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http://www.decitre.fr/gi/41/9782847343441FS.gif«M. Henri Ducasse, député, a dit qu'il allait cesser ses relations avec Sarah Bernhardt attendu qu'il l'avait surprise avec le comte de Rémusat, son collègue à l'assemblée (...). il a ajouté qu'il ne comprenait pas comment cette actrice consentait à recevoir des hommes aussi âgés. Il est bon de remarquer que M. Ducasse est lui-même très âgé, et déplus infirme (...).»

Les archives de la préfecture de police recèlent un trésor inexploité : le registre BB/1 des femmes soupçonnées de prostitution clandestine, fichées par les agents des moeurs dans les années 1860-1870. Cette collection de rapports dévoile l'identité des clients et constitue de ce fait un redoutable instrument de surveillance du Tout-Paris politique, financier et mondain. Plus de 400 «cocottes», ou prétendues telles, y figurent, parfois accompagnées de leur photographie. Se distinguent des étoiles du demi-monde à l'image de Félicie Marmier, élève de la Légion d'honneur, nièce de général et d'académicien, qui compte parmi ses amants marquis, comtes, ducs et princes du Gotha. D'autres connaissent une destinée moins brillante comme Louise Fasquelle, malheureuse syphilitique «qui n'est plus reçue nulle part». Cette source, bien plus qu'un répertoire pittoresque et grivois de la prostitution huppée, éclaire les coulisses du Second Empire et des premières années de la Troisième République. Gabrielle Houbre, spécialiste d'histoire sociale et culturelle du XIXe siècle, met au jour avec ce registre les mécanismes érotiques et mercantiles à l'œuvre dans cette société. Qui sont ces courtisanes ? Qui sont leurs clients ? Comment vivent-elles ? Derrière l'éclat apparent et éphémère de vies soumises aux caprices de la fortune, on mesure la somme d'exploitations et de contraintes ; pour autant, se lit aussi la capacité à subvertir les règles du jeu vénal au profit d'une possible liberté.

Enseignante-chercheuse à l'université Paris VII-Denis Diderot, membre de l'Institut universitaire de France, Gabrielle Houbre a notamment publié La Discipline de l'amour : l'éducation sentimentale des filles et des garçons à l'âge du romantisme (Pion, 1997), Histoire de Ici grandeur et de la décadence de Marie Isabelle, modiste, dresseuse de chevaux, femme d'affaires, etc. (Perrin, 2003), et Histoire des mères et filles (La Martinière, 2006).

Extrait du livre :
Portraits et pratiques des courtisanes

http://multimedia.fnac.com/multimedia/images_produits/ZoomPE/1/4/4/9782847343441.jpgL'époque s'y prête parfaitement depuis l'invention, en 1854, du portrait au format carte de visite par Eugène Disdéri, permettant de produire beaucoup de clichés et à moindre prix. À partir de 1860, les petites images rectangulaires emportent l'adhésion enthousiaste des gens du monde et des célébrités et assurent du même coup la fortune d'un nombre croissant de photographes : ils sont alors deux cent sept à posséder un atelier, contre cinquante-six en 1849. Le succès des photographies-cartes de visite se reflète largement dans le déploiement sauvage qui en est fait dans les vitrines de leurs auteurs, mais aussi dans celles des marchands d'estampes, des papetiers et des boutiques spécialisées en curiosités. Henri d'Audigier, chroniqueur à La Patrie, s'offusque d'un tel spectacle qui exhibe les «honnêtes femmes» en même temps que les actrices : «passe pour ces demoiselles qui se font croquer sous les costumes les plus incomplets et dans les attitudes les plus... pittoresques. [...] Mais si j'avais l'honneur d'être le mari de telle femme estimable et charmante, dont le portrait est en vente, il me répugnerait de penser que ce portrait peut tomber dans certaines mains et être affiché dans certaines col­lections» et de déplorer que «pour un franc cinquante, le premier gandin qui passe sur le boulevard peut acquérir en photographie la plus jolie, la plus noble, la plus vertueuse femme de Paris». On comprend mieux alors la facilité avec laquelle le personnel de la préfecture a pu réaliser son éloquente collection qui fait songer aux galeries des célébrités en vogue au même moment : ainsi la photo­graphie de Anna Deslion, à la pose étudiée - attitude réfléchie, livre à la main et crinoline opulente rehaussée d'un imposant ruban rayé -provient d'une planche de huit photographies-cartes de visite réalisée en 1858 par Disdéri. Des tirages ont ensuite été proposés à la vente avant que l'un d'entre eux soit acheté, ou plus vraisemblablement réquisitionné, par les agents des moeurs, à moins qu'il n'ait été fourni directement par la courtisane...

 

Le livre des courtisanes , Archives secrètes de la police des mœurs (1861-1876)
Essai (broché). Paru en 12/2006

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