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http://www.bibliosurf.com/IMG/arton16283.jpg« La voiture roule au ralenti, phares allumés, dans les ruelles désertes d’un quartier d’entrepôts à la périphérie nord de Paris. A cette heure tardive, au milieu de la nuit, l’ambiance de ce coin de banlieue est sinistre : grilles fermées sur des cours encombrées de détritus, rideaux de fer baissés et taggués, pavés défoncés, trottoirs effondrés, lampadaires éteints, silhouettes massives et noires des entrepôts, tassés les uns contre les autres. Le silence, l’immobilité sont tels que toute présence humaine évoluant à l’air libre ne pourrait être perçue que comme une menace. Dans l’habitacle de la voiture, faiblement éclairé, trois hommes, le chauffeur et ses deux passagers. Ils se ressemblent. Jeunes, costauds, cheveux ras, blousons de toile légère, jeans et baskets. Leurs gestes, leurs mots, leurs silences s’accordent, bouts de phrases sans importance, chewing-gums, rires, regards traînants aux alentours, dans une familiarité décontractée. Une radio grésille en bruit de fond sans que personne n’y prête attention. On se rapproche de Paris. Un cube de béton, coincé entre la zone d’entrepôts et le boulevard périphérique, apparaît au détour d’une ruelle. Cinq étages de parking, posés à l’entrée nord de Paris. A bord, la tension monte d’un cran. Les hommes se redressent, soudain silencieux, attentifs, une touche d’excitation. La voiture s’engage lentement dans la voie d’accès. »


Bien connu des services de police est une embarquée volontaire dans un petit commissariat du quartier de Panteuil, banlieue parisienne. Dans ce microcosme urbain marqué par la violence et la peur, le béton et le parcage social, trois flics se débattent, à différents niveaux hiérarchiques. Sébastien Doche, tout juste 20 ans, qui débarque de son Nord natal pour sa première affectation au commissariat de Panteuil et découvre avec des yeux encore neufs les rouages de la Machine Police. Ivan, de la Brigade Anti-Criminalité, un de ces cow-boys de commissariat qui travaillent la nuit et s’arrangent avec la déontologie, comme si la présence sur le terrain excusait tout, même le pire. Un flic rongé par un terrible secret, et qui n’a plus qu’une obsession : quitter la police. Enfin, au sommet de cette pyramide, trône la commissaire Le Muir, bureaucrate ambitieuse.

Ce qui frappe avec les romans de Dominique Manotti, c’est qu’ils sont en prise directe avec une réalité implacable. Tout ce qui nous est décrit dans ses romans procède d’une longue enquête articulée à l’imaginaire littéraire. Ce point de vue ultra-réaliste permet de dépasser la question de l’engagement et des prises de position : Bien connu des services de police, c’est une caméra posée sur un coin de bitume. Témoignage littéraire sur l’air du temps qui flotte en remugle au-dessus de la France des années 2000 , Bien connu des services de police est un livre-citoyen qui dépasse un manichéisme périlleux.

Dominique Manotti est née à Paris en 1942, ville qu’elle habite toujours et où elle a enseigné en Faculté l’histoire économique contemporaine. Militante anticolonialiste et syndicale, Dominique Manotti publie son premier roman en 1995, Sombre sentier, deux fois primés. Auteur engagée, Dominique Manotti chronique notre société à travers tous les prismes économiques, sociaux et politiques et trouve écho plus loin encore ; Kop est adapté pour la télévision, Nos fantastiques années fric sera prochainement à l’écran au cinéma.

Dominique Manotti est l’un des rares auteurs français a avoir reçu les Dagger Awards : Lorraine Connection, 2008.

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Portrait de Dominique Manotti

par Sylvie Granotier

Mise en ligne le Décembre 2006

publié sur Mauvais genres en avril 2005



http://www.bibliosurf.com/IMG/arton885.jpgAu risque de lui déplaire, je dirais que Dominique Manotti a le physique de l’emploi. Je pense aux grandes dames de la littérature insulaire, ces Anglaises au doux regard bienveillant, à la mise en plis nette, aux chaussures « raisonnables » et au sourire bien trop poli pour être…


Je pense à Ruth Rendell, Dorothy Sayers, PD James, Linda la Plante et cette chère Agatha, bien sûr.


La ressemblance s’arrête dès qu’on pénètre le domaine littéraire, mais il n’empêche que Dominique a un teint d’Anglaise, de porcelaine donc, l’œil bleu azur et le vêtement classique élégant, la lèvre aussi fine que les traits qu’elle peut décocher et la démarche rapide et sûre de ces professeurs qui s’ils ne savent pas où ils vont, n’en laissent jamais rien paraître, à moins qu’ils ne soient pressés d’atteindre leur salut, le bureau ou l’estrade qui les expose et les isole tout en même temps.


(Pour ceux qui l’ignoreraient encore, elle fut prof de fac dans une autre vie.)


Mais parlons littérature puisque c’est bien ce domaine qui nous intéresse d’abord, elle et moi et vous, chers lecteurs invisibles.


