Document 2007 - Le 2 octobre 1833, en présence d'une foule considérable, Pierre Martin, sa femme Marie
et leur commis Rochette sont décapités devant leur auberge de Peyrebeille, aux confins de l'Ardèche et de la Haute-Loire.
Depuis dix ans, la rumeur courait que des voyageurs y avaient échappé à l'assassinat ; mais tous avaient refusé de parler. Jusqu'à ce que témoigne un certain Enjolras, dont le récit déclencha
l'affaire en 1831... Très vite, le terme d'" Auberge rouge " vint à désigner un gîte louche dont on n'est pas certain de ressortir vivant. Convaincus de vols et de meurtres barbares, les époux
Martin y auraient, en l'espace de vingt ans, dévalisé et tué des dizaines de voyageurs naïfs, avant de consumer leurs corps dans des circonstances dignes d'un film d'horreur...
Fait divers sordide ou procès politique ? Pièces d'époque en main, Gerald Messadié relève les anomalies de l'instruction et interroge :
pourquoi tant de voyageurs riches séjournèrent-ils sans dommage à Peyrebeille ? Pourquoi tant d'aristocrates locaux s'exprimèrent-ils en faveur de Martin ? L'énigme de l'" Auberge sanglante "
fut-elle l'expression d'un règlement de comptes entre chouans ardéchois, nobles spoliés et bourgeois enrichis par la Révolution ? Le plus célèbre fait divers du XIXe siècle ne serait-il qu'une
incroyable machination judiciaire, ourdie à la faveur du changement de régime survenu en 1830 ?
Broché
Paru le : 21/11/2007
Éditeur : L'Archipel
L'auteur en quelques mots en 2007...
Biographe et historien né en 1931, Gerald Messadiéa publié de nombreux essais sur les croyances, les cultures et les religions.
Les éditions de l'Archipel ont publié ses fresques historiques Jeanne de l'Estonie (2003) et Saint-Germain, l'homme qui ne voulait pas mourir (2005), ainsi qu'une biographie romanesque de Marie-Antoinette, La Rose écrasée
(2006). Son œuvre est traduite dans le monde entier.
Un contexte politique défavorable aux accusés
www.pointsdactu.org/article.php3?id_article=1018
T. Boudignon fait le lien avec le contexte historique local des affaires des forêts royales. Suite à la mise à mal du droit d’usage de ramassage du bois, qui restreint la liberté des paysans, des
scieries sont incendiées et du bois est coupé frauduleusement. La gendarmerie bat même en retraite contre les bandes de « coupeurs » nocturnes. L’auteur compare ce mouvement de
protestation sociale à celui des insurrections lyonnaises des Canuts de 1831. Les consignes sont de faire revenir l’ordre. C’est dans ce contexte tendu où la justice doit montrer sa fermeté que
le dossier est instruit.
Gérald Messadié poursuit cette hypothèse dans Le secret de l’Auberge rouge , L’Archipel (2007)
Pour lui, les dépositions ont été fabriquées et ce détournement de justice a pour fond un règlement de comptes politique. Il invoque même la possibilité d’un complot en raison de la disparition d’une partie des pièces judiciaires après le procès. Avec humour et ironie, il démonte l’accusation et montre la puissance de l’imaginaire collectif d’une population qui souhaite la reconnaissance de la culpabilité des accusés, soutenue par la justice. Le procureur du Roi souhaite la condamnation, accordant du crédit à des témoignages qui arrivent providentiellement en fin de procès, comme celui du mendiant Chaze, décisif dans le jugement final.
Tout serait lié à l’appartenance des Martin au clan des royalistes, suggérée par son surnom « le blanc », et à son opposition aux Bleus révolutionnaires. Marie Breysse a caché un curé au moment des répressions révolutionnaires. Pierre Martin semblerait s’être rangé du côté des « chouans » ardéchois. La thèse de G. Messadié est qu’il est un homme de main des nobles qui, à leur retour d’exil, tentent de récupérer leurs terres rachetées à bas prix. Occasionnellement en mission, il ferait pression sur des propriétaires de terrains afin que ceux-ci les cèdent. Le brigandage est un phénomène courant à l’époque et Martin serait un sympathisant des bandes commettant leurs méfaits dans les bois. Ceci expliquerait le mécontentement général envers lui.
Or le contexte n’est pas favorable aux royalistes au début des années 1830, ce qui permet à l’affaire d’éclater et d’être sévèrement jugée. Depuis 1815, il existe des foyers de « résistants » royalistes en Ardèche que la justice souhaite réprimer : le procès est l’occasion d’en éliminer certains car le contexte politique s’y prête. Avec l’abdication de Charles X, c’est un nouveau coup dur pour les partisans de l’Ancien régime. Louis-Philippe 1er, avec un rapport du procureur demandant la sévérité, n’accordera pas sa grâce satisfaisant ainsi et la justice locale et les rancœurs populaires ...
Liens utiles sur le blog