Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog


http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/5/54/Penaud.jpg« On ne peut qu’être admiratif devant le nouveau défi lancé par Robert Hossein qui a décidé de présenter et d’animer à compter du 26 janvier 2010 une pièce de théâtre interactive ayant pour titre « L’Affaire Seznec ». Les spectateurs qui assisteront à ce spectacle auront à se prononcer à l’issue de la représentation sur la culpabilité ou l’innocence de Guillaume Seznec. Cette pièce représentera en fait le procès de 1924 qui a condamné l’enfant de Plomodiern au bagne. Lors de quelques interventions dans la presse, Robert Hossein mentionne qu’il ne donnera pas son opinion sur la culpabilité de Seznec avant la fin des représentations. Les faits seront-ils présentés en toute objectivité au public ? On peut en douter, puisque Robert Hossein a lui-même précisé qu’il avait soumis le manuscrit à Denis Le Her-Sezsnec, petit-fils et soutien indéfectible de Guillaume, avec lequel il a même prévu d’intervenir à la radio ou lors de conférences. En outre, il est prévu que Me Lombard, avocat de la famille Seznec, intervienne par projection cinématographique lors du spectacle. Compte tenu de tous ces éléments, il est d’ores et déjà certain que le résultat des spectateurs est acquis d’avance. Dommage que Robert Hossein n’ait pas donné également la parole à un historien qui rappellerait tout ce qui s’est passé dans cette affaire depuis 1924 et résumerait, hors de toute passion, cette affaire … »


Commentaire de Guy Penaud sur le blog de Philippe Poisson

Mercredi 27 janvier 2010 à 8h 39'


L'Enigme Seznec

Archives – Dans un nouveau livre sur la célèbre affaire criminelle, l'ancien commissaire Guy Pénaud conclue à la culpabilité de celui qui fut condamné au bagne à perpétuité en 1924

 

300 pages de dynamite. Un livre qui va faire mal. Très mal. Et qui arrive mal. Très mal. Le 5 octobre 2006, la Chambre criminelle de la Cour de cassation doit se réunir pour examiner la dernière demande en révision du procès de l'ancien condamné, dont la famille se bat depuis 83 ans pour obtenir sa réhabilitation. Le petit fils du bagnard, Denis Seznec, en a fait le combat de toute une vie, ne doutant naturellement pas de l'innocence de son grand-père. Derrière lui : une grande partie de l'opinion publique bretonne. Depuis quatre générations, la thèse de l'erreur judiciaire est transmise dans les familles comme un morceau de patrimoine identitaire. Elle confine parfois au religieux. Une foi qui s'impose d'évidence. Et à laquelle bien des personnalités du monde judiciaire ont fini par se convertir. D'ailleurs, moult témoignages et indices ne sont-ils pas venu conforter ce fait...?

Oui, mais non, répond le Périgourdin Guy Pénaud. L'historien et ancien commissaire de police n'a pas déterré le cadavre (jamais retrouvé) de Pierre Quémeneur. Pas plus n'a t-il mis à jour d'éléments nouveaux. En soit donc, pas de révélation choc. Alors quoi ? L'auteur s'est replongé dans le détail du dossier. Il a passé au crible les rapports, les pièces d'expertises, les déclarions, les témoignages. Un travail d'enquêteur classique. Mais avec deux attentions particulières : l'une sur la solidité des témoignages rapportés. L'autre sur la ou les logique(s) interne(s) que toute affaire criminelle porte en elle.

Bref rappel des faits : le 25 mai 1923, Guillaume Seznec et Pierre Quéméneur quittent la Bretagne à bord d'une Cadillac américaine, surplus de guerre, qu'ils vont tenter d'aller vendre à Paris dans ce qui pourrait être un trafic de voitures, peut-être à destination finale de la Russie bolchevique. Pannes et crevaisons ponctuent le voyage. Le 28 mai, Seznec est de retour chez lui, à Morlaix. Sans Quéméneur. Il explique que son compagnon a terminé son voyage en train, pendant que lui faisait demi-tour en raison du mauvais état de la voiture.

Le 2 juin, un inconnu se présente à Paris, dans un bureau de poste pour tenter de récupérer un chèque que Quéméneur s'était fait adressé avant son départ de Bretagne pour avoir des liquidités. 60 000 francs de l'époque. Une grosse somme. Erreur de rangement, les postiers ne trouvent pas la lettre-chèque. L'inconnu repart bredouille. Qui était-ce ? Mystère, mais... Seznec était bien dans la capitale ce jour-là.

