Consacrée à la politique extérieure de la France impériale, cette étude montre un Napoléon diplomate,
attentif à la géopolitique.
La politique extérieure du Consulat et de l'Empire ne se limite pas à ses aspects guerriers et à l'action du conquérant.
Même en conflit fréquent avec les puissances européennes, Napoléon se voulait aussi créateur et animateur d'une diplomatie active, nourrie de sa propre pensée, mais aussi de références
historiques et de traditions héritées de ses prédécesseurs, royaux comme révolutionnaires. Il a ainsi tenté d'assurer, et pas seulement par les armes, la prépondérance française en Europe et même
dans le monde.
Cet ouvrage met en lumière les fondements de cette diplomatie, à travers une analyse du « système » napoléonien
et plusieurs cas concrets. Au-delà des rivalités avec l'ennemi héréditaire anglais, des luttes d'influence avec les autres grandes puissances (Russie, Autriche, Prusse), Napoléon se préoccupait
aussi d'horizons plus inattendus, parfois même exotiques. Que cachait sa politique coloniale aux Antilles ? Quelles furent ses relations avec le Maroc ? Croyait-il aux États-Unis ?
Quelles étaient ses véritables intentions à l'égard de la Pologne ? Pourquoi échoua-t-il à faire de l'Irlande une « Vendée anglaise » ? Quelles sont les raisons de sa méfiance
envers l'Espagne, pourtant son alliée principale pendant plus de la moitié de son règne ?
En répondant à ces questions, Thierry Lentz met en évidence une vision et des calculs irréductibles à la seule question de
l'hégémonie française. Il nous dévoile un Napoléon praticien accompli de la dialectique de la guerre et de la paix.
Un regard neuf et décalé sur l'action diplomatique de Napoléon.

Thierry Lentz nous fait, dans une introduction assez dense, et aux deux premiers chapitres, revenir aux sources de l’ambition impériale : le modèle de Bonaparte est sans nulle doute le modèle carolingien : Charlemagne peuple ses songes et l’idée « fédérative » le hante.
L’ouvrage nous fait revivre aussi les sources un peu trop oubliées de l’Expédition d’Égypte. Pour le jeune général, s’éloigner des complots parisiens, pour les puissants de la transition post-thermidorienne, éloigner le trop brillant vainqueur de l’Italie, et surtout couper la route des Indes (déjà) aux Britanniques. On aborde la tentative maladroite vers le Royaume du Maroc, la bien sotte mission du capitaine Burel auprès de Moulay Slimane, le rêve évanoui d’une alliance et de la maîtrise des colonnes d’Hercule.
Ensuite, on pénètre, chapitre après chapitre dans la complexe stratégie des alliances continentales, dont Napoléon,
devenu empereur, changea plusieurs fois : ennemis puis alliés ou l’inverse, il fit valser l’Empire des Habsbourg, négligea la Prusse, s’appuya sur la Pologne pour la sacrifier plus tard,
fit patte de velours avec la Russie pour l’envahir peu après. Tout cela à la hâte, sans vraiment écouter les avertissements de Talleyrand. L’ennemi majeur reste la puissance anglaise dont
l’omniprésence dans toutes ses réflexions dessine assez bien la trajectoire tortueuse de l’empereur, cet empereur qui ne cesse de désirer une paix lointaine sans pouvoir arrêter les campagnes
militaires, dont on connaît le catastrophique aboutissement.
Il y a aussi, dans cet ouvrage qui frise parfois la psychanalyse d’un esprit brillant, à la fois direct et compliqué, les espoirs mis sur l’Irlande, les tentatives avortées vers les jeunes États-Unis, en train d’accomplir leur « seconde guerre d’indépendance » face à a Grande-Bretagne, le changement de stratégie envers les royaumes d’Espagne et du Portugal. En 9 chapitres (dont certains reprennent et améliorent des articles déjà parus mais dispersés) nous faisons le tour d’une diplomatie oscillante, presque uniquement continentale, et dont les résultats inattendus seront sur le long terme les Indépendances latines américaines et la construction de l’empire maritime puis colonial de la Grande-Bretagne. Napoléon Bonaparte changea trop souvent de stratégie diplomatique pour pouvoir construire durablement des alliances, des politiques de long terme. Sa vision est strictement territoriale sans tenir compte des orientations économiques, ni surtout du passé des dynasties auxquelles il s’attaque. Avoir oublié la Suède, le Danemark, la Prusse en les reléguant au rôle d’acteurs de second rang, vouloir placer les membres de sa famille et ses maréchaux à la tête de territoires intégrés à un empire centralisé, relevait sans doute d’une contre-diplomatie inacceptable pour beaucoup.
Voila une étude bien intéressante du Premier Empire : elle nous mène au seuil du Congrès de Vienne (en fait il y en eut deux : l’avant et l’après Cent Jours), qui redessinera l’Europe après la tempête napoléonienne pour tout le XIXe siècle, pratiquement jusqu’à la Grande Guerre. Mais ceci est une autre histoire, que nous promet bientôt Thierry Lentz.
On lira aussi avec intérêt et pour illustrer, compléter ce bain épistolaire, Napoléon et la campagne de Russie 1812, par Jacques-Olivier Boudon chez Armand Colin.
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