitté ses fourneaux pour prendre la plume, ses joies et ses colères ne sont pas seulement le thermomètre des événements, mais le vieux forgeron se perfectionne
chaque jour dans l’art d’écrire avec méthode et de jurer avec grâce ». De fait Hébert, capable de « s’exprimer en style différent et dans une forme plus accablante alors », comme
le précise le journaliste, lorsqu’il quitte la tribune de la Commune de Paris et fait distribuer son Père Duchesne par les colporteurs, connaît, alors que la Terreur est
mise à l’ordre du jour, un immense succès. Il est considéré comme le porte-parole des « orateurs des groupes », du « peuple des groupes » par les autres journalistes. Ses
opinions, depuis le début de 1793, sont « le thermomètre du jour » dans la mesure où il n’a de cesse d’ « éclairer le peuple », de « faire des motions
patriotiques ».
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