Le 13 juin, un télégramme est adressé à la famille Quéméneur depuis le Havre : NE RENTRERAI QUE DANS QUELQUES JOURS TOUT VA POUR LE MIEUX. Plusieurs témoignages signalent un voyage de Seznec dans cette ville.

Le 15 juin, cependant, la famille dépose plainte pour disparition.

Le 20 juin, la valise de Quéméneur (ensanglantée et forcée) est retrouvée dans une salle d'attente de la gare du Havre. Or ce jour-là, Seznec est absent de chez lui. Il ne parvient pas à produire un alibi vérifiable. Dans la valise : le carnet de dépenses de Quéméneur. Visiblement, les deux dernières pages du carnet ont été rédigées par quelqu'un d'autre que son propriétaire. Elles concernent le détail des frais de route des deux hommes lors du voyage en Cadillac. Parmi les frais de restaurant, cette petite comptabilité indique aussi :

train Dreux-Paris : 11,40

Paris frais divers 127

train Paris-Le Havre 31,75

déjeuner 13 juin 1923 8,75.

Outre le fait que ceci n'est pas rédigé de la main de Quéméneur, l'enquête découvrira que les sommes ne sont pas exactes. Pour le train, il s'agit du tarif nominal de base SANS les taxes, comme indiqué dans le guide Chaix, de l'époque. Le vrai prix de ces tickets s'avère sensiblement supérieur. Question subsidiaire : pourquoi ce faux ? Manifestement pour accréditer la thèse d'une séparation des deux hommes à Dreux, Quéméneur poursuivant le voyage en train. Manifestement aussi pour accréditer la thèse du voyage vers Le Havre le 23 juin (avec une mention explicite qui cache mal l'intention du faussaire) et renforcer la crédibilité du télégramme. A noter que cette valise arrive dans un deuxième temps, alors que certains, dont le beau-frère du disparu accusent déjà ouvertement Seznec.

Mais ce n'est pas tout. Dans cette même valise : une promesse de vente à petit prix. Quéméneur cède sa propriété de Plouviro (dans les Côtes du Nord) à Seznec pour 35 000 francs, soit trois fois moins que ce qu'il demandait habituellement à d'autres acheteurs potentiels.

Convoqué à Paris, par la police le 28 juin, Seznec sort de sa poche son propre exemplaire du contrat de vente, expliquant qu'il a payé en réalité une somme supérieure. Contre la maison, il a aussi cédé 4 040 dollars en pièce d'or qu'il avait gagné à blanchir le linge de l'US Army, à Brest. A l'en croire, Quéméneur aurait glissé la petite boîte de carton dans son veston. Sauf que, vérification faite, 4 040 dollars en pièces ne tiennent pas dans pas dans un si petit volume. Il y en a même pour 6 kilos. La remise du deuxième exemplaire (celui que Seznec présente) vient aussi confirmer que... ces contrats sont des faux. Assez grossiers au demeurant. Un néophyte peut remarquer que la mention manuscrite figurant en bas de feuille est strictement identique. Et ce, au milimètre près. Pourquoi ? Parce que la phrase de l'écriture de Quéméneur a été décalquée par transparence. Les enquêteurs retrouvent d'ailleurs la mention originelle. Elle figure tout simplement dans un autre contrat commercial de Quéméneur avec un tiers. Signé récemment, ce document se trouvait lui aussi dans la valise. Le faussaire s'en est servi pour fabriquer les faux. Partant de là, la machine judiciaire se referme implacablement sur Seznec.

Le 6 juillet, la police rennaise perquisitionne chez lui à Morlaix et découvre... une machine à écrire dont les caractères correspondent avec les contrats dactylographiés. Seznec dit ne rien savoir de cette machine qui ne lui appartient pas. Elle est découverte dans un hangar de sa scierie où l'on peut entrer comme dans un moulin. Grâce au numéro de série, les enquêteurs découvrent sans peine que la machine a été achetée... au Havre, le 13 juin. La vendeuse se souvient de l'acheteur. Tout comme deux commerciaux qui avaient voyagé dans le même compartiment que lui dans le train arrivant de Paris et le retrouvent dans la boutique de machines à écrire.

Devant ces faits, l'affaire est vite entendue. Les assises de Quimper condamnent Seznec au bagne à perpétuité. Le breton sauve sa tête car l'un des jurés ne connaît pas le sens du mot "préméditation" et répond non à ce chef d'accusation.

