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La lettre de cachet pâtit grandement de sa sulfureuse réputation. Elle demeure le symbole de l'arbitraire de l'Ancien Régime et l'incarnation de l'oppression exercée par une puissance royale aveugle. Sa légende noire se fonde sur son seul usage répressif et tout particulièrement sur la lettre de cachet politique par laquelle le roi faisait enfermer dans ses bastilles des opposants, des gêneurs ou plus simplement des gens qui lui déplaisaient. La réalité de l'institution a ainsi été déformée au profit d'un usage fort minoritaire de la lettre de cachet au xviiie siècle. Certes, dans un contexte de perfectionnement de l'appareil administratif et d'accroissement des pouvoirs de l'État monarchique, la lettre de cachet répond parfaitement aux impératifs de rapidité et d'efficacité du gouvernement du royaume et connaît alors une formidable croissance dans le dernier siècle de l'Ancien Régime. Si elle peut notifier n'importe quel ordre du roi dont elle est l'expression de la volonté directe et souveraine, elle se limite alors presque essentiellement aux fonctions de police et de justice. Or, dans ce dernier domaine, l'immense majorité des lettres de cachet au xviiie siècle, loin d'être à l'initiative du pouvoir, sont le fruit de demandes de particuliers. Ceux-ci ont donc recours à la justice retenue du roi puisque par le biais de la lettre de cachet, le monarque rend directement la justice, la première et la plus noble de ses attributions. Cet usage de la puissance royale par les familles pour régler des différends d'ordre privé interpelle d'autant plus qu'il a été quelque peu occulté par l'historiographie. C'est au nom du maintien de l'ordre public et de la sauvegarde de l'honneur des familles que s'établit cette relation privilégiée entre le roi et ses sujets dans le cadre de la procédure des lettres de cachet.


Les dossiers de lettres de cachet pour affaires de famille conservés dans les fonds des intendances sont d'une richesse inépuisable pour l'historien, que ce soit dans le domaine de l'histoire des institutions, de l'histoire sociale et familiale, de l'histoire du droit ou encore de la justice et de la criminalité, en ce qu'ils reflètent les évolutions et les permanences de la société française d'Ancien Régime dans sa composante la plus secrète et fondamentale, la cellule familiale. Surtout, cette source souvent encore inédite ou peu exploitée éclaire d'un jour nouveau le rapport unissant l'État et la société ou plus précisément le roi et la structure sociale de base que représente la famille, liés par des intérêts communs dans un subtil parallèle entre ordre familial et ordre politique où la place de l'individu pose question. La procédure des lettres de cachet de famille offre la possibilité de saisir la complexité de cette relation privilégiée entre le pouvoir et les sujets et son évolution.


Jeanne-Marie JANDEAUX - Thèse soutenue en 2008


Les lettres de cachet pour affaires de famille en Franche-Comté au XVIIIe siècle

http://theses.enc.sorbonne.fr/document1159.html

( Iconographie : Mirabeau, Des lettres de cachet et des prisons d'État, 1778)

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