Document 2010 - Ces lettres ne nous étaient pas destinées. Codées, écrites à la hâte, cachées, elles disent la passion d'une jeune femme pour son cousin, à la fin du XVIIIe siècle. Un amour empêché, contrarié par le père de l'inconnue, contrarié aussi par l'enfermement de l'amoureux, par sa passion pour la boisson... Cet amour n'a pas le droit d'exister ni de se dire, seulement de s'écrire en secret. Mêlées aux papiers de cet officier, ces lettres ont sommeillé dans un carton, parmi des documents divers, dans le fonds d'archives du Châtelet de Paris. D'une rare beauté, elles nous font partager les états d'âme de cette amoureuse et nous entraînent au plus près de son ressenti dans un flot de mots non relus.
Édition et présentation d'Isabelle Foucher, chargée d'études documentaires aux Archives nationales.
Préface d'Ariette Farge, historienne.
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La revue de presse Emmanuelle Giuliani - La Croix du 10 mars 2010
En éditant cette correspondance amoureuse du XVIIIe siècle, l'historienne Isabelle Foucher invite le lecteur moderne à vibrer à l'unisson d'une jeune femme étonnamment vivante et proche...
Codées pour éviter d'éventuelles indiscrétions, elles sont remarquables à plus d'un titre, au-delà de la mort tragique de leur destinataire, sans doute au cours d'un duel. Leur langue à la fois haletante et concrète, alternant de manière troublante le « tu » et le « vous », laisse régulièrement échapper les confidences sensibles et touchantes de celle qui les a écrites (1). Une jeune fille - sans doute Rose de Lalande de Luc, suggère Isabelle Foucher au terme d'une investigation dont elle retrace les étapes -, très éprise, souvent inquiète, parfois triste et lasse, mais toujours formidablement vivante.
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La revue de presse Robert Solé - Le Monde du 29 janvier 2010
Le livre est intéressant à double titre. Isabelle Foucher ne se contente pas de retranscrire et de commenter ces lettres, saisies par la police après le décès de l'officier dans un duel : elle raconte aussi le travail de limier qui lui a permis de retrouver l'identité de la jeune fille et de reconstituer l'histoire...
Que de sensualité derrière ces pages si pudiques ! Rose ne parvient pas à "fixer les endroits" où la sensation passe tour à tour quand elle reçoit une lettre de l'officier. Après une rencontre clandestine, elle précise : "J'ai encore l'impression de tes caresses qui m'ont si bien pénétrée."...
L'historienne Arlette Farge, qui préface le livre, y voit "un XVIIIe siècle un peu décalé entre Watteau et Fragonard". Elle retrouve dans cette correspondance tout l'esprit de l'époque : l'instabilité, la passion, le goût de la liberté, la soif du changement...
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Les courts extraits de livres : 01/06/2010
Extrait de la préface d'Arlette Farge - (…) Ce qui donne du prix à cette correspondance de l'inconnue à un homme, lui, dont on connaît le nom, le métier et l'origine, Isabelle Foucher le déplie et le déploie avec érudition, charme et sensibilité, sens du document autant que de l'énigme des vies. En effet cette correspondance est singulière, insolite même, du fait de quelques circonstances : l'inconnue a constamment écrit en secret, non seulement clandestinement mais apeurée d'être découverte, protégeant son secret par mille manèges comme celui de crypter son écriture, de masquer les noms propres, etc. Elle fait cela en une fin de siècle où l'on parlait et vivait davantage de libertinage et d'amours prises à la hâte que de passions inébranlables. L'inconnue est inébranlable. Pierre Basile, son amant de lettres, est ce qu'on appelle à l'époque dans les procès-verbaux de police «un fort mauvais sujet» : bilieux, mélancolique, en proie à d'intenses moments de tristesse, il a pris la boisson pour compagne. Cela lui vaudra sans doute un long enfermement. L'inconnue sait tout cela, mais elle se veut une femme libre, assumant ses sentiments, vouée à Pierre Basile quoi qu'il en soit de ses humeurs. Sa correspondance ouvre une autre perspective sur les relations amoureuses et les mondes masculin et féminin ; dans les lettres, elle est attentionnée, presque maternelle, submergée de désir, mais l'autre versant de sa personne montre une femme exigeante, sévère, capricieuse, grondeuse. Elle tonitrue et rabroue ce lieutenant pris aux charmes de la boisson, le querelle, exige des réponses, cherche sa liberté à travers cet amour qu'elle attend et qu'elle veut réaliser coûte que coûte. Un autre personnage habite cette correspondance : la nature. L'inconnue s'y plonge avec ravissement, croit entendre la voix de son aimé au creux des bosquets, écoute la nuit, décrit des scènes passées où les arbres o nt mêlé leur respiration aux leurs lorsqu'il leur est arrivé de se rencontrer. C'est un XVIIIe siècle un peu décalé qu'offre ici Isabelle Foucher entre Watteau et Fragonard. Les émotions et les prises de risque d'une femme déterminée restituent un siècle amoureux qui ne ressemble pas à celui des Liaisons dangereuses. Pourtant dangereuse est sa liaison avec cet homme déraisonnable, elle en paie le prix et s'interroge elle-même sur les mystères de son lien amoureux.
