Tueur en série. Le 31 décembre 1898, Joseph Vacher est exécuté à Bourg-en-Bresse pour l’assassinat d’une trentaine de personnes, dont une tout
près de Dijon
Joseph Vacher naît le 16 novembre 1869 à Beaufort, petite commune iséroise d’une centaine d’âmes. Il est le quatorzième enfant d’un deuxième lit d’une fratrie qui en compte quinze. Ses parents, un couple de cultivateurs que l’on dit honnêtes et travailleurs, élèvent dans les modestes conditions que l’on imagine cette gentille farandole de mouflets. Malgré l’affection et l’attention que lui portent ses parents, Joseph semble dès son plus jeune âge empreint d’une certaine violence, tant physique que verbale. Il mutile les animaux, frappe allègrement ses frères et sœurs et vocifère, la bave aux lèvres, sur ses camarades de classe à la première occasion. Lorsque sa mère passe l’arme à gauche, il n’a que 14 ans, et est déjà la proie de terribles pulsions. Elles ne feront que monter en puissance. Son périple meurtrier commence à peine un an plus tard à quelques encablures de la ferme familiale. Le 18 juillet 1884, le corps du petit Joseph Amieux, neuf printemps au compteur, est retrouvé étranglé dans une grange de la campagne iséroise. Pas de suspect, pas le moindre indice. Juste quelques témoignages évoquant la présence dans les parages d’un vagabond d’une quinzaine d’années. Faute d’éléments, l’affaire est classée. Totalement livré à lui-même, Vacher enchaîne les menues besognes ça et là, chez les Frères Maristes notamment, un ordre religieux laïc catholique bien implanté à l' époque. Il quitte l’institution rapidement suite à une sombre histoire d’attouchements sexuels sur l’un de ses camarades de chambrée. Fin juin 1888, près de quatre ans après le meurtre du petit Amieux, le corps d’une femme est découvert sous quelques feuillages ensanglantés dans les bois de Joux, à un jet de pierre de Beaufort. Le meurtre est violent. La malheureuse a été rouée de coups et violée. La tête, tranchée à l’aide d’un couteau. Une fois encore, aucun élément concret pour les enquêteurs. Si ce n’est les dires de quelques témoins qui affirment avoir aperçu un gueux dans les parages. En juillet de la même année, c’est Clémence Grangeon, 14 ans, qui est retrouvée égorgée à Chamberac en Haute-Loire.
Vacher quitte les parages. Il travaille à Grenoble dans une brasserie peu fréquentable où il côtoie assidument les filles de joie. Après un court passage à Genève chez l’un de ses frères, il rejoint la Capitale des Gaules quelques temps. Sa folie meurtrière semble apaisée. Momentanément du moins. En juin 1890, il reprend la route. A son passage, les cadavres s’amoncellent. Deux sont retrouvés entre juin et septembre. Augustine Perrin, 23 ans, une prostituée notoire à Moirans, et la petite Olympe Buisson, 9 ans, à Varacieux dans l’Isère. Le mode opératoire, s’il n’est pas parfaitement identique d’un meurtre à l’autre, montre de nombreuses similitudes. Toutes les victimes sont de sexe féminin, jeunes comme vieilles, ou de très jeunes garçons. Toutes sont égorgées, certaines mutilées, éventrées et violées post-mortem. Les garçons en général sont émasculés. Aucun lien n’est fait entre les tueries. La méthode du recoupement n’est pas - ou peu - utilisée à l’époque par les services de police. En novembre 1890, Joseph Vacher part sous les drapeaux au soixantième régiment d’infanterie de Besançon, où, d’après ses supérieurs, il fait preuve d’un réel engouement à suivre une carrière militaire. En moins de deux ans de service, il passe de simple soldat à sergent. Il fait connaissance de Louise Barrand, une jeune femme fraîche et spontanée dont il tombe amoureux fou. Les histoires d’amour finissant mal (en général), il tente d’assassiner sa douce après une petite tromperie avec l’un de ses homologues militaires. Désespéré, il entreprend le suicide. Moins doué avec les armes à feu que pour la vivisection, il rate son coup. Deux balles dans la tête qui lui laisseront de graves séquelles. Poussé vers la sortie par sa hiérarchie, Vacher fait un tour par la case asile, à Dôle d’abord, puis à Saint-Robert dans son département d’origine. Vacher est relâché en avril 1894 après avoir été jugé apte à reprendre une vie en société. Faute. L’homme qu’ils viennent de remettre en liberté va de nouveau s‘adonner impunément à son jeu favori, le meurtre assorti d’actes de barbarie. A la manière d’un Francis Heaulme, Vacher erre de région en région, et tue partout où il passe. Entre le corps d’Eugénie Delhomme, assassinée le 19 mai 1894 à Beaurepaire, et celui d’une sexagénaire décapitée à Coux (ça ne s’invente pas) dans l’Ardèche le 24 juillet 1897, on attribuera au routard du crime près de 30 meurtres et tentatives, sans compter les viols. Une adolescente côte d’orienne de 17 ans, Adèle Mortureux, a la malchance de croiser la route de Vacher à Etaules au Bois-de-Chêne le 12 mai 1895, le jour de la fête du Val Suzon. Comme les autres, Adèle a subi les mêmes sévices corporels. L’enquête, qui commence dès le lendemain, disculpe rapidement les dernières personnes ayant croisé la jeunette ce matin-là. Toutefois, le portrait d’un étrange vagabond, toujours lui, est dressé par les gendarmes. L’homme est châtain, il porte une veste rapiécée, un pantalon gris, et n’a pas l’air bien finaud. Le procureur Fonfrède, en poste à Dijon, transmet les informations à ses confrères des régions voisines. Il faudra attendre deux ans avant que l’affaire du Bois-de-Chêne ne refasse surface.