 Que faire alors des témoignages qui infirment cette thèse. Il y en a trois majeurs :

- François Le Her, contrôleur du métro qui affirme avoir vu Quéméneur après sa disparition, sur sa rame. Le témoignage est capital, mais pas véritablement corroboré. Il en va de même de plusieurs autres personnes qui disent avoir vu Quéméneur, mais dont les propos sont sujet à caution.

- Les matelots de la gabarre Marie Ernestine qui, naviguant sur la rivière Le Trieux, affirment avoir entendu des coups de feu dans la propriété de Plourivo le 25 mai 1923. Il semble qu'il se soit agit en fait de coups tirés par des participants à un mariage. Le concierge des lieux mariait sa fille ce soir-là.

- Colette Noll, ancienne résistante, affirme avoir été arrêtée puis torturée, pendant la guerre, par des policiers au nombre desquels se trouvaient l'inspecteur Bonny et Boudjema Gherdi. Or si le premier participait à l'enquête, le second a été désigné -en 1925- par Seznec comme étant l'interlocuteur que lui et Quéméneur allaient voir à Paris le fameux 25 mai.

Replongeant dans les pièces de police de l'époque, Pénaud amoindrit le rôle de Bonny dans cette enquête, argumentant qu'il n'avait à l'époque qu'un rôle subalterne. Les rapports le montrent en charge des vérifications mineures et autres corvées de la procédure. Le pilotage revenant à son supérieur, le commissaire Vidal. Pour l'auteur, oui Gherdi a bien existé, mais non, rien n'indique que ce vendeur de pièces automobiles fût en affaire avec Quéméneur. D'après les archives, cet homme n'aurait jamais eu de casier. Enfin, aucun document ne vient corroborer le fait qu'il ait travaillé comme supplétif des autorités d'occupation. En revanche, l'auteur concède qu'un maghrébin appelé "Charly" ou "Charles Ali" travaillait bien pour les occupants. S'agissait-il vraiment du même homme ? Pénaud en doute.

L'auteur revient sur chacun de ces éléments avec une précision clinique, beaucoup de détails et un esprit cartésien. Pour lui, la logique se dessine d'elle-même : un différend a opposé les deux hommes. Quéméneur serait mort sur le bord de la route près de Houdan. Seznec aurait décidé de faire demi-tour, probablement en ramenant le corps pour le brûler dans sa scierie. Il aurait ensuite tenté de récupérer l'argent qui l'attendait à Paris, puis sentant les regards se tourner vers lui, il aurait envoyé le faux télégramme du Havre, prévoyant dès ce moment de rédiger un faux pour s'accaparer de la maison du mort à moindre frais.

Au terme de la démonstration, il est assez difficile d'opposer des arguments en faveur d'une thèse différente. Plusieurs remarques méritent cependant d'être faites :

- on trouve d'abord une coïncidence dans le dossier. Le hasard aurait voulu que les deux commerciaux assistant à l'achat de la machine à écrire du Havre se soient aussi trouvés... dans le compartiment du train où Séznec voyageait depuis Paris. Une probabilité sur 50 ou sur 100 en fonction du nombre de wagons en service ce jour-là. Cela semble un petit détail de rien du tout, ce n'est pratiquement rien au regard de toute la masse d'informations, mais... cela reste troublant. Et ceci d'autant plus que la jeune vendeuse ayant reconnu Seznec est revenue sur son témoignage plus de 80 ans après les faits. Mais la vieille dame de 1993 souffrait de la maladie de Alzheimer.

- la perquisition durant laquelle les policiers découvrent la machine à écrire chez Seznec n'est pas la première, mais la 3ème. Une banale erreur de procédure contribue aussi à semer le doute.

- si Seznec est coupable, c'est uniquement à la fin de la séquence d'événements qu'il scelle son sort : il n'y a rien de matériel contre lui après la disparition de Quéméneur. Il contribue à faire croître la suspicion en se rendant à Paris pour tenter de toucher l'argent du mort puis en allant au Havre, une fois pour expédier un faux télégramme, une fois pour abandonner la valise. En présentant lui-même, le 28 juin, son exemplaire de l'acte de vente de Plourivo, il se piège définitivement. Or, jusqu'à cette seconde, rien de l'accuse formellement. Selon la thèse de la culpabilité, on aurait donc un homme qui, sentant tous les regards se tourner vers lui, prend quand même le risque de tenter une captation de bien. Et quel risque... Celui d'y laisser sa tête.


L'Enigme Seznec

par JMP le 20/09/2006

L'actualité en Bretagne

http://www.breizhoo.fr/informations/actualite-5134-l-enigme-seznec.html

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :