Été 36
DIMANCHE 20 JUIN 2010
france3, 23h30 - 00h15
Type : documentaire
Le Front populaire, dont on a fêté en 2006 le 70e anniversaire, occupe une place importante dans la mémoire collective et est synonyme des premiers congés payés. Durant l'été 1936, la France
ouvrière quitte la ville et découvre les vacances à la campagne, à la montagne ou à la plage. C'est une véritable révolution sociale et culturelle pour la population française, qui vit un été de
bonheur, au rythme des chansons vantant les mérites des vacances et du farniente. Retour sur une époque insouciante et ses événements marquants, tant dans le milieu musical que cinématographique
ou sportif : du Tour de France cycliste aux films à succès, en passant par les balbutiements de la télévision. Des témoins de l’époque, célèbres comme l'écrivain Jean Lacouture, ou le réalisateur
Marcel Bluwal, ou anonymes, se souviennent. Le documentaire rappelle également les conditions et les circonstances historiques dans lesquelles les premiers congés payés ont été adoptés
...
http://www.historia.fr/content/television/article?id=28822
Crédit photographique
http://sd-1.archive-host.com/membres/images/1895607063/Tandem_1936.jpeg
L'été 36 - Bertrand Poirot-Delpech - Gallimard Éditions
En lisant
"L'été 36" je souhaitais retrouver l'ambiance festive et la joie des premiers congés payés accordés aux français appartenant à la classe ouvrière. On sait, depuis toujours, que la classe
dite populaire et la classe soi-disant dirigeante s'opposaient sur presque tout, plus par leur méconnaissance les uns des autres, que par leurs idées politiques.
Lors du Front Populaire, cette peur de l'autre va exacerber. Ainsi, le général Saint-Aubert - châtelain de La Landriais, près de Dinard - avait-il vu d'un œil noir et plutôt inquiet l'installation sauvage des congés payés sur son pré carré de luzerne, prénommé Le pré Noiraude. "Il revenait sur les craintes que lui inspirait le Front populaire. Ces "gens" étaient incompétents, mauvais patriotes. Les impôts nouveaux ne serviraient à rien, même pas à aider les pauvres, qui n'en demandaient pas tant. [...] les "Croix-de-feu" dissoutes, alors que la fédération d'Ille-et-Vilaine tenait une garden-party au manoir "pas plus tard que dimanche dernier" ; d'après Kérillis, le gouvernement livrerait des tourelles de cuirassés aux Soviétiques ... Le pays allait au gouffre ! Sans parler des étrangers qui déferlent !".
En attendant, les congés payés transforment le pré Noiraude en fête populaire permanente, pour la
plus grande joie d'Hubert, le neveu scout du général qui voit là enfin une occasion de s'amuser un peu. Le phono éraillé égrène les rengaines à la mode et on danse des tangos endiablés sur l'air
du Plus beau de tous les tangos du monde de Tino Rossi. Parmi ceux qui sont en vacances pour la première fois de leur vie de labeur, on rencontre Jésus, habitant la banlieue
ouest de Paris, flanqué de ses deux chiens, Thorez et Cachin, en souvenir des luttes ouvrières. Il y a Polo, vrai militant rouge et sergent dans l'armée de l'air, qui rêve d'une
nouvelle révolution russe comme en 1917. Enfin, il y a Gabin, ainsi surnommé en raison de sa ressemblance avec l'acteur en vogue en 1936. Gabin, communiste en souvenir de son père. Tout ce petit
monde intrigue les châtelains Saint-Aubert, qui les imaginent comme des êtres lubriques et remplis de vices odieux. "Les Saint-Aubert étaient convaincus que les fermiers, les domestiques et
maintenant les "congés payés", tout ce qui n'était pas eux et qu'ils appelaient "ces gens-là", remplissaient leurs
baignoires de charbon, qu'ils allaient tuer les bonnes sœurs après les avoir violées, [...], ils fouillaient dans leurs petites valises de carton bouilli, à la recherche de vices cachés, d'armes
secrètes ... "Pour bien faire, il faudrait interdire au peuple "l'Internationale" et le plaisir ...".
