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http://www.decitre.fr/gi/99/9782070400799FS.gifDocument août 1996 - Au lendemain de la Grande Guerre, le nouveau Gobernador du bagne, héros et gueule cassée, débarque à Cayenne pour y prendre ses fonctions.

Il est accompagné de sa femme, l'admirable infirmière qui le soigna, et de leur fille Chrétienne âgée de sept ans. Si le bagne représente pour les parents le lieu de l'expiation, de la rédemption, voire du salut, il est pour l'enfant celui d'une longue descente aux Enfers. Confiée aux bagnards, élevée, habillée, coiffée par les plus endurcis des criminels et les plus tendre des voyous, Chrétienne apprend la vie.

Dans sa jubilation et sa cocasserie, cette " Alice au pays des démons " est une superbe création littéraire dont la poésie désespérée ne peut être que le violent exorcisme de l'enfance.

La fille du Gobernator

Paule Constant

Poche

Paru le : 01/08/1996

Collection : Folio



Ce titre dans d'autres formats & éditions

La fille du Gobernator
(Gallimard (Éditions))

 

 

Lire, septembre 1994 - Saint-Cayenne

Mysticisme et dévouement dans l'enfer du bagne, ou la drôle de vie du gouverneur de Cayenne, de sa femme et de sa fille, Chrétienne, 7 ans.

« Dans l'épouvante le sourire. » On pense à cette image chère à Jouhandeau quand on lit La fille du Gobernator. Telle une personne qui se gondolerait pour cacher qu'elle se tord de douleur, Paule Constant provoque le fou rire en plein cauchemar. Son roman nous fait voir le bagne de Cayenne par les yeux d'une petite fille de sept ans. Elle s'appelle Chrétienne, comme une sainte du XIIIe siècle qui consacra sa vie aux lépreux. Ses parents ont dans le sang la vocation du martyre. Le père, seul survivant de son bataillon pendant la Grande Guerre, et surnommé « le boucher d'Ypres », est une « gueule cassée ». Prise de frénésie altruiste, son infirmière a épousé ce défiguré. Et c'est pour « donner sa chance à l'espérance » qu'ils ont conçu Chrétienne. « Cayenne avait semblé au couple le lieu idéal pour mettre à exécution leur double attirance pour le néant et le malheur, la réparation et la fustigation. » Là-bas, quand arrive le nouveau gouverneur, ou gobernator, l'administration guyanaise compte sur lui pour mater les fortes têtes. Erreur : il vient pour s'immoler. Surnommés « Dieu le Père » et « la Mère de Dieu », le gouverneur et sa femme ont choisi pour domestiques des criminels au casier le plus chargé possible. Des « perpètes » qui, pour être bien vus de leurs maîtres mystiques, se font passer pour d'anciens ecclésiastiques. Leur chef s'appelle Saint-Jean, ce qui est fort seyant en cette apocalypse tropicale.

 

Tandis que ses géniteurs se livrent chaque jour à de nouvelles mortifications, Chrétienne part à la découverte du bagne et de ses environs. Elle est à la fois fascinée et révulsée par quatre bocaux où sont conservées dans le formol des têtes de condamnés que la « guillotine sèche » n'avait pas réussi à amender.

 

Elle traîne à l'infirmerie, où elle apprend ce que sont la puce-chique, le ver-de-biche et autres purulences. Dieu merci, le personnel est plus efficace que son infirmière de mère qui « aime moins guérir que soigner, comme ces panseuses de Lourdes qui maintiennent les plaies en bon état pour laisser sa chance au miracle ».

 

Chrétienne se dévoue à sa façon en créant un hôpital de poissons et en nourrissant de ses crachats une colonie de fourmis. Mais elle est souvent contrariée dans ses amitiés animales. On l'a séparée d'un couple de crapauds-buffles qu'elle chérissait. Elle ne reçoit que dédain de la part d'un chien errant qu'elle rêve d'avoir pour confident. Et elle n'est vraiment pas fière des circonstances dans lesquelles meurt un chiot qu'elle adore. Avec les bêtes, Chrétienne s'exalte. Devant les chrétiens elle joue l'extase. Elle va dans le quartier des notables faire son numéro de Bernadette Soubirous en grande conversation avec l'Immaculée Conception, laquelle s'avère d'ailleurs très mauvaise langue. Et puis son imagination s'envole dans une folle aventure, conduite par un tout petit Chinois, grand assassin, dont la destinée est également gratinée. La verve de Paule Constant, sa drôlerie vacharde, donnent à ce cercle de l'enfer une allure de cirque. Avec une sacrée ménagerie : l'agouti, le zombic, les requins... La tortue se transforme en rôti de veau et ces drôlesses d'otaries présentent une torride performance de « grandes jouisseuses ». Mais la grande vedette c'est le pataouasse. Ah ! Le pataouasse ! Loin du réalisme dénonciateur d'un Albert Londres ou des fantaisies boulevardières d'un Albert Husson - qui se rappelle le succès de La cuisine des anges ? -, Paule Constant apporte à l'abondante littérature sur le bagne la contribution « hénaurme » qui lui manquait. Elle a connu Cayenne petite fille. Inutile de savoir ce que Chrétienne doit à l'expérience de Paule pour comprendre que ce pittoresque, cette cocasserie, cet humour sont les remparts d'une grande pudeur face à des cruautés qui la dépassent.

Jean-Pierre Tison


LA FILLE DU GOBERNATOR par Paule Constant.

http://www.pauleconstant.com/FDGpresse.html

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