Document Mars 2011 - Jean Cavalier est né au mas Roux, dans la paroisse de Ribaute près
d'Anduze, en 1681, d'une famille de paysans protestants aisés. Il est mort en exil à Chelsea en Angleterre en 1740, lieutenant-gouverneur de Jersey et major général de Sa Majesté britannique
George II.
Comment a été possible, à l'époque de Louis XIV, une telle ascension sociale ? De 1702 à 1704, Jean Cavalier fut l'un des plus remarquables chefs de la guerre des camisards -une « guérilla d'inspirés », suivant l'expression de Philippe Joutard -, qui mobilisa contre elle, en Cévennes et dans le Bas-Languedoc, deux maréchaux de France, Montrevel et Villars, et plus de 25000 hommes de troupe.
Les Mémoires inédits de Jean Cavalier que nous publions aujourd'hui, dits « du Manuscrit de la Haye », sont, en fait, la
version originale des Mémoires traduits et publiés en anglais en 1726, puis retraduits en français par Frank Puaux et publiés en 1919. Le style en est beaucoup plus enlevé, laissant percer la
saveur du parler occitan général en Languedoc à cette époque. Le récit de ses exploits militaires est relativement exact, même si l'ordre chronologique y est parfois bouleversé. La voloJean
Cavaliernté de Cavalier de se mettre en valeur et d'effacer toutes les manifestations du prophétisme est moins marquée que dans le texte anglais. Le plaidoyer, pour expliquer ce que beaucoup ont
considéré comme une trahison, est habile, mais pas absolument convaincant. Ce récit met en évidence l'intelligence et le réalisme politique de son auteur qui restera, dans l'Histoire, comme le
David protestant du petit peuple des campagnes qui tint tête avec succès au Goliath catholique de la royauté.
Le texte est présenté et annoté par Pierre Rolland, spécialiste de cette période, à qui l'on doit notamment un
Dictionnaire des camisardspublié en 1995 aux Presses du Languedoc.
-
Les courts extraits de livres : 21/03/2011
Extrait de l'avant-propos - Jean Cavalier et la guerre des camisards
Jean Cavalier, dont nous publions une version inédite des Mémoires, est l'un des principaux chefs des insurgés protestants de la guerre des camisards, appelée également guerre des Cévennes. Cette
guerre est l'aboutissement violent d'une longue période de lutte plus ou moins pacifique des protestants des Cévennes et du bas Languedoc qui veulent continuer à pratiquer leur religion.
De l'édit de Nantes à la guerre des camisards - En 1598, le roi Henri IV avait mis un terme aux guerres de religion par l'édit de Nantes, qui reconnaissait la religion
protestante comme religion minoritaire, et lui accordait certaines garanties. Le renforcement du pouvoir royal, et l'affaiblissement du parti huguenot après la défaite du duc de Rohan en 1629,
entraînèrent une lente dégradation de la situation des protestants, avec une érosion de leurs effectifs, sauf dans leurs bastions traditionnels où ils restaient toujours très largement
majoritaires. Louis XIV, dès qu'il exerça réellement le pouvoir, multiplia les atteintes à la liberté religieuse, surtout dans les périodes de répit militaire, les protestants ne menant qu'une
politique défensive essentiellement d'ordre juridique. L'offensive contre ceux de la « Religion Prétendument Réformée » (en abrégé RPR), s'accélère vers 1680 avec la suppression des tribunaux
mi-catholiques mi-protestants, l'interdiction des mariages mixtes, les interdictions professionnelles et les premières « dragonnades » (logement de militaires chez l'habitant protestant jusqu'à
sa conversion).
En octobre 1685, la presque totalité des protestants ayant été convertis par la force, l'édit de Nantes, devenu inutile, est révoqué par l'édit de Fontainebleau. La religion réformée est interdite, les temples subsistants démolis, les pasteurs chassés du pays s'ils ne se convertissaient pas.
Commence alors une période de résistance larvée que n'attendaient pas les autorités. De nombreux réformés, des couches sociales élevées surtout, s'enfuient dans les pays protestants dits « du refuge ». Ceux qui restent sont de plus en plus nombreux à pratiquer clandestinement un culte « au Désert », surtout dans les régions où ces «nouveaux convertis» sont majoritaires, comme les Cévennes, une partie du haut et surtout du bas Languedoc, une partie du Vivarais et du Dauphiné, etc. Des prédicants itinérants remplacent les pasteurs, et finiront pour la plupart pendus, roués vifs ou tués par les soldats. Parmi eux Vivent, dont l'action violente préfigure celle des camisards, est tué en 1692, et Brousson est pendu en 1698. Cavalier rappelle leur souvenir dans ses Mémoires. La répression est en effet terrible : sanctions financières très lourdes, déportation aux Antilles, galères et prison pour ceux qui se font prendre en sortant du royaume ou au cours des assemblées du Désert, exécutions.
Vers 1700, il n'y a plus de prédicants en Cévennes et en bas Languedoc. La plupart ont été tués, quelques-uns ont réussi à s'enfuir. Une nouvelle génération de jeunes gens qui n'ont jamais connu le protestantisme autorisé, avec ses temples, ses ministres (pasteurs) et ses anciens, se lève, inspirés par l'Esprit divin qui s'exprime par leur voix. Cette vague de prophétisme, venue d'Ardèche et du Dauphiné, enflamme toute la jeunesse des campagnes et remplit les prisons.
Auteur : Jean Cavalier
Préface : Pierre Rolland
Date de saisie : 21/03/2011
Genre : Biographies Historiques
Éditeur : Ed. de Paris-Max Chaleil, Paris, France
Collection : Bibliothèque protestante