Document 04/09/2011 - Voici les héros magnifiques d'une page
d'histoire occultée : les soldats de la Nueve.
Selon les manuels d'histoire, la libération de Paris a commencé le 25 août 1944, quand la fameuse 2e DB du général Leclerc a pénétré dans la capitale par la porte d'Orléans. En réalité, Leclerc a lancé l'offensive dès le 24 août en donnant l'ordre au capitaine Dronne, chef de la 9e compagnie, d'entrer sans délai dans Paris. L'officier, passant par la porte d'Italie, a foncé sur le centre de la ville à la tête de deux sections de cette 9e compagnie appelée la Nueve.
Le premier véhicule de la Nueve est arrivé place de l'Hôtel-de-Ville le 24 août 1944 peu après 20 heures, «heure
allemande». Le soldat Amado Granell - le premier libérateur de Paris ! - en est descendu pour être aussitôt reçu, à l'intérieur de la mairie, par Georges Bidault, président du Conseil national de
la Résistance, successeur de Jean Moulin.
Comme 146 des 160 hommes de la Nueve, Granell était... un républicain espagnol !
Le 26 août, de Gaulle descendra les Champs-Élysées escorté et protégé par quatre véhicules de la Nueve. Amado Granell et sa voiture blindée ouvriront le défilé.
Rescapés de la guerre civile contre Franco, engagés dans l'armée de la France libre, les républicains espagnols de la Nueve
libéreront ensuite l'Alsace et la Lorraine, se battront en Allemagne. Sur les 146 qui avaient débarqué en Normandie, seuls 16 d'entre eux seront encore là pour pénétrer - les premiers ! - dans le
nid d'aigle d'Hitler, à Berchtesgaden.
Evelyn Mesquida rend justice à ces héros oubliés de la liberté. Elle donne la parole à ceux qui ont survécu.
Evelyn Mesquida, journaliste, écrivain, est présidente
d'honneur de l'Association de la presse étrangère à Paris et vice-présidente du Club de la presse européenne. Elle est l'auteur de La Mémoire entre silence et oubli. Les soldats oubliés de la
libération de Paris (Presses de l'université de Laval, Québec, 2006) et de Sorties de guerre des hommes de la Nueve (Presses universitaires de Rennes, 2008).
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La revue de presse Michel Lefebvre - Le Monde du 25 août 2011
La Nueve, 24 août 1944, sous-titré Ces républicains espagnols qui ont libéré Paris relate de manière très fouillée cet épisode oublié de l'histoire de la seconde guerre mondiale en mettant en avant les portraits de dix soldats de la Nueve. L'épopée du capitaine de cavalerie Philippe de Hauteclocque, qui va devenir le général Leclerc, de Douala, en 1940, à Berchtesgaden en 1945, du serment de Koufra à la prise de Strasbourg, a fait l'objet de nombreux ouvrages...
Jorge Semprun, dans la préface du livre, expliquait qu'ils furent non une "poignée d'hommes" mais "des dizaines de milliers qui luttèrent, dans tous les combats de l'armée française". Rien que pour la libération de Paris, on parle de 4 000 Espagnols, résistants et militaires de la France libre, engagés.
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Les courts extraits de livres : 04/09/2011
Extrait de l'introduction - La majorité des hommes qui composaient la Nueve avaient moins de 20 ans lorsqu'ils prirent les armes, en 1936, pour défendre la République espagnole : les survivants ne les déposeraient que huit ans plus tard.
Presque tous ces soldats étaient arrivés en Afrique venant des camps de concentration français où on les avait internés à la fin de la guerre d'Espagne. Dans ces camps, on leur avait donné le choix de s'enrôler dans la Légion étrangère ou de rentrer au pays. Aucun n'avait hésité.
Disséminés en Afrique au sein des armées régulières de Pétain, beaucoup désertèrent pour rejoindre Leclerc, lorsque celui-ci organisa l'armée de la France libre. Avec lui, ils combattirent et triomphèrent dans tous les combats livrés, y compris contre l'Afrikakorps, les troupes du maréchal Rommel, pourtant réputées invincibles.
Lorsque le général Leclerc forma sa fameuse 2e DB, en 1943, les Espagnols représentaient déjà une force importante au sein de son armée. Tous, ou presque, furent alors regroupés en un bataillon composé de quatre compagnies, dont chacune abritait plus d'un tiers d'Espagnols, à l'exception de la neuvième, espagnole par excellence, où même la langue officielle et le commandement étaient espagnols.
Dans ce bataillon d'infanterie craint et respecté, la Nueve avait pour mission de se tenir à l'avant-garde et d'affronter l'ennemi en première ligne. Même s'ils les considéraient comme des individualistes et des idéalistes quelque peu insensés, leurs supérieurs leur reconnaissaient également une vaillance extraordinaire, le courage de ne jamais reculer ni céder un pouce du terrain conquis.
D'après Raymond Dronne, capitaine de la Nueve, ces soldats, que beaucoup voyaient comme des rebelles, « n'avaient pas l'esprit militaire. Quelques-uns étaient même antimilitaristes. Mais ils étaient de magnifiques soldats, des guerriers courageux et expérimentés ». S'« ils avaient spontanément et volontairement épousé notre cause», concluait-il, c'est parce «qu'elle était la cause de la liberté ».
Au sein des armées du général Leclerc, la Nueve se prépara en Afrique et en Angleterre, débarqua en Normandie à la fin du mois de juillet 1944, libéra Paris, et endura les plus durs combats pour libérer l'Alsace et sa capitale, Strasbourg. Elle parvint, enfin, jusqu'au bunker d'Hitler, à Berchtesgaden.
Pendant tout le conflit, sur chaque tombe des compagnons morts au combat, les hommes de la Nueve déposaient un petit drapeau républicain espagnol.
Sur les 144 soldats espagnols enregistrés dans la Nueve avant le débarquement de Normandie, il n'en restait plus que 16 valides à la fin de la guerre.
Auteur : Evelyn Mesquida
Préface : Jorge Semprun
Postface : Michel Roquejeoffre
Traducteur : Serge Utgé-Royo
Date de saisie : 04/09/2011
Genre : Histoire
Éditeur : le Cherche Midi, Paris, France
Collection : Documents. Histoire
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