« Docteur des hobos » – ces vagabonds qui sillonnent les États-Unis en piratant les trains durant la crise des années 1930 à la recherche d’une combine ou d’un petit boulot pour survivre –, l’anarchiste Ben Reitman (1879-1942) est surtout connu pour sa liaison tumultueuse et passionnée avec Emma Goldmann qu’il rencontre en 1908 et avec laquelle il fera des tournées de conférences dans tout le pays sur l’anarchisme, le contrôle des naissances et les droits des travailleurs (1).
En 1937, il publia ce témoignage sur cette autre Amérique, celle des laissés pour compte de l’économie capitaliste, décrivant leur vie quotidienne et la contre-culture qu’ils créèrent, grâce aux pérégrinations et aux expériences de son héroïne, Boxcar Bertha, dans le monde des chômeurs, des rebelles, des marginaux, des voleurs, des drogués et des prostituées. Ce livre, qui se lit comme un roman, participe de la construction d’un imaginaire américain où le hobo est perçu, notamment à travers le roman et la chanson, comme un personnage qui survit aux difficultés sans subir les obligations et les principes d’une société aliénante.
Mais avec l’apparition de l’État-Providence, à la fois Welfare et Workfare, la contre-culture hobo perd son autonomie et jusqu’à ses possibilités d’existence, laissant la nostalgie d’une époque où l’organisation du non-travail en activité libre semblait à portée de main.
Aujourd’hui, malgré le retrait progressif de l’État-Providence, « l’errance prolétarienne a cédé le pas à la misère sédentaire » aux États-Unis et en Europe où dominent les mesures d’enfermement préventif des classes dangereuses…
1. Lire Howard Zinn, En suivant Emma (pièce historique sur Emma Goldmann, anarchiste et féministe américaine), traduit de l’anglais par Julie David, Agone, coll. Marginales, 2007.
Boxcar Bertha
(Note de lecture parue dans Gavroche n° 157, janvier 2009)
Aventures d’une vagabonde anarchiste américaine de Ben Reitman, traduit de l’anglais par Philippe Mortimer, préface, postface et notes de Laurent Jeanpierre, Nautilus, 2008, 318 p., 20 €