Combattante anonyme de la Commune, Louise Michel se « révéla » par son éloquence lors de son procès à Versailles. Spécialiste du mouvement anarchiste, et profondément attaché à cette période, Michel Ragon est le premier, dans Georges et Louise, à faire resplendir cette amitié. C'est sur le tard, à propos des attentats anarchistes de Ravachol et Cie, que Georges et Louise commencèrent à avoir une attitude divergente. « Comme si un moyen pacifique contre la bêtise ou la méchanceté était possible! » s'exclamait-elle. Divergence aggravée à propos de Dreyfus. Il prit parti pour le capitaine. Et publia « J'accuse...! » de Zola, dans son journal L'Aurore. Elle ne se mêla pas de l'Affaire qui, à ses yeux, ne concernait que des ennemis de classe. Des bourgeois, des militaires.
Mais ces désaccords n'entamèrent jamais le respect ni la confiance qu'ils avaient l'un pour l'autre. Quand Louise meurt, en 1905, Clemenceau, sénateur, n'en est qu'au début de son reniement. Sa vieille amie, irréductible adversaire de toute forme de pouvoir, ne verra pas comment, une fois au gouvernement, il trahira leur idéal commun. Mais il se montrera digne d'elle quand, en 1919, il refusera de porter plainte contre un anarchiste qui l'avait pris pour cible, à coups de revolver. Elle avait agi de même à l'égard d'un homme qui avait tenté de l'assassiner.
Michel Ragon nous entraîne dans une formidable série d'aventures vécues au
nom de la justice et de la dignité. Mais son livre aurait aussi bien pu s'intituler « Louise, Georges et Henri », car Henri Rochefort a également fait preuve d'une infatigable
amitié à l'égard de « la nonne rouge ». Une amitié née en Nouvelle-Calédonie où ils avaient été l'un et l'autre déportés. Henri, marquis de Rochefort-Luçay, apporta toute
sa vie un soutien moral et matériel - car il avait un grand cœur et une immense fortune - à Louise Michel.
Un autre marquis, de Talleyrand-Périgord, était prêt à s'occuper de la vieille mère bien-aimée de « la sainte laïque». Avec Kropotkine, qui était prince, et la duchesse d'Uzès, ils firent partie de ces aristocrates dont Louise n'eut jamais à se plaindre. Elle compta même parmi ses défenseurs Mauté de Fleurville, beau-père de Verlaine. Exilée à Londres, elle trouvait d'ailleurs la reine Victoria sympathique. Paradoxe, parmi d'autres, d'une militante devenue une gloire internationale. Les organisateurs de ses dernières tournées de conférence recouraient aux méthodes de Barnum pour attirer le chaland et elle était parfois dépassée par les événements... Michel Ragon nous raconte tout cela avec la chaleur communicative qui le caractérise. Et sans cacher sa préférence pour les anars.
Par Jean-Pierre Tison (Lire), publié le 01/04/2000
http://www.lexpress.fr/culture/livre/georges-et-louise_805901.html
Louise, c'est Louise Michel, la " bâtarde " devenue directrice d'une école pour les pauvres sur la Butte-Montmartre, militante anarchiste déportée en Nouvelle-Calédonie après la Commune.
Georges, c'est Georges Clemenceau : le tribun de la gauche radicale, défenseur de Dreyfus, ministre à poigne, qui justifiera plus tard les surnoms de " Père la Victoire " et de " Premier Flic de France ".Entre eux, une amitié, une affection, une admiration réciproques qui les lieront pendant toute leur vie, alors même que leurs chemins n'ont cessé de diverger.
Deux personnalités hors du commun, avec pour toile de fond les luttes sociales, l'anarchisme, l'histoire politique tourmentée de la IIIe République : tout concourt dans ce livre à rassembler les passions et les talents de Michel Ragon, auteur de La Mémoire des vaincus et des Mouchoirs rouges de Cholet.
Collection : Littérature & Documents
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