Parmi eux, Victoire, nièce du général qui choque toute sa famille par son comportement. Victoire, belle, libre et riche est attirée par le charme ouvrier de Gabin. Elle se donnera à lui pour prouver qu'elle est différente de ceux et celles de son milieu social. Si elle découvre le plaisir avec Gabin, elle rencontrera l'amour, l'art, l'instant présent avec l'étrange Alexis Scherbatoff. Mais qui est exactement cet Alexis, si mystérieux sur son passé ? Est-il réellement ce prince russe exilé de Russie par la Révolution de 1917 ? Ou bien un réprouvé, toujours banni de partout, en permanence sur le départ, sans jamais trouver ni paix ni repos ? Mais que l'on soit ouvrier ou bourgeois capitaliste, on a un ennemi commun : l'étranger qui fuit l'Allemagne nazie. Quand, en plus d'être étranger, il est Juif, tout le monde se retrouve sur le terreau du racisme. "... - Savez-vous qu'Hitler a décidé d'exterminer les juifs ? - On le dit, admit Polo. - Comment, "On le dit ?" Polo avait entendu dire ces choses à Paris. Il n'en n'était pas remué. Chez ses parents, qui tenaient une boutique de jouets sous la gare Montparnasse, on trouvait que "des juifs, il y en avait assez comme ça". Le petit commerce était écrasé par "ces gens venus d'on ne sait où, avec leurs capitaux apatrides et leurs succursales anonymes". En servant la soupe, le père de Polo disait souvent : "Chacun chez soi, ma famille d'abord, ensuite mes cousins, et puis les autres ...".
Seulement, on n'échappe pas à son milieu, encore moins à ses origines et à son éducation. Même si Victoire tient rigueur à sa famille de l'avoir tenue dans l'ignorance de la réalité et du quotidien des ouvriers, sur l'art, sur la vie tout simplement, elle reviendra à ses principes fondamentaux. Elle échappera à la nouvelle vie à laquelle elle aspirait tant, contrainte et forcée ou de son plein gré. "Victoire attendait de Gabin et d'Alexis qu'ils l'arrachent à son monde. C'était à qui l'en délivrerait le plus vite, le plus fort. - Vous prenez pour de l'amour la haine de ce que vous êtes, dit-il. [...] L'abbé n'avait pas de mérite. Il venait du même milieu qu'elle. - On ne se débarrasse pas de notre monde en le trahissant, dit-il. C'est lui rester fidèle que de vouloir prolonger, par la séduction, notre domination du porte-monnaie ...".
Rien n'est jamais simple dans la vie, sinon elle serait insipide et sans intérêt. Avec "L'été 36", Bertrand Poirot-Delpech nous invite à visiter une France telle qu'en elle-même, à la fois forte et fragile, en permanence divisée sur presque tout, sauf lorsqu'elle se trouve une occasion de faire front commun devant une menace, réelle ou supposée. On parcourt une France bourrée de préjugés et d'idées préconçues des uns sur les autres. On rencontre des personnages tragi-comiques qui n'osent s'avouer la réalité des choses et qui errent dans une vie qui ne leur appartient pas. On en croise d'autres, plus ou moins dangereux pour eux et les autres qui, sous prétexte de ferveur religieuse, préparent le terrain du racisme et de l'antisémitisme, en croyant défendre l'ordre de l'Occident face à l'invasion des impurs et des incroyants. Au final, "L'été 36" est un livre drôle et léger malgré le sujet traité. On y trouve tous les caractères d'une certaine France, celle qui - dans quelques années - entonnera soit "Maréchal nous voilà", soit le "Chant des Partisans". Mais une chose est sûre, on ne trouve pas une minute d'ennui ou de longueur dans ce livre.
Ce livre a été publié sur ancien blog en mai 2007.
Publié par Nanne