Après avoir lu une dernière fois l'arrêt de mort, le greffier s'approche de la croix de Saint-André
où le condamné est attaché. Il lui demande si de dernières déclarations restent à faire puis, en réponse à son silence, fait signe au bourreau que le temps est venu. La barre de fer s'abat, le
corps est brisé. L'échafaud et le feu qui consumera le corps désarticulé offrent à la foule le spectacle de la justice. L'exécution publique à l'époque moderne a souvent été décrite par
l'historiographie comme un théâtre de peur, de violence et d'obéissance selon Michel Foucault et les historiens qui s'en sont inspirés, elle réparait sur le corps du condamné la souveraineté
divine et humaine blessée par le crime. Pourtant, les rituels judiciaires du châtiment s'inscrivent clans une réflexion plus large, plus complexe sur le droit et la morale : ils constituèrent un
dialogue constant, voire une négociation, entre le justiciable et l'homme de loi. L'objet de ce livre est de reconstituer ce dialogue. Au carrefour des paroles, des écritures et du spectacle,
Pascal Bastien entend expliquer les rituels de l'exécution dans le Paris du XVIIIe siècle bourreaux, condamnés, greffiers et confesseurs partagèrent et échangèrent, avec la foule et les
magistrats, un " savoir-dire " du droit qu'on aurait tort de réduire trop simplement à la potence ou au bûcher. Hors des tribunaux, où la procédure était tenue secrète jusqu'au droit
révolutionnaire, l'exécution publique fut un moyen de communiquer le droit par une mise en mots et en images du verdict. Elle fut aussi un instrument dynamique et efficace du lien social entre
l'État royal et ses sujets-, de fait, la peine devint au XVIIIe siècle l'espace et l'instant d'un nouveau jugement, celui des justiciables à l'égard de leur justice. Plus que le châtiment à
proprement parler, il s'agit ici de reconstituer et d'analyser les différentes articulations du spectacle de la peine à Paris au XVIIIe siècle. De la circulation des arrêts imprimés à la marche
du bourreau dans la ville, et des mots du greffier lancés à la foule à ceux du confesseur consolant le condamné, l'exécution publique se révèle comme un événement capable, malgré ses
contradictions internes, d'assurer une profonde cohérence à l'imaginaire judiciaire qu'elle participait à créer. Ce fut dans les rues de la ville que le Parisien attendait, espérait, consentait
ou contestait la justice du roi ...
L'exécution publique à Paris au XVIIIe siècle : Une histoire des rituels judiciaires.
Pascal BASTIEN.
Champ Vallon, 2006, collection Époques, 272 p., 24 €. ISBN : 2876734338
Né eu 1974, Pascal Bastien est professeur d'histoire moderne à l'Université du Québec à Montréal.
Liens utiles sur le blog
Les anciens bourreaux de quimper
Le gendarme édouard charlot résistant rémois décapité à
26 octobre 1553 : michel servet est condamné au bûcher
La fin d'une évidence : la peine de mort et ses alternatives
L'affaire weidmann …
Du palais de justice à la prison…
Patrick henry, le procès de la guillotine