A Belley dans l’Ain, le juge Emile Fourquet prend ses fonctions en avril 1897. Dès son arrivée, il s’intéresse de près à l’affaire non-élucidée du petit Victor Portalier, 16 ans, dont le cadavre a été retrouvé à Bénonces deux années auparavant. La lecture du rapport médico-légal choque le magistrat : « les anses intestinales sortent par une vaste plaie, de l’extrémité inférieure du sternum au pubis. C’est une éventration complète. Les parties sexuelles ont été enlevées avec un instrument tranchant. Au cou, nous observons trois plaies […]. La troisième plaie du cou est très profonde et a été portée avec beaucoup de violence ». La liste des sévices s’étale sur plusieurs pages. Intuitif, Fourquet fait ressortir les dossiers des affaires classées des dix dernières années, et notamment celle du bois d’Etaules. Un travail de fourmi. A l’issue de ses recherches, près de 30 affaires comportent des similitudes plus que troublantes. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute, un seul et même homme est à l’origine des meurtres. Reste encore à l’identifier. La presse, elle, en fait ses choux gras. Le « Jack l’éventreur du sud-est » est de toutes les manchettes. Août 1897 en Ardèche, Joseph Vacher est arrêté pour tentative de viol. Condamné à trois mois de prison, il est entendu à la fin de sa peine par le juge Fourquet qui lui trouve une franche ressemblance avec le vagabond « laid et nauséabond » qui semble n’être jamais très loin des lieux où les meurtres se produisent. Et puis il ressemble étonnamment au portrait établi par Fonfrède en 1895. Vacher est passé au grill. Sans détour, il balance tout. Oui, c’est bien lui qui a tué à Benonces, à Courzieu dans le Rhône en juin 1897 et à Etaules en 1895. « J’ai mené une vie errante, rôdant de ferme en ferme. J’ai mutilé, violé, tué au gré des rencontres et de la colère que je sentais monter en moi. Je préférais tuer des femmes parce qu’elles pleuraient et criaient davantage, ce qui m’excitait. […] Après les avoir estourbies, j’éprouvais un grand soulagement, ça me calmait pour quinze jours au moins ». Sur l’assassinat de la petite Mortureux, il ajoute « Cette gourdasse est passée au mauvais moment. Je me suis jeté sur elle, lui ai planté mon coutelas du côté gauche. J’ai dégrafé son corsage, relevé sa jupe pour lui rendre mes hommages ». Prolixe, il reconnaît être l’auteur de tous les crimes que le juge voulait lui imputer. Il en rajoute même une bonne poignée. Emile Fourquet n’en croit pas ses oreilles. Il tient l’un des premiers tueurs en série de l’histoire. Le rapport du professeur Lacassagne, sans nul doute très orienté par le juge Fourquet, conclut à la responsabilité de Vacher. Il sera donc jugé. Le procès s’ouvre le 26 octobre 1898 à Bourg-en Bresse. L’issue des débats, expéditifs, est sans surprise, Vacher est condamné à la peine capitale deux jours plus tard. Le soir de la Saint Sylvestre 1898, Vacher est guillotiné par un bourreau dijonnais, Louis Deibler. En rejoignant l’échafaud, Joseph Vacher s’adresse aux badauds venus assister au morbide spectacle : « C’est moi l’éventreur, regardez-moi bien. Je n’en veux pas aux juges mais à ceux qui m’ont martyrisé à la maison de fous de Dôle. Qu’ils connaissent les foudres de l’enfer, ces salauds » .
par Roald Billebault – 11/06/2009
L'autre Jack l'éventreur
Crédit photographique – Joseph Vacher – L'Express de Lyon illustré
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Joseph Vacher, un tueur en série de la Belle Epoque
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Joseph Vacher, l'éventreur
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Ardèche / Grandes affaires criminelles
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La racaille de la Belle Epoque
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