Arlette Lebigre, historienne du droit et une des pionnières de l’histoire de la
police d’Ancien régime s’y était essayée avec succès il y a plus de 15 ans (Meurtre à la cour du roi soleil, 1994), l’idée du polar historique
à l’époque du « grand siècle » a été brillamment reprise par un diplomate-cuisinier, Jean-François Parrot qui, sans doute pour se distraire
de l’ennui de ses fonctions en Guinée-Bissau, a imaginé un personnage de commissaire au Châtelet assez atypique. Ce dernier, Nicolas Le Floch (en réalité fils naturel d’un aristocrate breton, le
marquis de Ranreuil), homme de confiance et commissaire « aux affaires extraordinaires » des lieutenants généraux Sartine puis Le Noir, d’enquête en enquête, de crime(s) mystérieux en
missions occultes (à Londres ou à Vienne), nous entraîne dans le Paris de la 2e moitié du 18e siècle et à Versailles où cet attachant personnage se rend
indispensable à Louis XV, Mme de Pompadour, comme à Louis XVI et Marie-Antoinette…
Avec lui, le lecteur traverse des événements authentiques (le drame des fêtes du Dauphin, place Louis XV en 1770, la mort de Louis XV, la guerre des farines, les réformes de Turgot) et diplomatiques (les rapports avec l’Angleterre, les événements d’Amérique…) et s’immerge de façon très originale dans une période que l’auteur rend à merveille dans sa complexité, sa richesse et ses contradictions.
C’est enlevé, superbement écrit — les dialogues sont un régal
constant — et, d’épisode en épisode, l’auteur montre une connaissance de plus en plus fine de la période et de la société, résultat de lectures bien exploitées.
On passera sur quelques tics : la résolution finale de l’énigme qui nous ramène au genre Hercule Poirot, les descriptions multiples et à la longue un peu lassante de soupers gargantuesques et de recettes authentiques (on croirait lire Rowley ou Flandrin…), une gestion parfois erratique du temps dans la continuité des épisodes, des réminiscences « proustiennes » et introspections un peu trop systématiques du héros, pour se laisser emporter par le style et les intrigues bien troussées.
La télévision a d’ailleurs flairé le « bon produit » et plusieurs épisodes ont donné lieu à des téléfilms assez réussis (costumes, décors, ambiance, reconstitutions…).
Tous les titres sont à lire (chez Lattès), avouons cependant notre faible pour Le crime de l’Hôtel Saint-Florentin(2004), Le Sang des farines (2005), Le Cadavre anglais (2007), Le Noyé du Grand canal (2009).
Nul doute que d’ici la Révolution (et pourquoi pas après !), le héros risque de connaître encore de nombreuses aventures ! (Lettre aux amis de la police (et de la gendarmerie) 2010/04)
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