Document 2008 - L'histoire de la justice et des justiciables s'est longtemps bornée aux grandes
institutions : le Parlement en Languedoc, le Conseil souverain dans la province du Roussillon. Les justices inférieures (on dit secondaires et subalternes) restaient dans l'ombre, desservies par
leur médiocre réputation et la conservation très inégale de leurs archives.
On sait maintenant les limites de cette approche : les cours souveraines jugeaient principalement en appel, la majorité des affaires était traitée par les justices de première instance. Or, contrairement au discrédit supposé dans lesquelles elles seraient tombées, elles restaient vivantes le plus souvent, fonctionnaient mieux qu'on l'a dit. Les justiciables appréciaient ces justices de proximité, relativement rapides, peu onéreuses, où la porte restait ouverte aux accommodements entre parties adverses.
Les tribunaux des vigueries de la province du Roussillon, étudiés pour la première fois grâce au classement récent de leurs
archives, illustrent ce constat. Ils ne perdent rien de leur vigueur après le Traité des Pyrénées, servis par des juges du cru formés à l'université de Perpignan. Là étaient portés les conflits
du quotidien, depuis les altercations de voisinage jusqu'aux vols de bestiaux, aux viols, aux meurtres. Les caractères et le fonctionnement profond de la société se dévoilent à travers eux.
Coordinateur : Gilbert Larguier
Avec la participation de : Marc Badosa, Didier Baisset, Didier Catarina, Caroline Chevalier, Bruno Jaudon, Delphine Joubes, Christophe Juhel, Caroline Perche, Jean-Christophe Robert, Emmanuelle
Telxidor
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Les courts extraits de livres : 12/04/2008
LA VIGUERIE, UNE CIRCONSCRIPTION JUDICIAIRE ORIGINALE
Delphine JOUBES
Sous l'Ancien Régime, en Roussillon, la justice est souvent assimilée au Conseil souverain mis en place dès 1660 pour contrôler l'activité judiciaire de la nouvelle province. On oublie qu'il est
avant tout une juridiction d'appel des juridictions de droit commun. De nombreuses études lui ont déjà été consacrées, mais aucune ne s'est encore véritablement penchée sur les juridictions du
premier degré que sont les trois vigueries et les dix bailliages issus du régime antérieur.
Aussi, s'intéressera-t-on ici aux tribunaux des vigueries. Quels étaient alors les rouages de ce type de tribunal, unique
dans le royaume de France alors ? Il sera intéressant de répondre à cette question afin de revenir sur quelques préjugés en étudiant sa pérennité à travers les siècles puis son originalité.
I. La pérennité du tribunal de viguerie à travers les siècles
La viguerie est à l'origine une circonscription judiciaire. Un tribunal de viguerie est mis en place pour traiter des affaires judiciaires du premier degré. Cette institution originale dure
jusqu'à la Révolution (A). Elle détient des compétences particulières dans la province (B).
A. Le tribunal de viguerie, une institution originale
Le terme de viguier provient du latin «vicarius», «veguer» en catalan, qui signifie remplaçant, suppléant. Le code wisigothique l'emploie, dans un sens très vague, va même jusqu'à en parler en
l'assimilant au tiufath ou au millenier. En Roussillon, il est cité dans un diplôme de 844 en faveur des Espagnols réfugiés. Le viguier apparaît véritablement en 1153. Lieutenant du comte à
l'origine, il devient ensuite représentant du souverain dans la province. Pendant la première moitié du XIIe siècle, il n'existe qu'un viguier pour les trois pagi de Cerdagne, Confient,
Roussillon et Vallespir. Ce n'est que plus tard qu'il y eut un viguier par comté et les Corts par une décision de 1228 interdirent la création de nouveaux viguiers.
Au XIIe siècle, les viguiers étaient «des officiers d'épée, chargés de veiller à la sûreté publique, de poursuivre les brigands, les bannis et les malfaiteurs, et de faire observer les ordonnances de paix et de trêve. Ils ont par la suite l'attribution particulière des cas royaux enlevés à l'ordinaire et la connaissance des causes des parties exemptes de cette juridiction, qu'ils jugeaient en première instance, avec l'assistance d'un assesseur». Par la suite, au cours du XIIIe siècle, les comtes roi de Catalogne et d'Aragon accrurent considérablement leur influence. Sous le règne de Jacques Ier (1242-1276), l'un des plus grands de l'histoire catalano-aragonaise, les comtés furent divisés en trois vigueries.
La viguerie se conçoit donc comme une circonscription judiciaire, administrative, militaire et policière, à la tête de laquelle se trouve un viguier représentant le comte ou plus exactement l'autorité royale. Trois vigueries découpent la province : de Roussillon-Vallespir, de Confient et Capcir, de Cerdagne, avec comme capitales respectivement Perpignan, Prades et Saillagouse. Chacune possède un tribunal.
La dénomination de vigueries et bailliages est typique de la province. Il s'agit ici d'étudier seulement les fonctions judiciaires de ces circonscriptions. Le Roussillon devient français en 1659 par le Traité des Pyrénées. Le passage d'une souveraineté à l'autre fut brutal. Louis XIV ne souhaita cependant pas heurter les populations. Il connaissait l'attachement du peuple catalan à ses coutumes. Aussi, accepta-t-il que les anciens privilèges et certaines coutumes de la province fussent conservés après l'annexion. Ceci vaut notamment pour le domaine judiciaire. La province, en effet, comprenait déjà une organisation judiciaire précise composée d'institutions ordinaires et extraordinaires. Le roi les conserva en greffant des institutions françaises. Il est indéniable que Louis XIV n'aurait pu effacer d'un seul trait des institutions présentes dans la province depuis le Moyen Âge.
Le tribunal de viguerie existait dans la province de Roussillon bien avant l'annexion par la France. Cette ancienneté fait qu'il détient des compétences bien précises.
Auteur : Gilbert Larguier
Date de saisie : 17/04/2008
Genre : Sciences humaines et sociales
Éditeur : Presses universitaires de Perpignan, Perpignan, France
Collection : Études
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