Jamais Dominique ne commettrait les phrases qui précèdent. Tout cliché est banni avant même la conception et son travail incessant tend à raccourcir la phrase, à la réduire à l’essentiel. On se passe du sujet, on se passera du verbe, la musique, le rythme priment, le sens est donné par petites touches. Il ne s’agit pourtant jamais de courir mais bien d’avancer musicalement, d’être entraîné par la cadence.


Mon sentiment est qu’elle est mûre pour le lyrisme et la langueur mais ne le lui dîtes pas. Elle y verrait le germe de la fioriture et de l’effet qu’elle méprise. Moi, je pense que son écriture est assez musclée désormais pour s’autoriser quelques contre-points.


Mon premier souvenir d’elle, elle traversait, tête baissée, mollet agile, un de ces grands halls de festival où l’on parque les auteurs pour d’improbables signatures, en route, sans doute, pour le ring où allait commencer le débat de saison sur les femmes et le polar.


A notre première confrontation, j’ai remarqué d’emblée la qualité de son écoute, le sérieux de son attention. Dans son œil attentif jaillit pourtant régulièrement un éclair parfois annonciateur de franche rigolade, il est alors suivi d’un rire de gorge qui menace de l’étouffer sans jamais s’y résoudre vraiment.


L’éclair est, souvent aussi, celui de la colère, la pire, la calme, la maîtrisée. La physionomie reste tranquille, la mâchoire détendue mais la parole alors cingle et flingue avec une précision argumentée qui ne laisse aucune chance à l’adversaire.


Dominique Manotti a très souvent raison, même quand elle a tort, parce qu’elle en sait plus que la plupart de nous et qu’elle est très intelligente.


Non, tous les auteurs de polar ne le sont pas, j’en suis une moi-même, je sais de quoi je parle.

On se dit, normal, une historienne possède forcément des tas d’informations, mais cela va bien au delà du simple savoir. Elle sait parce qu’en entendant, lisant, voyant, elle analyse, comprend, imprime, compare. Et reste souple. En cours de discussion, un argument contradictoire valide sera reçu et reconnu.


En revanche, n’espérez pas de raccourci. Dominique situe toujours chaque proposition dans son contexte, remontera, si nécessaire, au déluge, mais ne commencera jamais par une conclusion, même si, tout le monde étant d’accord, cela devait fournir un raccourci reposant.


Non, décidément, elle n’est pas la même à l’écrit et à l’oral, dans la fiction et dans la réalité.


C’est une honnête femme, comme on parlait d’honnête homme. Une militante, toujours aux avant-postes contre l’injustice, une affective avec des sympathies chaleureuses et des exécrations assumées. Elle est courageuse, déterminée et je suis convaincue qu’elle se battra toujours puisqu’il y aura toujours, hélas, de bonnes causes à défendre.


Elle est sincère, directe, possède des opinions tranchées et assumées.


Ses romans, à l’inverse, sont peuplés d’êtres glaciaux, de cyniques triomphants, de manipulateurs manipulés, de lâches avariés, de femmes vénales et d’innocents imbéciles. Loin de tout avenir radieux, les lendemains déchantent et jamais l’amour ne triomphe.


A chaque fois que je commence un de ses livres, le même frisson de plaisir me prend, je sais d’emblée que ça va aller de sale en pis. La crasse humaine se couvre de cashmere, les salauds sont au pouvoir et les pauvres restent pauvres, à qui joue perd pour l’éternité. Et c’est jubilatoire parce qu’on pénètre des lieux interdits, qu’on voit ce qu’on veut nous cacher. On est dans la transgression jusqu’à l’os.


On dirait que Dominique a été partout d’où elle nous parle. Dans les arrière-boutiques du pouvoir économique, politique, sportif, chez les flics, aux RG, dans les salons de l’occupation. Tout cela semble de première main. Ne peut pas l’être pourtant. Allez savoir… Et quel plaisir dans la sécheresse des dialogues laconiques, les petites notations concrètes, jamais psychologiques qui laissent le lecteur, pour son plus grand bonheur, additionner tout seul ses deux plus deux, comme le recommandait Lubitsch.


Ah oui, c’est aussi une frappadingue de cinéma, de cinoche même. Elle va au festival de Venise pour le plaisir de découvrir les films avant que les critiques ne lui en déforment la vision.


L’économie de la bonne écriture cinématographique se retrouve dans la structure de ses romans, dans ses ellipses, ses sautes temporelles.


Elle réfléchit aux problèmes de fabrication. Il est possible d’en parler avec elle, de s’interroger sur l’écriture, la forme. Ce n’est pas une instinctive et pourtant… je suis persuadée qu’une grande part de ses romans lui échappe, comme un objet nous échappe des mains.


C’est aussi une cavalière, une vraie, avec tout ce que cela implique de discipline et d’attention et… d’instinct.


Mais si vous voulez vraiment connaître Dominique Manotti, la femme derrière l’auteur, dînez avec elle à une bonne table. C’est une vraie connaisseuse et une bonne fourchette. Elle mange généreusement tout en faisant aller la conversation. C’est un régal.


Voilà, Dominique Manotti est régalante et bon plaisir à vous tous, ses lecteurs acquis et à venir.

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