France 5 - 20h35
Deuxième partie : lundi 1er mars 2010
[Téléfilm dramatique] de Bernard Stora
Origine : France - Belgique
Durée : 2 heures
Sous-titrage malentendant (Antiope).
Stéréo
En 16:9
Musique : Vincent Stora
Avec : Danielle Darrieux (Isabel Esteva), Alex Brendemühl (Luis Esteva), Ariadna Gil (Pilar
Esteva), Corentin Daumas (Ignacio Esteva), Jean-Pierre Marielle (Emile de Montellier), Serge Riaboukine (l'adjudant Rouquette), Astrid Bergès-Frisbey (Isabel jeune), Julie Depardieu (Alice
Brunetti)
Le sujet
Une créatrice de mode se souvient de son enfance. En 1939, sa famille a dû quitter l'Espagne, après la défaite des républicains, pour s'installer en France.
Après la défaite des républicains lors de la guerre d'Espagne, en 1939, Pilar et Luis Esteva sont contraints de s'exiler en France, avec leurs deux enfants, Isabel et Ignacio. Arrivée à Paris, la famille doit s'adapter. Tandis que Luis refuse d'accepter la défaite et rêve de reconquête, Pilar cherche avant tout à survivre et à élever ses enfants. Elle sait que ce pays nouveau sera le sien pour longtemps. Soixante ans plus tard, Isabel Esteva, devenue une créatrice de mode mondialement célèbre, présente à Paris sa nouvelle collection. De retour dans la capitale française, elle se souvient de l'époque troublée au cours de laquelle sa famille a dû vivre en exil ...
Les morts vivent parmi nous. Les mères plus encore. On se souvient de la mamá dans «Volver» de Pedro Almodóvar, aussi trépassée que bien vivante. Dans «Elles et moi», Isabel Esteva, 82 ans, célèbre créatrice de mode, reçoit régulièrement la visite de sa mère et de sa grand-mère qui débarquent de l'au-delà quand bon leur semble. On n'a pas besoin d'invitation quand on est de la famille... S'engage alors un dialogue à trois voix où chacune raconte un pan de son existence, cousue serrée avec le roman familial et la grande Histoire, celle des centaines de milliers de républicains espagnols qui ont fui les troupes franquistes pour trouver refuge en France, en 1939. Du bout de sa vie, sous les lumières du succès, Isabel se souvient. La vieille dame, incarnée par l'irrévérencieuse Danielle Darrieux - qui constate, dès la première scène : «Les vieux ont toujours mal au cul»-, convoque le passé et la jeune fille qu'elle était, parquée avec sa mère et son petit frère dans un camp en Ardèche où ils connurent la faim, le froid, le dénuement. Véritable saga en deux volets (1), le téléfilm dessine la trajectoire de la jeune Isabel (Astrid Bergès-Frisbey), prise dans les rets d'un destin collectif : celui de la guerre civile espagnole, de l'immigration, de la France occupée... L'Histoire est un roman. Le scénariste et réalisateur Bernard Stora le sait bien, lui qui est l'auteur du remarquable «le Grand Charles» (France 2, 2006) sur le général de Gaulle. «Cette fois, j'ai longtemps hésité avant de m'attaquer à cette page d'histoire douloureuse : je ne voulais pas tomber dans la contemplation apitoyée, explique le cinéaste. Je me suis décidé quand j'ai trouvé l'idée du chemin de réussite qui est celui de mon héroïne : cela inversait la perspective.»
Dans «Elles et moi», il n'est pas interdit de penser que le pronom personnel du titre n'est pas seulement celui d'Isabel, entouré de ses aïeules et des autres femmes de sa vie, mais aussi celui de Bernard Stora lui-même. «J'ai fait ce film à la gloire des femmes. Parce que ce sont elles qui font que la vie continue pendant que les hommes plaquent des théories sur le monde», dit-il. Quand le père d'Isabel fourbit ses discours de reconquête et d'Espagne socialiste, sa mère - la merveilleuse Ariadna Gil, qui compose une héroïne digne d'un film de Visconti - mène un autre combat : celui de la survie, pour elle et ses enfants. Il veut changer le monde, elle se bat pour y trouver une place. Il est prêt à mourir pour ses idées, elle tente de vivre les siennes. Dans ce téléfilm riche de beaux personnages secondaires (dont les piquantes Julie Gayet et Julie Depardieu), le féminin est une force existentielle qui déboulonne le rigorisme de l'idéologie. «Bien sûr, cela ne veut pas dire qu'il ne fallait pas s'engager contre Franco, mais qu'il faudra bien un jour en finir avec la violence», commente le réalisateur, 66 ans, qui a lui-même été bercé par les récits de lutte contre le franquisme et les poèmes de García Lorca. «Ce sont les mythes de ma jeunesse, mais le rôle de l'artiste est de donner à voir la complexité des choses.» Face à toutes les tentations de manichéisme, la fiction est une proposition de liberté. Sans renier l'engagement, «Elles et moi» creuse les contradictions, soulève les leurres de la réécriture, refuse les statues et les vibratos. «Le lyrisme, c'est de la saloperie !», s'insurge Bernard Stora.
Évocation d'une mémoire franco-espagnole commune, rarement représentée comme telle, «Elles et moi» ne se prive pas de prendre des airs de fable aux accents surréalistes, piquée de drôlerie comme
une fleur au chapeau de ces mères- fantômes ou de cette vieille dame qui se souvient de l'effrontée qu'elle était. «Isabel, c'est moi», pourrait dire Bernard Stora qui confie : «Il y a un passage
qui me fait pleurer, quand elle dit qu'elle veut rester en France pour devenir styliste et que son père lui parle de l'amour du pays... Elle s'en fout, elle veut juste mettre le nez à la
fenêtre.» Un élan qui est aussi celui du réalisateur : «Je suis et je demeure un émigrant», dit celui qui a grandi à Marseille où se sont installés ses grands-parents venus de Corse et d'Algérie.
«Comment peut-on oublier que l'immigration a toujours été, sur le plan historique, une force de progrès ?», Bernard Stora fustige la nostalgie et le repli identitaire, privilégie
l'expérimentation à l'expérience. Lui qui raconte la vie, dans tous ses méandres, contre toute simplification, n'est pas du genre à choisir un camp, mais il préférera toujours «ce qui s'annonce à
ce qui a été»
Marjolaine Jarry
http://teleobs.nouvelobs.com/tv_programs/2009/6/9/chaine/france-2/20/35/elles-et-moi
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