Les présentations des éditeurs : 24/06/2011 - Souvent présenté comme le « crime absolu », aux conséquences physiques, psychologiques et symboliques
odieuses, le viol fait aujourd'hui l'objet d'une réprobation sociale maximale. Pourtant, derrière les images forcément simplifiées et « dramatisées » de ce crime, se profile le portrait d'un acte
aux manifestations diverses et hétérogènes, que l'analyse doit élucider.
Au témoignage direct souvent insoutenable, à l'étude de cas toujours génératrice d'indignation, cet ouvrage entend
substituer l'objectivité d'une démarche scientifique et la neutralité des faits tels que rapportés par la procédure judiciaire.
La démarche entreprise ici est pionnière. Elle consiste en l'examen des données issues des dossiers judiciaires afférents à
quatre cent vingt-cinq affaires de viols jugées par trois cours d'assises au cours des dernières années. Elle s'attache à dévoiler les réalités sociales et psychosociales qui se donnent à voir
derrière la catégorie juridique du viol : les protagonistes, auteurs et victimes et les relations qui préexistent entre eux, les modalités, les circonstances et les contextes de l'agression, le
traitement judiciaire qu'elle a reçu, le jugement.
De cette tentative assumée de distanciation avec le crime se dégage une connaissance nouvelle qui apporte de nombreux
éléments réflexifs et pragmatiques utiles à ceux qui s'attachent à mieux comprendre les violences sexuelles et à lutter contre elles.
La Mission de recherche Droit et Justice (www.gip-recherche-justice.fr) a été créée en 1994 sous la forme juridique d'un
groupement d'intérêt public (GIP) par le ministère de la Justice et le CNRS. Elle est chargée de définir et de mettre en œuvre une polit/que scientifique de recherche pluridisciplinaire sur
l'ensemble des questions qui concernent le droit et la justice.
La collection « Perspectives sur la justice » rassemble des textes issus de rapports de recherche réécrits et recomposés
afin d'ouvrir à un public élargi la réflexion des spécialistes.
Les courts extraits de livres : 24/06/2011
- Extrait de l'introduction
Nos connaissances sur le viol et présentation de l'enquête
Alors que le viol, crime ancien, demeure chose fréquente dans les sociétés modernes et qu'il est considéré comme « l'une
des plus graves manifestations de violence » que les femmes en particulier peuvent subir au cours de leur vie, il est remarquable, écrit un démographe au tout début des années 1980, que les
principales sciences humaines (la sociologie, l'histoire, la psychanalyse) l'ignorent, tout autant que la criminologie qui ne lui consacre guère de place dans ses principaux travaux. Dix ans plus
tard, trois chercheuses font peu ou prou le même constat et déplorent encore ce manque : « Aucune étude d'ensemble n'a abordé ce crime et son traitement judiciaire sur un échantillon suffisamment
représentatif» et les recherches sont «presque exclusivement orientées vers la personnalité des criminels ou le drame individuel des victimes », à travers la littérature des sciences
psychologiques - psychologie clinique, psychopathologie, psychiatrie - notamment.
■ L'avancée de la
recherche - Toutefois, durant ces vingt dernières années, l'état de la connaissance s'est singulièrement modifié, grâce à un double apport. Celui des recherches
historiques, d'abord, qui, délaissant les moments atypiques et les grandes figures de l'histoire, se sont davantage penchées vers la vie ordinaire des hommes ordinaires. Dès lors, elles ont eu à
cœur de mettre en lumière ce qui jusqu'à présent était demeuré commun ou banal, ou au contraire tabou et caché. En travaillant sur les mentalités, les mœurs, le corps, les sentiments, la douleur,
la violence ou la mort, les historiens ont aussi tracé l'évolution des sensibilités et des seuils de tolérance à l'égard du licite et de l'interdit qui traversent ces espaces de la vie intime et
sociale. A propos des violences sexuelles en particulier, ils ont montré que pour en établir les contenus, les marques et les représentations au fil du temps, il importe de conjuguer de nombreux
et complexes éléments afin d'éviter tout anachronisme ou une « simpliste indignation rétrospective » : la morale et les pratiques sexuelles, le sentiment de l'honneur, les normes de la pudeur, le
sens de la notion de consentement, la valeur accordée à la souffrance, l'évolution de la conscience et de l'autonomie du sujet, les relations d'autorité au sein de la famille, la place accordée
aux femmes et aux enfants, la progression des savoirs (médecine légale, psychiatrie, sexologie) et les modalités de la perception et de la construction sociale des déviances. Ce sont tous ces
aspects qui expliquent qu'au fil des siècles « les mêmes gestes changent de sens » pour les protagonistes des délits et des crimes ainsi que pour les sociétés et les juges de leur temps.
L'analyse de la violence, et plus encore celle du viol, particulièrement sensible s'il en est, exige un solide socle de connaissances dans tous ces domaines et les historiens ont entamé un fécond
travail de défrichage pour les époques passées.
Auteur : Veronique Le Goaziou
Préface : Maryse Jaspard
Date de saisie : 24/06/2011
Genre : Droit
Éditeur : Documentation française, Paris, France
Collection : Perspectives sur la justice