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http://fs1.civismemoria.fr/event/8147B2A5DDD89147E2595DFD5D805586Document archives du 01/05/2008
- En novembre 1943, j'ai été transféré dans le camp de prisonnier de Voves après avoir passé des mois dans celui de Rouillé. Voves était en quelque sorte l'antichambre des camps de concentration et avait pour particularité d'accueillir principalement des prisonniers « politiques », c'est-à -dire des communistes comme moi, qui s'y organisaient clandestinement mais très efficacement. Son administration était assurée par les gendarmes vichystes.

Devant l'imminence d'un débarquement allié, le PC a transmis un message à  la direction du parti au sein du camp : la France a besoin de combattants, il faut organiser le plus d'évasions possibles.


Le triangle [l'organisation en pyramide de groupes de trois hommes, à  l'instar de l'organisation du parti communiste] a donc décidé en janvier 1943 de construire un souterrain pour organiser l'évasion de 42 personnes sur les quelque 400 prisonniers. Je fus approché par le cerveau de l'opération, René Sentuc. Il était chauffeur de taxi dans la vie civile, très intelligent, cultivé, cabochard, mais surtout homme d'action. Il alla droit au but : «  Dis donc Henri, on a décidé de s'évader. On fait un tunnel et t'en es. » C'est ainsi que je me suis fait embarquer dans la plus grande évasion par souterrain que la France ait connu, pendant la guerre.


On avait décidé de creuser, à  partir de la salle de douche, au centre du camp. Les perquisitions étaient fréquentes près des barbelés et beaucoup s'étaient fait prendre dans d'autres camps en creusant trop près de la sortie.


[...] Il nous fallut trois mois pour creuser les 148 mètres de tunnel. D'anciens mineurs s'étaient attelés à  la tâche. Quant à  moi, j'étais chargé, avec d'autres, d'extraire les déblais. Je passais cinq heures par jour, à  quatre pattes, dans le boyau de 70 sur 80 cm. Plusieurs équipes se relayaient mais le travail était éprouvant et, à  la fin des trois mois, j'avais les os à  vifs.


L'entreprise était titanesque et il fallait se procurer le matériel nécessaire dans le plus grand secret. Pour charrier la terre, nous utilisions d'abord des bassines de lessive puis des chariots. Le problème était de trouver de la corde pour les hisser. Nous avons demandé à  un groupe d'Espagnols [d'en] fabriquer, à  partir de vieux sacs et de ficelles de colis. Ils ont tissé l'équivalent de 300 mètres de corde. Nous creusions des niches sur le côté, tous les 15 mètres, pour laisser passer les bassines de terre. Très vite, la terre est devenue plus meuble et il fallut étayer.


Bien des années plus tard, je regarderai avec amusement le film La Grande Evasion, inspiré de notre histoire et, dans l'ensemble, assez fidèle. Mais de là  à  imaginer des rails de mines dans le tunnel ! Ils en font toujours trop ces Américains... Le silence était [...] la condition essentielle du succès. Des gars sûrs étaient affectés aux postes clés : l'atelier d'entretien et la salle de douche. Pour ma part, je ne connaissais que 7 ou 8 gars qui participaient à  l'évasion sur les 42 prévus.


Pendant ce temps-là , la baraque dite « des maquereaux » s'était également lancée dans la construction d'un tunnel. Ils en étaient à  5 mètres et nous narguaient : « Vous les cocos, vous ne branlez jamais rien. » Nous en étions à  100 mètres !