Auteur : Isabelle Foucher
Préface : Arlette Farge
Date de saisie : 01/06/2010
Genre : Biographies, mémoires, correspondances...
Éditeur : Bayard, Montrouge, France
Une plume d'amour frémissant
Un homme et une femme. Le XVIIIe siècle. Le Sud-Ouest de la France. Une ardeur secrète et contrariée qui s’épanche en une
correspondance clandestine. La mort prématurée de l’amant. Le silence… Autant d’ingrédients romanesques qui pourraient nourrir l’intrigue d’une fiction palpitante. Pourtant, Écris-moi si tu
m’aimes encore participe d’un genre tout différent. En publiant un ensemble de soixante-six lettres adressées par une mystérieuse expéditrice à un certain Pierre Basile de Canut, l’historienne
Isabelle Foucher nous entraîne au cœur de sa confrontation au document d’archive.
Un prologue et un dénouement encadrant la correspondance elle-même détaillent avec minutie la rigueur de sa méthode et la fièvre de son enquête. L’une et l’autre ont exigé des heures et des
heures de recherche, laissant parfois aussi libre cours à l’imagination (raisonnable) pour remplir les vides creusés au fil du temps.
« Écrites sur de petites feuilles de papier pliées en deux, d’une écriture vigoureuse, pressée, passionnée », les soixante-six lettres, dont l’une cache une mèche de cheveux blonds tressée à un
ruban bleu, appartiennent à un ensemble hétéroclite de " papiers " divers ayant appartenu à ce Canut, lieutenant en second dans la Marine royale. Son corps transpercé d’un coup d’épée fut
retrouvé le 29 septembre 1786. Depuis, les lettres « sommeillaient dans un carton, raconte Isabelle Foucher, au fond des dépôts des Archives nationales ».
Codées pour éviter d’éventuelles indiscrétions, elles sont remarquables à plus d’un titre, au-delà de la mort tragique de leur destinataire, sans doute au cours d’un duel. Leur langue à la fois
haletante et concrète, alternant de manière troublante le « tu » et le « vous », laisse régulièrement échapper les confidences sensibles et touchantes de celle qui les a écrites (1). Une jeune
fille – sans doute Rose de Lalande de Luc, suggère Isabelle Foucher au terme d’une investigation dont elle retrace les étapes –, très éprise, souvent inquiète, parfois triste et lasse, mais
toujours formidablement vivante.
L’objet de sa flamme, semble une personnalité complexe, sombre, romantique avant l’heure. En croisant divers témoignages, Isabelle Foucher complète le portrait esquissé à travers les mots de
celle qui l’aime. Canut, d’origine plébéienne et, sans doute pour cela, jugé indigne de Rose, est un mélancolique, parfois violent, dévasté par un irrépressible penchant pour l’alcool.
La jeune fille le lui reproche, avec amertume: « Si vous vous refusez aux secours de mon amitié, je vous abandonne à votre faiblesse et à votre extravagance… Je suis malade du chagrin que vous
m’occasionnez. » Si bien (si mal plutôt) qu’on est tenté de croire avec Isabelle Foucher que cet amour interdit pouvait, même inconsciemment, satisfaire Rose, les défauts de Pierre attisant les
désirs d’une femme qui, devenue épouse, en aurait vite subi l’insupportable quotidien…
Canut disparaît donc brutalement mais sa bien-aimée vivra encore de longues, très longues années. Un an après la mort de Pierre Basile, elle en épouse même un autre, dont elle se séparera
ensuite… D’elle, on ne connaît vraiment que ces trois années (1783-1786), immortalisées désormais par ces lettres qui demeurent, pour nous, sans réponse.
EMMANUELLE GIULIANI
(1) Aucune trace, en revanche de la correspondance envoyée par le jeune homme à sa bien-aimée, déplore Isabelle Foucher…
http://www.la-croix.com/livres/article.jsp?docId=2417804&rubId=43500