Document 2010 - Qu'Aristide Bruant, parfois
bien mal inspiré, ait écrit cette chanson plus de cinquante ans après les insurrections lyonnaises montre bien l'importance qu'elles ont eue dans l'histoire sociale de la France.
En 1831, plusieurs dizaines de milliers d'ouvriers, dispersés dans des milliers d'ateliers, sans organisation, se révoltent pour obtenir de meilleurs salaires et se rendent maîtres de la ville. Quelques vagues promesses suffisent à leur faire abandonner les positions conquises et reprendre le travail, Elles ne seront pas tenues, et les ouvriers en tireront la conclusion que ce régime de Louis-Philippe qu'ils avaient contribué à instaurer en 1830 est le ferme allié de leurs adversaires, ces soyeux qui prospèrent par leur travail.
Contournant la loi qui leur interdit de former des syndicats, ils s'organisent en associations. Le Pouvoir, né de l'émeute populaire, ne craint rien autant que la puissance que peut représenter
les ouvriers coalisés. En 1834, il projette d'interdire leurs associations. A Lyon, pour les défendre, des ouvriers et des républicains déclenchent une insurrection. Mais le Pouvoir a tiré la
leçon de celle de 1831, et des milliers de soldats sont à pied d'œuvre pour les écraser.
Comme ce sera le cas à l'époque ailleurs en France, puis tout au long du XIXe siècle, c'est une répression aveugle et sanglante qui s'abattra sur les quartiers populaires de Lyon. Ces
insurrections de Lyon ont révélé en France l'antagonisme fondamental entre ces deux nouvelles classes alors en plein essor, la bourgeoisie capitaliste et la classe ouvrière. Dans ce livre paru
pour le centenaire de celle de 1831, Jacques Perdu en expose le contexte et le déroulement en s'appuyant essentiellement sur des témoignages de l'époque.
Broché
Paru le : 08/02/2010
Éditeur : Spartacus
Collection : Cahiers Spartacus 1936-2006
1831 et la révolte des canuts à Lyon ; 1848 et l'insurrection des journées de Juin ; 1871 et la Commune de Paris :
trois soulèvements, violemment réprimés, qui ont marqué l'irruption du monde ouvrier sur la scène politique. Et la mémoire de la gauche socialiste.
Les Barbares qui menacent la société ne sont point au Caucase ni dans les steppes de la Tartarie : ils sont dans les faubourgs de nos villes manufacturières ! » s'exclame Saint-Marc Girardin, dans Le Journal des débats , au lendemain de la révolte des canuts lyonnais en 1831. « L'émeute s'est battue aux cris de «Vive la république sociale !» et comme commentaire de ce cri de ralliement, elle a écrit sur plusieurs de ses drapeaux «pillage et viol» » , s'insurge un journaliste inconnu du Constitutionnel , après les journées de juin 1848. Et voici l'essayiste Paul de Saint-Victor, enfin, décrivant « l'orgie rouge » de la Commune de 1871, guerre « à la civilisation, à la société et à la patrie » , dans un Paris « devenu l'égout collecteur de la lie et de l'écume des deux mondes... » où une « vapeur d'alcool flottait sur l'effervescence de la plèbe... » . On est bien loin des philanthropes des années 1840 découvrant avec apitoiement la question sociale. Et pourtant, au-delà du discours de la peur et de la haine, quoi de commun entre les trois événements ? Les faits d'abord. La révolte des « canuts » de Lyon, en 1831, a pour elle l'antériorité ; mais elle n'a pas l'éclat sinistre de 1848 et 1871. Elle s'enferme en quelques journées de désordre, à partir du dérapage, le 21 novembre au matin, d'une émotion populaire maladroitement contrôlée ; on s'empare d'un général, d'un préfet, on guerroie un peu partout dans la ville, pendant deux jours, et les insurgés s'en retrouvent...
Le temps de la lutte des classes
Par Yves Lequin
publié dans Les Collections de L'Histoire n° 27 - 04/2005 Acheter Les Collections de L'Histoire n° 27 +