Tout ne s'est pas déroulé sans incident. Un jour, nous avons essuyé un orage et avons dû creuser dans 15 cm d'eau et de boue. Il fallait également pouvoir respirer dans le tunnel. Lorsque la galerie ne faisait encore que quelques mètres, l'oxygène venait vite à  manquer. Cela a failli me coûter la vie, ainsi qu'à  deux de mes camarades. Nous ne pouvions pas sortir du tunnel sans le signal de sécurité du gars chargé des douches. Une fois, nous avons dû attendre une éternité, le visage collé à  la goulotte pour respirer le mince filet d'air qui nous parvenait de la salle de douche. Pas un seul d'entre nous n'a émis l'idée de sortir. Cela aurait compromis toute l'opération. Le feu vert nous a enfin été donné. Une heure de plus et nous étions tous morts. Dans les moments difficiles comme celui-ci, on avait droit à  un petit porto avec deux ou trois petits gâteaux à  la sortie.


Lorsque le tunnel a enfin atteint l'herbe, nous avons pu faire des trous d'aération coniques, large en bas et étroit vers le haut. Il fallait aussi s'assurer que nous ne dévions pas de notre cap. Chaque soir, à  huit heures tapantes, un gars se promenait sur la ligne du tunnel un livre à  la main. Nous faisions sortir une petite tige de la terre, une fraction de seconde, et il pouvait ainsi vérifier notre trajectoire. L'extraction de la terre posait également problème. Dans un premier temps, nous vidions nos bassines dans le faux plafond des douches. Mais très vite, nous avons eu peur qu'il ne s'écroule. Nous avons alors demandé l'autorisation aux gardiens de créer de petits potagers entre les baraques. Ils étaient contents de nous voir ainsi occupés. Pendant ce temps-là , croyaient-ils, on ne pensait pas à  s'évader... La nuit, deux gars déversaient la terre dans nos jardinets de fortune. Le destin nous a aussi prêté main-forte. Lors d'un duel aérien au-dessus du camp, un tir en rafale a blessé sept gardiens. Dès lors, nous avons été autorisés à  creuser des tranchées : une aubaine !


Le jour J arrive enfin. C'est la nuit du 5 au 6 mai 1944. Il faut faire sortir 42 gars entre l'appel de minuit et demi et celui de quatre heures du matin. Le délai paraît suffisant à  première vue, mais c'est sans compter les imprévus. Nous avions pensé à  tout sauf à  une chose : la nuit, les gardiens s'ennuient.


Notre tunnel passe entre deux miradors, chacun gardé par un gendarme. Et que font-ils pour tuer le temps ? Ils se retrouvent au milieu pour fumer une cigarette. [...]


Je suis le dernier à  sortir [...]. Il y a, cette nuit-là , un magnifique clair de lune. Quelle guigne ! Je me retrouve couché dans l'herbe à  quelques dizaines de mètres des gendarmes que je vois comme en plein jour. Enfin, je peux bouger et tenter de regagner la planque prévue pour moi et sept autres de mes camarades. Nous sommes munis d'une boussole, d'un plan et de faux papiers. [...] Sur la route, nous croisons une patrouille à  notre recherche. Nous nous couchons dans un champ de luzerne en contrebas. Ils sont à  quelques mètres et nous pouvons les entendre : «  On est là  comme des cons et si ça se trouve ils sont déjà  à  Londres. »


Finalement, nous sommes parvenus sans encombre à  notre planque, comme chacun des 42 évadés. Le succès était complet. Cinq jours plus tard, un petit vieux est venu nous chercher sur son vélo bringuebalant. Il sifflait « J'ai du bon tabac dans ma tabatière » , nous lui avons répondu par un « Au clair de la lune » approximatif.


Le temps de la séparation venu, j'ai pris le train muni des faux papiers. Dans mon compartiment, des gars du marché noir discutaient entre eux : « Il faut faire gaffe, il y a beaucoup de contrôles à  cause de l'évasion de Voves. Le plus sûr est de descendre à  Masséna » . Je suivis le mouvement. Ce hasard m'a peut-être sauvé la vie. J'apprendrai par la suite, que le lendemain de notre évasion, une compagnie de SS a repris la direction du camp. Les 400 autres prisonniers ont été embarqués pour Compiègne, puis pour l'Allemagne. Ce n'est pas [...] une consolation mais cette déportation était prévue avant notre évasion. J'étais d'ailleurs sur la liste. Sur 400 déportés, 37 sont revenus vivants. Ils sont morts pour la plupart à  Lûbeck, dans les cales des bateaux bombardés par les Anglais. Aucun des gars de ma baraque n'est revenu.


