C'est l'histoire d'une femme réduite à ses fesses, d'une proéminence exceptionnelle. Emmenée loin de sa patrie,
l'Afrique du Sud, elle fut exposée en Europe, vivante... puis morte. Les restes du corps ont quitté le musée de l'Homme l'année dernière. Et sont devenus un enjeu identitaire dans son pays
d'origine. Récit. Document archive.
Au début de l'année 2002, l'affaire fit grand bruit. Côté sud-africain : satisfaction officielle et réjouissances chez les activistes indigénistes. La campagne de presse menée depuis la libéralisation du régime d'apartheid en 1990 atteignait enfin son objectif. Côté français : c'était la fin du silence gêné observé par les politiques et les responsables du musée de l'Homme. La France s'apprêtait officiellement à restituer à la République d'Afrique du Sud les restes d'une femme dite la « Vénus hottentote ». Exhibée comme une bête de foire en Europe au début du XIXe siècle, celle-ci était morte à Paris en 1815. Son cadavre avait été disséqué par Georges Cuvier, le plus grand naturaliste de l'époque, puis son squelette et quelques autres parties de son corps avaient rejoint le musée de l'Homme, à Paris, où ils furent conservés près de deux siècles. Dans un climat général de repentance, et avec une belle unanimité, les députés français ont voté le 6 mars 2002 une loi permettant le retour de la dépouille mortelle dans sa terre natale. Retour effectué le 29 avril. L'enterrement a eu lieu le 9 août 2002, en présence du chef de l'État sud-africain, Thabo Mbeki, et en l'absence remarquée de tout représentant officiel de la France. Qui était donc cette femme dont le corps, de son vivant comme après sa mort, fut utilisé à de multiples fins ? Une version hagiographique de sa vie fait de la Vénus hottentote une victime emblématique, martyre tour à tour des persécutions esclavagistes, de l'oppression coloniale, de la domination masculine puis de...
Les tribulations de la Vénus hottentote
Par François-Xavier Fauvelle-Aymar
publié dans L'Histoire n° 273 - 02/2003 Acheter L'Histoire n° 273 +
Terre de conquêtes, de violences et de métissages, le Sud de l'Afrique fascine: ce furent d'abord les pionniers
africains, nomades ou défricheurs, qui découvrirent et transformèrent ces immensités.
Puis des voyageurs d'Occident abordèrent le cap de Bonne-Espérance, croyant y voir briller les feux de l'Inde. Ceux qui vinrent ensuite convoitaient le bétail, la terre, le diamant et l'or. L'histoire de l'Afrique du Sud est celle d'un long peuplement qui, depuis des siècles, redessine les frontières et bouleverse les identités. Dans la fournaise de ce creuset, les hommes mêlent leurs sangs et leurs croyances, forgent leurs différences : Noirs et Blancs, Coloureds, Indiens, Afrikaners, Zulu, Khoesan...
Qui sont-ils, ou plutôt qui veulent-ils être ? Cette histoire africaine est aussi hantée par les multiples visages de la domination et de la soumission. L'apartheid, cet idéal délirant d'ordonnancement du monde, de mise en fiche de l'identité humaine, voulait arrêter le temps, celui qui métisse les peaux et mélange les cultures. Mais l'histoire a repris son cours. Comme un défi à son passé, l'Afrique du Sud continue de s'inventer.
François-Xavier Fauvelle-Aymar
Broché
Paru le : 05/01/2006
Éditeur : Seuil
Collection : L'Univers historique
L'auteur en quelques mots ...
François-Xavier Fauvelle-Aymar est né en 1968.
Formé au Centre de recherches africaines à l'université Paris 1-Panthéon Sorbonne, docteur en histoire, il est chercheur CNRS à l'Institut d'études africaines d'Aix-en-Provence. Ses recherches
portent sur l'Afrique australe, et tout particulièrement sur les récits de voyage, l'histoire du peuplement, la construction des identités.
Lien utile sur le blog