■ Pour ceux qui lisent la langue de Dante et s’intéressent aux polices italiennes du XIXe siècle, signalons cette publication à partir d’un fonds d’archives en grande partie inexploité conservé aux Archives d’État de Turin :
Paola Bianchi, Esercito e polizia dai moti costituzionali alle prime due guerre d’indipendenza, in Alessandria dal Risorgimento all'Unità d'Italia, II, Dal 1849 al 1859, a cura di V. Castronovo, Alessandria, Cassa di Risparmio di Alessandria-Fondazione Cassa di Risparmio di Alessandria, 2009
■ Pour ceux qui lisent la langue de Goethe, cet intéressant ouvrage collectif publié en 2008 et dirigé par Peter Lessman-Faust, un des meilleurs spécialistes allemands de l’histoire policière (et notamment de la période de la République de Weimar) : Peter Leßmann-Faust (Ed.), Polizei und Politische Bildung, Wiesbaden, Verlag für Sozialwissenschaften, 2008, 225p., € 39,90; ISBN: 978-3-531-15890-7
Les textes publiés dans ce livre s’attachent essentiellement aux transformations qui ont affecté la formation et le comportement de la police de la RFA à partir des années 1960. Klaus Weinhauer étudie la perte d’influence des traditionalistes parmi les hauts fonctionnaires de la police en tenue (Schutzpolizei) socialisés dans les polices de la République de Weimar et du IIIème Reich. Rafael Behr s’intéresse à l’accès des femmes dans les services de police et à ses conséquences sur le « policing » masculin. Udo Behrendes, Manfred Stenner, Gerda Maibach examinent les évolutions des relations entre citoyens et policiers. Michael Sturm, Ulrike Neuhoff, Stefan Goch développent les projets et méthodes de formation qui visent à conduire les policiers à s’intéresser à leur histoire et à des thèmes de la politique actuelle. Enfin, Peter Nitschke s’intéresse à « l’internationalisation » des forces de polices européennes.
■ Malheureusement réservé à ceux qui lisent le turc, un ouvrage important dans la mesure où il montre (confirme ?) une ouverture scientifique que traduisent les recherches actuelles menées en Turquie sur la police, un objet souvent et longtemps tabou...
Les comparaisons avec l’historiographie française sont fort intéressantes :
Noémi Lévy, Nadir Özbek, Alexandre Toumarkine (éd.), Jandarma ve Polis: Fransız ve Osmanlı Tarihçiliğine Çapraz Bakışlar, ["Gendarmerie et police: regards croisés sur les historiographies française et ottomane"], Istanbul, Tarih Vakfı, 2009.
■ « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais ... »
Marieke Bloembergen, De geschiedenis van de politie in Nederlands-Indië. Uit zorg en angst, [The history of the police in the Dutch East Indies. Out of care and fear.] Amsterdam: Boom, Leiden: KITLV 2009
Cet ouvrage (qu’on peut se procurer auprès de l’éditeur KITLV à Leiden, contacter Ellen Sitinjak, sitinjak@kitlv.nl) retrace l’histoire de la police des Indes néerlandaises de 1870 à l’occupation japonaise en 1942. Il aborde, entre autres questions, le rôle de la police et l’usage de la violence dans le contexte d’un état colonial en formation. Jusqu’à quel point peut-on caractériser cet état colonial comme un « état policier » ? Qu’y avait-il de « colonial » dans le « colonial policing » ?
« La police moderne des Indes néerlandaises construite aux beaux jours de l’ethical policy (1900 -1920) fut le résultat de la peur et de l’intérêt. Peur des Européens à l’égard d’un monde indigène agité. Intérêt paternaliste pour la sécurité publique, l’hygiène et la moralité.
La police apportait également une réponse à un problème colonial type : les contradictions d’un état tiraillé entre la volonté de paraître civilisé et le recours à la force quand sa légitimité était mise en cause Les Indonésiens ne jouèrent qu’un rôle négligeable dans l’organisation et les réformes policières, mais assumaient l’essentiel des missions et fonctions policières. À la fin des années 1930, la police coloniale des Indes néerlandaises comptait 96% d’indigènes, le commandement et la hiérarchie étant toutefois presque entièrement réservés aux Européens ou à des Eurasiens .
La police, miroir de l’état colonial, devint ainsi un monstre à deux têtes : en cherchant à sauvegarder l’autorité de l’État, elle provoquait des résistances alors même que, pour satisfaire la demande de sécurité, elle avait besoin de la coopération de la population indigène.
Souvent objets de moqueries et de critiques, les policiers révèlent donc autant la force que la faiblesse de l’état colonial. » (Lettre aux Amis … de la Police § de la Gendarmerie – Janvier 2010).
Jean-Marc Berlière
http://www.cesdip.fr/spip.php?article205