Sur les 42 évadés, 12 sont morts dans les combats de l'insurrection nationale


5 mai 1944 : Je participe à  la «  grande évasion  »

http://www.historia.fr/content/recherche/article?id=21259



Henri Crotti

Date de naissance : 7 mai 1916

Situation au moment du témoignage : prisonnier

Biographie : chef d'entreprise, société de peinture et décoration de 1961 à  1990. Retraité.


Près de 70 000 Français

Sur 1,580 million détenus en Allemagne se sont évadés ; 32 960 ont obtenu la médaille des Évadés. En France, le camp de Voves (Eure-et-Loir) a connu une vingtaine d'évasions qui ont permis à  75 prisonniers de fuir, même chose à  Beaune-la-Rolande et Pithiviers (Loiret) où¹ 691 ont pu s'échapper par divers moyens.


Autour du mot évasion :

 

Les grandes évasions à travers l'histoire

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Publié par Anonyme sur le blog philippepoisson-hotmail.com, il y a 3 mois

... Repris leur souffle en même temps que le héros d'Alexandre Dumas, sorti vivant d'une forteresse érigée sur un îlot, l'archétype même de l'enfermement, le lieu d'où nul ne peut sortir vivant. La puissance du mythe est si forte que les touristes se pressent encore pour visiter…

http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-35906167.html

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La grande évasion

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Publié par Anonyme sur le blog philippepoisson-hotmail.com, il y a 1 mois

La grande évasion est l'histoire vraie d'une des plus grandes évasions en masse de prisonniers de guerre de la deuxième guerre mondiale. L'action se situe au Luft Stalag III, un camp…

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Plan d'évasion

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Publié par Anonyme sur le blog philippepoisson-hotmail.com, il y a 6 mois

... Quitté la femme qu'il aime ? L'existence d'Henri au pénitencier n'est-elle que l'image de son existence ? Et Castel, tout-puissant directeur de cette île au Diable, ne serait-il qu'un aspect de la raison démente qui régit le monde ?…

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L’unique évasion de la prison de la pierre-levée de poitiers de 1941 à 1944

Publié par Anonyme sur le blog philippepoisson-hotmail.com, il y a 6 mois

Seul prisonnier à s’être évadé de la prison de la Pierre-Levée durant l’occupation allemande, Emmanuel Durosier relate avec précision l’épopée de cette évasion. Cet acte courageux, à la fois de survie et de résistance contre l’envahisseur nazi et ses…

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La nuit des évasions...

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Publié par Anonyme sur le blog philippepoisson-hotmail.com, il y a 1 mois

... (photographies, lettres officielles et coupures de presse) il développe un travail d'investigation qui restitue l'atmosphère politique de cette période. Quatrième de couverture Cet ouvrage relate…

http://philippepoisson-hotmail.com.over-blog.com/article-la-nuit-des-e...

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Un roi de l'évasion : constantin feldzer

Publié par Anonyme sur le blog philippepoisson-hotmail.com, il y a 1 jour

... à Paris. Il tente de rejoindre son unité en Union soviétique, mais la fin de la guerre le prend de court. Il retrouvera ses camarades de « Normandie-Niémen », au Bourget,…

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La saga des grandes evasions - bagnes de guyane

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Publié par Anonyme sur le blog philippepoisson-hotmail.com, il y a 8 mois

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Le passé révélé d’un sous-préfet aux camps : dossier michel junot

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Publié par Anonyme sur le blog philippepoisson-hotmail.com, il y a 4 mois

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Interné d'office....

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Publié par Anonyme sur le blog philippepoisson-hotmail.com, il y a 7 mois

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