L’exécution du duc d’Enghien servit à l’ascension de Bonaparte. Les jacobins virent avec plaisir que le Premier Consul avait coupé les ponts avec les Bourbons et n’hésitèrent plus à lui accorder l’hérédité du pouvoir.
Dès 1803, à Londres, un complot avait été fomenté par Cadoudal en vue d’enlever le Premier Consul. Il fut éventé et Cadoudal, caché dans Paris, fut arrêté. Il avoua qu’il attendait, avant d’entreprendre son coup, l’arrivée d’un prince du sang. Bonaparte, averti, entra dans une violente colère. Croyant que ce prince était le duc d’Enghien, un Bourbon émigré en 1789 et alors réfugié à Ettenheim, en pays de Bade, il fit enlever ce descendant du Grand Condé par un peloton de cavalerie (nuit du 14 au 15 mars 1804). Le prisonnier fut conduit de Strasbourg au château de Vincennes.
Informé de l’arrivée imminente du prince, le Premier Consul, alors à Malmaison, avait envoyé une note au conseiller d’État Réal, avec ordre de procéder à l’interrogatoire du prisonnier. Par un incompréhensible retard, cette lettre ne fut remise à Réal que le lendemain à l’aube. Or, entre-temps, une commission militaire présidée par le général Hulin s’était constituée à Vincennes, sous la surveillance d’un aide de camp et homme de confiance de Bonaparte, le général Savary. Un premier interrogatoire eut lieu : le prince se fit gloire d’avoir combattu la France républicaine les armes à la main, dans le camp des émigrés, mais il repoussa avec horreur l’idée d’avoir comploté contre la vie du Premier Consul. Pour terminer, il demanda à voir Bonaparte. Savary refusa et, en pleine nuit, le procès commença. Le prisonnier protesta encore de sa bonne foi, mais reconnut qu’il avait récemment demandé aux Anglais de servir sous leurs ordres. Cet aveu l’emporta dans l’esprit des juges. L’accusé fut condamné à mort à l’unanimité. Quelques instants plus tard, il était fusillé à la lueur d’une lanterne dans les fossés de Vincennes (nuit du 20 au 21 mars 1804). Il semble que Bonaparte ait appris avec étonnement, sinon avec contrariété, la tragique nouvelle ; mais il en assuma toute la responsabilité.
L'Exécution du Duc d'Enghien
http://www.historia.fr/content/evenements/article?id=29188
Document 2001- Enlevé à l'étranger et condamné lors d'un procès inique voulu par Bonaparte, le duc d'Enghien est l'un des personnages mythiques de l'histoire de France. A l'aube du 21 mars 1804, il s'écroule, foudroyé par le feu d'un peloton d'exécution. Le descendant du Grand Condé rêvait de rétablir la monarchie. Il donne, sans le vouloir, un empereur à la France. Le duc d'Enghien n'est pas seulement l'acteur malheureux d'un drame politique. Hussard, il est le général « Va-de-Bon-Coeur » aux talents reconnus par les soldats de l'an II, ses ennemis. De Milan à Coblence, de Vienne à Saint-Pétersbourg, il est l'homme de cour aux mille conquêtes. Touriste intrépide, il parcourt les glaciers et escalade les Alpes. Passionné par les sciences naturelles, ethnologue à l'occasion, amateur de Gluck et de Mozart, il est homme des Lumières, curieux de toutes choses. Politique, il comprend que les changements de la Révolution sont en grande partie irréversibles. Inquiet, parfois jusqu'à l'angoisse, il partage avec les héros de Chateaubriand et de Musset le mal du siècle que seule Charlotte de Rohan-Rochefort sait apaiser. Tout en démêlant les fils d'un destin tragique tissé par la raison d'Etat et la déraison des hommes, Jean-Paul Bertaud nous entraîne à la suite du dernier chevalier de la France des rois, de la douceur de vivre de Chantilly aux fureurs parisiennes du 14 juillet, de Jemmapes à la bataille de Zurich, et des cazins de Turin aux isbas russes. Jean-Paul Bertaud, professeur émérite en Sorbonne (Paris-I), est un spécialiste reconnu de l'histoire de la Révolution et de l'Empire.
Éditeur Editions Fayard